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    1. MARONITE (ÉGLISE)##


MARONITE (ÉGLISE), LES MARONITES ET LE MONOTHÉLI3ME

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/) Enfin, un texte d’Innocent III a été souvent exploité pour accuser d’hérésie le peuple maronite. 11 s’agit de la bulle Quia divinee sapientiæ, adressée, en 1215, au patriarche, à l’épiscopat, au clergé et au peuple maronites.

Divina providentia illos quos diu passa est justo judicio’sod occulto sub quodam obscuritatis nubilo ambulare, tandem per miserieordiam suani magnam cœlestis gratis ; rore porfusos ambulare facit per illustratam seinitam veritatis : quod de Gnecorum Ecclesia, et de vobis nuper factum novimus, et gaudemus. Nani, cura olim essetis quasi oves errantes, non recte intelligentes unam existere Christi sponsam atquc columbam, sanctam scilicet Ecclesiam catholicam, unum et esse veruni pastorem, Christum scilicet, et post Ipsum ac per Ipsum apostolum ac vicarium ejus Petrum, … dudum transmisso a nobis ad partes vestras bo. me. Petro, Sancti Marcelli presbytero cardinale, tune Apostolica ? Sedis legato, conversi luistis ad Pastorem vestrum, et Episcopum animarum vestrarum. Domino inspirante, nos universalis Ecclesiae summum Pontilicem, ac Jesu Christi Vicarium, et matrem vestram Sanctam Romanam Ecclesiam agnoscentes… Siquidem.dum esses olim apud Tripolim coram cardinale prrcdicto, tu, Frater Patriarcha, cum quibusdam tuis suffraganeis, scilicet Josepho archiepiscopo Hassasa, et Theodoro episcopo Capharphio, et aliis quam plurimis presbyteris, et laicis tibi subditis constitutis, tu et ipsi pro se ac aliis præsentibus quibusdam episcopis, viris religiosis, ac clero, et populo tripolitano, juxta formam solitam, qua Métropolitain obedientiam Sedi Apostolicae repromittunt, voluntate spontanea juravistis [vos] Ecclesiac Romanæ, ac nobis et successoribus nostris, obedientiam, et reverentiam debitam, et devotam deinceps humiliter prsestituros. Quia vero die tus cardinalis in quibusdam intellexit vos pati defectum, illum in vobis apostolicae auctoritatis plenitudine supplere curavit, injungens ut amodo secundum quod Romana tenet Ecclesia sine dubitatione credatis, quod Spiritus Sanctus procedit a Filio, sicut procedit a Pâtre, cum sit Spiritus utriusque, quemadmodum et sacris auctoritatibus, et certis rationibus comprobatur ; et ut hanc formam baptizando servetis, quod in trina immersione unica tantum fiât invocatio Trinitatis ; ut etiam confirmationis utamini sacramento a solis episcopis conferendo ; et ne in confectione chrismatis aliquam speciem, nisi balsamum, et oleum apponatis ; et ut quilibet vestrum saltem semel in anno sua confiteatur peccata proprio sacerdoti, et ter ad minus in anno dévote suscipiatis Eucharistise sacramentum ; et ut duas in Christo confiteamint voluntates, divinam scilicet et humanam ; et in altaris sacrificio non vitreis, ligneis, aut aereis, sed stanneis, argenteis, vel aureis vasis utamini ; habentes campanas ad distinguendas horas, et populum ad Ecclesiam convocandum. Anaïssi, Bull., Rome, 1911, p. 2-3.

Un tel document, donné par la plus haute autorité ecclésiastique, disent les adversaires de la thèse maronite, ne laisse plus aucun doute sur l’hétérodoxie originelle de cette nation. Mais alors, la conversion des maronites serait placée sous Innocent III (11981216), ce qui rendrait caduc le témoignage de Guillaume de Tyr, selon lequel elle aurait eu lieu en 11801181 sous le pontificat d’Aimeri (Amaury de Limoges), patriarche latin d’Antioche. Dudum transmisso a nobis ad partes vestras, dit Innocent III, bo. me. Petro, Sancti Marcelli presbytero cardinale, lune Apost’Ucæ Sedis legato, conversi fuislis ad Pastorem vestrum. .. Cette conversion, on le voit, aurait été accomplie en présence du cardinal Pierre d’Amalfi, légat d’Innocent III. On se trouve donc fort.loin de la date fixée par l’archevêque de Tyr. A quoi les partisans de la conversion répondent : l’union conclue en 11801181, n’a pas duré ; elle a été rompue par le mauvais vouloir du patriarche Luc, mort en 1209 ; le successeur de ce dernier, Jérémie, s’est hâté de réparer le mal ; il s’est rendu au IVe concile du Latran et en est reparti avec un légat pontifical, chargé de réconcilier à nouveau l’Église maronite avec le Saint-Siège. Cf. S.Vailhé, Origines religieuses des maronites, dans Échos d’Orient, 1901, t. iv, p. 161.

La vérité est qu’à crtte époque, il n’y eut pas de

patriarche maronite nommé Luc. Jérémie monta sur le siège patriarcal en 1183 ; c’est lui-même qui nous l’apprend par la note écrite de sa propre main et que nous avons citée plus haut ; il était encore patriarche en 1215, puisque la lettre à lui adressée par le pape est de cette année ; il mourut en 1230. Douaïhi, Annules, an. 1230, fol. 39 r° ; ms. 395, fol. 97 r°-101 r°.

L’histoire de cette rupture avec Rome et de la réparation du mal par Jérémie est donc inexacte, conjecturée pour les besoin de la cause. A lire de près la bulle d’Innocent III, on voit que le pape n’envisage pas dans la démarche des maronites une rétractation d’erreurs dogmatiques ou de fausses doctrines. Il n’a en vue que le serment de fidélité, prêté par les maronites, juxta formam solitam, qua metripolitani obedientiam Sedi Apostolica ; repromittunt. Le chef de l’Église maronite ne fit que jurer fidélité au Saint-Siège comme l’avaient fait avant lui ses prédécesseurs en 1131 et 1180-1181. Point n’est question d’une profession de foi contenant la formule d’abjuration, que l’Église impose pour la réconciliation des hérétiques.

Il y a, cependant, dans la lettre d’Innocent III, quelques expressions qui dénoteraient un véritable retour à l’Église catholique. Mais ces expressions s’adressent-elles aux maronites ou bien aux grecs ? Le pape s’occupe, dans cette lettre, et des maronites et des grecs : Quod de Grœcorum Ecclesia et vobis nuper factum novimus. Le thème qui fixe la pensée pontificale le montre encore davantage. Parlant de brebis égarées, oves errantes, le souverain pontife comprend, sous cette appellation, les chrétiens qui ne reconnaissent pas l’Église catholique, ni l’autorité de Pierre et de ses successeurs. Or personne n’a jamais reproché aux maronites un manque de soumission au pape. Bien au contraire, la fidélité au vicaire du Christ donne à cette nation qui vivait au milieu de peuples non catholiques sa marque, son unité et son existence. On a vu plus haut l’attitude qu’elle a prise et maintenue en face des monophysites : on a vu aussi qu’à la veille des croisades elle proclamait encore son union avec Rome. Mais ce qui est encore plus démonstratif, c’est l’insistance avec laquelle le pape parle de la procession du Saint-Esprit. Or, sous ce rapport, nul n’a jamais élevé l’ombre d’un doute sur l’orthodoxie de la foi maronite. Il était inévitable que la lettre d’Innocent III, visant deux confessions entièrement distinctes, prêtât à quelque méprise et laissât la porte ouverte à la discussion sur la véritable pensée du Pontife. Il faut donc faire la part de la confusion résultant nécessairement d un tel mélange.

Le pape parle, il est vrai, des deux volontés dans le Christ Mais il ne fait que toucher cette question sans y insister autrement ; il la place même à la suite de certains articles de pure discipline. Ce qui prouverait plutôt qu’il connaît le fond de la doctrine maronite à ce sujet.

En outre, il reconnaît dans la même lettre la légitimité du pouvoir patriarcal exercé par les prédécesseurs de Jérémie : Usum quoque pallii.., solitis tibi consueludinibus approbaiis, quas tu etiam et prædecessores lui hactenus in Antiochena Ecclesia dignoscimini habuisse, tibi, tuisque succesoribus auctoritate apostolica indulgemus. Innocent III aurait-il tenu semblable langage, si, vraiment, il avait vu dans les devanciers de Jérémie une lignée de chefs hérétiques ? Aurait-il laissé intactes, s’il n’en avait pas admis le fondement juridique, les prérogatives du patriarche maronite, parallèlement à celles du siège latin d’Antioche, alors qu’on était si attaché au principe de l’unité de juridiction ? Or, il reconnaît à Jérémie toute l’autorité patriarcale ; il n’apporte aucune restriction aux prérogatives de son siège.

Mais allons plus loin : même en supposant vraie,