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    1. MATIÈRE ET FORME##


MATIÈRE ET FORME, HISTOIRE DE LA DOCTRINE

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Guillaume d’Auxerre.

Ce mot forma était donc

déjà entré dans la terminologie catholique ; le mot materia s’était déjà rencontré sous la plume de plus d’un auteur, lorsque la philosophie aristotélicienne lit son entrée dans la pensée religieuse du début du xiiie siècle. Rien d’étonnant que l’hylémorphisme aristotélicien, entendu dans un sens large et analogique, ait été accueilli pour exprimer la doctrine augustinienne de Velementum sanctifié par le verbum. Pierre Lombard avait déjà couramment usé du terme forma. Guillaume d’Auxerre, au début du xm° siècle, unifiera la terminologie. Les mots, matière et forme, dans la théologie sacramentaire, deviendront synonymes, des mots, choses et paroles, éléments constitutifs des sacrements. Voici comment s’exprime Guillaume à propos de l’extrème-onction, In IVum Sent., dist. XXIII, édit. Paris, 1500, fol. 283, col. 4 : Sicut de essentia baptisml dicuntur esse tria : scilicet materia et forma verborum et intentio baptizandi ; similiter de essentia sacramenti eucharistiæ dicuntur esse tria : scilicet ordo sacerdotalis et forma verborum et materia scilicet panis et vinum ; eodem modo in essentia hujus sacramenti dicuntur esse tria ; scilicet ordo sacerdotalis et oratio fidei et materia, scilicet oleum consecratum ab episcopo.

6° La conception hylémorphisle au XIIIe siècle. — Désormais, la terminologie est acquise, et Alexandre de Halès, Albert le Grand, saint Thomas d’Aquin l’emploieront couramment. Le seul progrès réalisé par eux sera de chercher l’application aux sacrements de pénitence et de mariage de la théorie que l’on n’avait encore appliquée explicitement qu’aux cinq autres sacrements. Voir, sur ce progrès particulier, les articles spéciaux, Mariage, Pénitenck. Les théologiens s’appliqueront plutôt désormais à justifier par des raisons d’ordre théologique la doctrine de la matière et de la forme dans les sacrements de la Nouvelle Loi.

Toutefois, avant de passer à cette justification théologique, il convient de faire observer qu’en empruntant à la philosophie péripatéticienne les expressions de « matière » et de « forme », la théologie catholique n’a introduit en sa doctrine aucun élément étranger. Il faut, en elïet, considérer le sens que ces expressions revêtent dans la théologie sacramentaire. Ce sens n’est pas un concept aristotélicien, mais la notion vulgaire que nous appliquons de nous-mêmes aux œuvres d’art. Indépendamment, en elïet, de toute philosophie aristotélicienne, ne distinguons-nous pas, dans une statue, la matière dont elle est faite, le marbre par exemple, et la forme que donne à ce marbre le sculpteur ? Nous pouvons en dire autant d’une maison, d’un vêtement, d’un chapeau, d’un vase, etc. Les théologiens, voyant que, dans nos sacrements, il existe un élément dont la signification sacramentelle est plus confuse, et un autre élément, dont le rôle est précisément de déterminer davantage et d’amener à sa perfection cette signification, ont donné au premier le nom de matière et au second le nom de forme. Sans doute la philosophie aristotélicienne présentait cette terminologie toute faite, mais ne pourrait-on pas dire avec tout autant de raison que c’est à un fonds commun, celui du bon sens, que les aristotéliciens eux-mêmes ont puisé ces notions, par lesquelles ils ont désigné les éléments constitutifs des êtres matériels. C’est là le sens exact de la doctrine exposée par saint Thomas, Sum. theol., III a, q. lx, a. 7 : « Dans tous les composés de matière et de forme, le principe déterminant est la forme, qui est en quelque sorte la fin et le terme de la matière… Puis donc que, dans les sacrements, sont requises des choses sensibles déterminées qui en sont comme la matière, à plus forte raison est requise une forme d paroles déterminées. » Mais I l’emploi de ces mots matière et forme ne consacre !

pas plus ici le système aristotélicien de la compositon des corps, qu’ailleurs la définition de l’âme, forme du corps. Voir ce mot, t. v, col. 550.

Dernière précision théologique.

Elle fut ajoutée

par Dans Scot, voir t. iv, col. 1909, et elle consiste dans la distinction d’une matière éloignée, et d’une matière prochaine, dans le sacrement. La matière éloignée est l’élément matériel considéré en lui-même, l’eau baptismale par exemple, et la matière prochaine, est l’application de la matière éloignée au sujet, au moment même où le sacrement est administré : telle, l’ablution baptismale. In IV am Sent., dist. III, q. m ; dist. VII, q. i. Saint Thomas n’avait pas encore fait cette distinction, sauf pour le sacrement de pénitence. Sum. theol., III a, q. lxxxiv, a. 2. Cette distinction a été communément retenue par les moralistes. Pour les autres précisions, apportées dans la suite, surtout en ce qui concerne les sacrements de pénitence et de mariage, on se reportera aux articles spéciaux.

La tradition de l’Église orientale.

Les expressions

de saint Thomas ont été pour ainsi dire canonisées au concile de Florence. Elles ont été acceptées par les orientaux. C’est donc qu’elles répondaient à une doctrine par eux admise. On peut s’en rendre compte en parcourant les traités sacramentaires d’un théologien de l’Église orientale, Siméon, archevêque de Thessalonique, mort en 1429, quelques années avant le concile de Florence. Les rites sacramentaires y sont décrits de telle sorte qu’on y peut facilement trouver les choses et les paroles, équivalentes de la matière et de la forme. Voir P. G., t. clv, De sacramentis, De sancto unguento, col. 175-302, De sacris ordinationibus, De pœnitenlia, De matrimonio, col. 360-532.

D’ailleurs, les professions de foi récentes attestent sur ce point la pleine conformité de l’Église orthodoxe et de l’Église romaine. Certaines formules, ne tenant pas compte du progrès accompli à Florence, se contentent de promulguer, dans les sacrements, deux éléments, l’un matériel, l’autre divin agissant dans la matière pour lui faire produire instrumentalement la grâce. Ainsi la confession de Dosithée, au synode de Jérusalem contre les Calvinistes, en 1672 :

Or, les sacrements sont

constitués par un élément

naturel et un élément sur naturel. Ce ne sont pas de

simples signes des promesses

divines : sous cet aspect, ils

ne différeraient pas de la cir concision. Ce sont, nous le

devons confesser, de véri tables instruments confé iant nécessairement la grâce

à qui les reçoit.

Hvy/siTM Se toc fADar/j pia èx toù cpuaixoû xal

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Kimmel, Monumenla fidei

Ecclesiæ oritntalis, Iéna,

1850, part. I, p. 450.

La Confession de Métrophane Critopoulos, hiéromoine de Bérée en Macédoine, patriarche orthodoxe d’Alexandrie († 1639), parle de matière sensible et d’Esprit-Saint, soit à propos des sacrements, en général, soit à propos du baptême et de la communion ; cf. Kimmel, op. cit., part. II, p. 89-90.

Mais c’est surtout la confesson de Moghila (dont on ait les affinités avec le texte du catéchisme du concile de Trente) qui contient les déclarations les plus explicites ; cf. Kimmel, op. cit., part. I, p. 171 :

nôoa TtpâYpiaToc Çtjtoùv— Q. — Combien de choses xal elç TÔ p.uaT^piov ; sont requises pour le sacre’ATr.-Tpia, SX ?) àp(i.6810 ; me « t7 _., < t i « î—’i R— — Trois. La mature

û » ç eïvai tÔ uStop elç ^ to idoine ; par exemple : reau

PaTtTiana, o apxoç xal o dans le baptême, le pain et

oïvoç elç TY]y eôxapumav, ie vin dans l’eucharistie,

TÔ eXaiov, xalTàX&t7ràxarà l’huile et les autres éléments