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MATTIIIEI SAINT). CARACTÈRES DU PREMIER ÉVANGILE

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3° Jésus Messie et Fils de Dieu. - 1. Le même souci de présenter le christianisme comme une suite du judaïsme, qui s’imposait à saint Matthieu en raison dos premiers destinataires de son évangile, apparaît dans son insistance à montrer en Jésus le Messie, fils de David, héritier des promesses divines et de la dignité royale.

C’est cette filiation davidique que vise à établir la généalogie placée en tête du premier évangile. C’est la qualité de Messie et les droits de Jésus au trône de David que mettent en relief les récits de l’enfance. On sait de plus avec quel soin particulier saint Matthieu souligne, tout le long de la vie de Jésus, l’accomplissement de ce que l’Écriture avait prédit au sujet du Messie : il ne se contente pas, comme les autres évangélistes, de rapporter les passages de l’Ancien Testament, que Jésus lui-même avait allégués comme des prophéties se rapportant à sa personne ; il a en propre un assez grand nombre de citations bibliques dont il fait l’application aux faits de la vie du Sauveur, i, 2223 : ii, 6, 15, 18, 23 ; iv, 14 sq. ; viii, 17 ; xii, 18, 21 ; xiii, 14 sq., 35 ; xxi, 5 ; xxvii, 9. Les lecteurs juifs du premier évangile devaient être très sensibles à l’argument ainsi tiré de l’accomplissement des prophéties messianiques, tandis que saint Marc et saint Luc écrivant pour des chrétiens, moins familiers avec les Écritures et leur interprétation traditionnelle, devaient naturellement lui donner moins de place.

Par ailleurs, saint Matthieu n’insiste pas moins que les deux autres Synoptiques sur la valeur probante des miracles de Jésus en faveur de sa mission divine. On a, même dit qu’il avait accentué plus que saint Marc le pouvoir du Christ comme thaumaturge, et l’on a voulu voir dans ce fait une marque d’origine tardive. Mais, s’il a en propre quelques récits de miracles, et de miracles présentant un caractère un peu exceptionnel, comme celui du didrachme, xvii, 24-27, la marche de Pierre sur les eaux, xiv, 28-31, la résurrection des morts à la Passion, xxvii, 51, il omet par contre plusieurs miracles rapportés par le second évangile, Marc, i, 23-28 ; vii, 31-37 ; viii, 2226. D’autre part, certaines formules générales employées par saint Matthieu, et où l’on a voulu voir l’intention de multiplier les miracles, sont simplement des expressions vagues, qui ne visent qu’à faire ressortir, sans aucune précision, le grand nombre des guérisons opérées par Jésus.

2. La qualité de Fils de Dieu et celle de Messie sont étroitement associées dans l’évangile de saint Matthieu, plus encore que dans les autres Synoptiques.

C’est ainsi que la confession de saint Pierre à Césarée, xvi, 13-16, est présentée sous la forme : « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant », plus complète que celle de Marc : « Tu es le Christ ». ou de Luc : « Tu est le Christ de Dieu. » Sans doute, c’est bien la dignité messianique de Jésus qui est, dans les trois Synoptiques, l’objet direct de la déclaration de Pierre. Mais l’expression : Fils du Dieu vivant, ne doit pas être ici, pas plus qu’elle ne doit l’être dans l’adjuration du grand prêtre au jugement de Jésus, un simple synonyme de Messie. Le fait que Jésus attribue à une révélation du Père céleste la confession de Pierre indique bien qu’il y voit autre chose, quelque chose de plus profond, que dans les déclarations des possédés guéris ou les acclamations de la foule. « Ce n’est pas le terme Fils de Dieu qui doit être abaissé au niveau du mot Christ entendu dans le sens de Christ tout humain ; c’est le sens du mot Christ lui-même qui doit être élevé au niveau supérieur du terme Fils de Dieu, exprimant une réalité mystérieuse et transcendante. Kn sorte que l’apposition ajoutée par saint Matthieu,

i supposer qu’elle ne soit pas entrée authentiquement

dans la confession de saint Pierre, ce qui n’est pas

prouvé, en explique néanmoins et en précise très exactement le sens. » Lepin, Jésus Messie et Fils de Dieu, p. 284-285.

La transcendance de Jésus s’affirme d’ailleurs nettement en d’autres passages caractéristiques du premier évangile. La façon dont le Maître, dans le discours sur la montagne, oppose son enseignement à celui des docteurs juifs, et même à celui de la Loi : « Et moi, je vous dis… » explique l’appréciation commune aux trois Synoptiques sur l’autorité exceptionnelle de cet enseignement, Matth., vii, 29 ; Marc, i, 22, Luc, iv, 32. Le pouvoir souverain et universel du Christ, pour instruire, commander et sanctifier, est formulé solennellement dans la dernière parole du Christ ressuscité, xxviii, 18 : a Tout pouvoir m’a été donné dans le ciel et sur la terre. » La formule trinitairc qui suit : « baptisant au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit », place Jésus dans la sphère de la divinité, au même rang que le Père et le Saint-Esprit, et a une portée dogmatique considérable. On en a contesté l’authenticité, en particulier Conybeare, Zeitschri /t fur N. T. Wissenschaft, 1901, p. 275-288, s’appuyant sur l’autorité d’Eusèbe, mais les objections ont été réfutées de façon décisive. Cf. J. Lebreton. Origines du dogme de la Trinité, 2e édit., p. 563564. On a contesté aussi l’authenticité, comme on a discuté la portée théologique’de la déclaration de Jésus sur son union avec le Père, Matth., xi, 25-27, parallèle à Luc, x, 22 : ce texte capital a été étudié dans l’article Luc, t. ix, col. 991-992.

3. Les récits de l’enfance de Jésus dans saint Matthieu n’ont de commun avec ceux de saint Luc que la conception surnaturelle de Jésus et la naissance à Bethléem.

Le point de vue est tout différent dans les deux évangil.es. Marie paraît être le centre de ceux de saint Luc, tandis que dans saint Matthieu, c’est Joseph qui est au premier plan. On n’a pas pu prétendre, comme on l’a fait pour le troisième évangile, que l’idée de la conception virginale aurait été introduite après coup dans des récits auxquels, dans leur teneur originale, elle était étrangère. Tout le récit de saint Matthieu suppose la croyance à la naissance miraculeuse du Sauveur, personne ne le conteste. Mais les critiques se refusent en général à admettre la valeur historique de ces récits. L’objection la plus sérieuse repose sur la difficulté de les concilier avec ceux de saint Luc, et l’on doit reconnaître qu’il y a là deux conceptions, non point opposées, mais tout de même entièrement distinctes, des origines de Jésus. Cf. sur ce point, dans Lagrange, op. cit. p. 39 sq., une note développée, dont voici la conclusion : « Nous concluons donc, non pas précisément que le c. h de Mt., s’il était isolé, se présenterait avec cet aspect historique qui défie la critique, mais du moins qu’il doit bénéficier du caractère de l’ouvrage entier. Si Mt., qui est dans tout le cours de son évangile, un rapporteur sérieux et consciencieux des faits, a exposé ceux de l’enfance comme ayant la même réalité que le reste, nous n’avons pas le droit de lui donner un démenti. »

Le rouaume des cicux.

Le royaume ou règne de

Dieu tient dans la prédication de Jésus, telle qu’elle est rapportée par saint Matthieu, une place plus grande encore que dans les deux autres synoptiques, puisque cette expression s’y rencontre cinquante et une fois, presque toujours sous la forme |3aatXeîa twv oùpavwv, qui est d’ailleurs l’équivalent dans une manière plus nettement juive, de l’expression royaume de Dieu.

Le royaume des cieux, dans saint Matthieu, présente la même diversité d’aspects, qui a été signalée dans le troisième évangile. Cf. article Luc, t.ix, col. 995-997.

1. Dans beaucoup de cas, il s’agit du royaume