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MATTHIEU D’AQUASPARTA
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illa quwstione quod principium immediatum débat esse proportionatum cffectui immedinlo contra ipsiim sunt , etc.
III. Doctrine.
Matthieu d’Aquasparta appartient, connue la plupart des maîtres franciscains du xiip siècle jusqu’à Duns Scot, à la direction augustinienne de la scolastique. Après Alexandre de Ilalès et Thomas d’York, particulièrement sous l’influence de saint Bonaventure, une synthèse philosophique et théologique s’était constituée à l’intérieur de l’école franciscaine et loin au delà, dans les centres universitaires de Bologne, de Borne surtout. D’inspiration profondément augustinienne, mais progressive et ouverte aux apports de la pensée grecque et aux progrès des sciences expérimentales et de la critique textuelle, que Bobert Grossetête, le grand initiateur de la pensée franciscaine, avait cultivées avec éclat, elle était décidée à "maintenir essentiellement la métaphysique d’Augustin et de saint Anselme et les intuitions de l’école de Saint-Victor. En 1273, elle s’était affirmée dans les Conférencess ur l’Hexaméron, prononcées par le Séraphique Docteur devant l’Université de Paris et où, dans le cadre de ses élévations théologiques et de ses effusions mystiques, le saint avait heurté de front et l’averroïsme parisien de Siger de Brabant et l’aristotélisme mitigé de saint Thomas d’Aquin. Opéra omnia, t. v, p. 329-449 ; J. d’Albi, Saint Bonaventure et les luttes doctrinales de 1267 ù 12 77, Paris, 1923, p. 139-200 ; Gilson, La philosophie de saint Bonaventure, Paris, 1923, p. 29-38. L’écart profond entre la pensée augustinienne et franciscaine et le courant aristotélicien, pleinement affirmé par Bonaventure, devint si vif que, le 1er juin 1285, Jean Peckam écrivait à l’évêque de Lincoln que les deux écoles de saint Bonaventure et de saint Thomas d’Aquin étaient en lutte ouverte dans presque toutes les questions qui n’étaient pas matière de foi, in omnibus dubitabilibus sibi pêne penitus hodic adversari exc ? ptis fidei fundamentis, etc. Registrum epistolarum J. Peckam, éd. Marin, Londres, 1885, t. iii, p. 896-902. Ce fut précisément dans ces circonstances, et tout pénétré du souvenir de Bonaventure, que Matthieu d’Aquasparta écrivit ses nombreux ouvrages. Pas un, au xme siècle — et depuis — ne connaissait mieux que lui la pensée bonavent urienne ; très rares aussi étaient ceux qui avaient fréquenté Augustin comme lui, car ainsi que l’a observé le cardinal Ehrle « chez Matthieu d’Aquasparta resplendissent en tout leur éclat une connaissance et une pénétration extraordinaire des écrits de saint Augustin. » L’agostinismoe l’aristotelismo nella scolastica del secolo XIII, dans Xenia thomistica, Borne, 1925, p. 68 ; cf. Grabmann, loc. cit., p. 172. C’est dire que la pensée théologique, mystique et philosophique d’Aquasparta ne pouvait pas être autre chose que le prolongement fidèle et un approfondissement de la synthèse bonaventurienne.
V. Signification historique.
A rencontre des princes de la scolastique, Matthieu d’Aquasparta n’a pas laissé de traces dans l’histoire de la pensée. Pendant cinq siècles, son nom ne se rencontre guère que dans les catalogues des bibliothèques conventuelles d’Assise, de Todi et de Sienne et chez quelques bibliographes franciscains. Par un oubli surprenant, ses précieux "autographes furent délaissés à Todi et à Assise jusqu’en 1883, alors que, pour la première fois, le P. F. Ehrle, aujourd’hui cardinal, les signalait dans son inoubliable article, Das Sludium der Handschriften mit besonderer Berùcksichtigung der Schule des ht. Bonavelura, dans Zeitschrift für kalh. Théologie, Inspruck, 1883, p. 46. Depuis lors, les éditions des franciscains de Quaracchi, les études de Mgr Grabmann sur la philosophie de la connaissance élaborée par le cardinal franciscain, Die philosophische und
theologische Erkenntnislehre des Kard. M. von Aquasparta, Vienne, 1906, et sur sa théorie du droit naturel, Millelalterliches Geislesleben, Munich, 1926, p. 80-83, les pages que lui a consacrées M. De Wulf, Histoire de la philosophie médiévale, Louvain, 1924, t. i, p. 358-361, ont ramené l’attention sur lui.
Néanmoins, si l’on considère dans leur ampleur et leur contenu, les écrits presqu’entièrement inédits de M. d’Aquasparta, il es 1, évident que tout reste à faire et que la publication de ces textes rendrait à la philosophie et à la théologie d’inappréciables services. L’œuvre du docteur franciscain est, en effet, du point de vue philosophique et critique la justification la plus complète de la synthèse bonaventurienne, et le terme le plus développé de ses intuitions métaphysiques. Ainsi Matthieu d’Aquasparta soutient avec saint Bonaventure que le fondement de la connaissance se trouve dans les raisons éternelles ; il développe longuement cette thèse éminemment franciscaine dans ses questions, Qusesliones disputalæ, t. i, p. 241-269. et dans son Commentaire sur les Sentences,
I Sent., dist. XXXV, a. 39, i et ii, Todi, cod. 122, fol. 115 r°. Il enseigne aussi que l’âme a la connaissance intuitive d’elle-même et des habitudes qui l’informe, Quæst. disp., t. i, p. 317-341, et que l’intelligence saisit directement l’individuel ou l’être existentiel, et non pas seulement d’une façon indirecte et réflexe, comme le veut saint Thomas d’Aquin. Quæst. disp., t. i, p. 298-317 ; Grabmann, Die Erkenntnislehre, etc., p. 85-91. Avec une grande pénétration il critique l’opinion thomiste de la possibilité de la création ab seterno. E. Longpré, Thimas d’York et M. d’Aquasparta. Textes inédits sur le problème de la création, dans Archives d’histoire doctrinale et littéraire du Moyen Age, Paris, 1926, 1. 1, p. 269-309. Dans le même sens augustinien, il admet l’existence des raisons séminales dans l’explication du devenir,
II Sent., dist. XVIII, a. 1, q. i-iii, Assise, cod. 132, fol. 97 r°-99 v°, et soutient la théorie de la composition hylémorphique des substances spirituelles. // Sent., dist. III, a. 1, q. i, Assise, cod. 132, fol. 19 r°-22 v° a. A ce sujet il observe que la distinction de l’essence et de l’existence est insuffisante pour expliquer la composition réelle des êtres et apprécie sévèrement cette opinion : Iste modus ponendi omnino est frivolus et magis habetvanæ ftetionis quam veritatis. Avec saint Bonaventure enfin, Matthieu d’Aquasparta ne voit pas le principe d’individuation dans la matière affectée de quantité, mais dans les deux principes formels de l’être réalisés en même temps : Individuatio causatur ex compositione principiorum propriorum, sciltcet malerise et formée, II Sent., dist. III, a. 2, q. iii, Assise, cod. 132, fol. 28 r°-29 v.
Par la connaissance profonde de saint Augustin dont elle témoigne dans tous les problèmes, F. Ehrle, L’agostinismoe l’aristotelismo nella scolastica del sec. XIII, dans Xenia thomistica, Borne, 1925, p. 68, l’œuvre d’Aquasparta est en même temps la preuve incontestable de l’augustinisme authentique et traditionnel des idées soutenues par les maîtres franciscains, depuis Alexandre de Halès et Thomas d’York. A la lumière de ces textes inédits plusieurs problèmes s’éclairent : le sens vrai de maintes idées bonaventuriennes, en philosophie et en mystique surtout, le profond conflit de l’augustinisme et de l’aristotélisme, au cours duquel, bien avant Duns Scot, et souvent plus complètement que chez lui, s’élabore une critique intégrale de saint Thomas d’Aquin que l’histoire de la pensée ne peut oublier, l’affirmation très nette et très assurée de l’augustinisme bonaventurien, sur le terrain philosophique comme dans les autres domaines, si bien que, loin de céder devant l’aristolélisme, comme les médiévistes