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MATIÈRE ET FORME, HISTOIRE DE LA DOCTRINE

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appelle, suivant la formule reçue, les paroles de la consécration, la « bénédiction » du pain, c. xiv, col. 1293. Le pain et le vin sont la matière du sacrement de l’autel, c. xvii. col. 1295.

Avec Hugues de Saint-Victor, nous abordons une étude plus préeise sur la constitution des sacrements. De særamentis, 1. I. part. IX, c. ii, P. L., t. clxxvi. Il reprend tout d*abord la définition reçue : Sacramentum est særæ rei signum. Ainsi compris, tout sacrement comporte d’Hix éléments, l’élément visible, et matériel, qui est le rite même du sacrement, c’est-à-dire le sacrement lui-même, et l’élément spirituel, la res sacramenti. Mais cette définition est encore superficielle. Si quis aillent plenius ac perfectias quid sit sacramentum diffinire voluerit, di/Jînire potest quod særamentum est corporale vel maleriale elementum foris sensibiliter proposiluin ex similitudine reprœsentans et ex institutione signifteans, et ex sanctifîcatione continens aliquam invisibilem et specialem gratiam. L’analogie naturelle que possède l’élément visible ne suffit pas à constituer le sacrement ; il faut, déplus, une institution positive qui lui confère la signification de la grâce que le sacrement doit produire ; et, pour atteindre sa perfection, le sacrement doit encore recevoir, au moment même de sa dispensation, la vertu sanctifiante dont il communique l’effet. Voici l’application de cette doctrine dans le baptême. Ibi est aquæ oisibile elementum, quod est sacramentum et inveniuntur hsec tria in uno : reprœsenlatio in similitudine ; significatio ex institutione ; virlus ex sanctifîcatione. Ipsa similitudo ex creatione est ; ipsa institulio ex dispensatione ; ipsa sanctifteatio ex bénédictions ; prima indita per Creatorem ; secundo adjuncta per Salvalorem ; lerlia minislrata per dispensalorem. L’eau possède ainsi naturellement un effet analogue à l’effet du baptême ; elle purifie ; mais le Sauveur est venu élever cette ressemblance lointaine à la signification propre de la purification de l’âme. Que manque-t-il à l’eau ainsi choisie pour être un sacrement ? Accedit verbum sanctificationis ad elementum et fit sacramentum, ut sit sacramentum aqua visibilis ex similitudine reprœsentans, ex institutione signifteans, ex sanctifîcatione continens spiritualem gratiam. Et l’auteur d’ajouter : Ad hune modum in cseteris quoque særamentis tria hœc considerare oportet. Col. 317-319.

Le c. vi est intitulé De maleria sacramentorum. Il faut entendre ici, par « matière », les éléments constitutifs du sacrement. In Iriplici maleria omnia divina sacramentel conficiuntur, scilicel aut in rébus, aut in jadis, aut in verbis. Le mot sacramentum est pris ici dans un sens assez large, puisqu’il s’étend aussi aux sacramentaux, par exemple, le signe de la croix. Toutefois, Hugues fait une observation intéressante : Cum his tribus modis sacramentel conficiuntur. Jlla lumen mugis proprie et principaliter sacramenta dicuntur. in quibus virlus est per sanctificutionem, el effectus salulis per operationem. CoL 326-327. Dans 1er, sacrement, véritables, la parole sanctificatrice doit être prononcée oralement. L’auteur parle de la forme du baptême, op. cit., t. II, pars VI, c. ii, vi, xiii, mais, comme chez saint Augustin, cette expression désigne tout le rite baptismal (voir la même acception, dans le XVIe concile de Carthagc, can. 2, Denzinger-Bannwart. n. 102).

D’Hugues de Saint-Victor, il faut rapprocher Robert Paululus, l’auteur du De officiis ccclesiasticis, I’. I.., t. clxxvii, qui reprend presque textuellement les formules d’Hugues. Sacramentum autem in tribus consista, vid ? licet, in jadis, in dictis, in rébus. In rébus, ut est aqua et oleum ; in dictis, ut est invocatio Trinitatis ; in jadis, ut est su.bmersio in aquam et insujflatio. L. I, c. xii, col. 388. A propos du baptême c. xiii, on se demande quelle en est la forme ? Hœc

forma servanda est, ut in nomine Palris et Filii et Spiritus Sancti baptizetur. Col. 389. Ilfaut aussi rapprocher la Summa Sententiarurn, où la doctrine sacramentaire est plus simple et plus claire à la fois. C’est surtout à propos du baptême que l’auteur rapproche le sucramentum, l’élément matériel, l’eau sanctifiée, de la forma baptismi, qui a été donnée par le Christ et est constituée par l’invocation trinitaire qui accompagne l’immersion. Avec une terminologie hésitante et quelque peu inexacte, c’est déjà la doctrine scolastique de la matière et de la forme. Voir Hugues de Saint— Victor, t. vii, col. 286.

Pierre Lombard.

Une première systématisation

de la pensé ? traditionnelle est faite par le « Maître des Sentences ». Pierre Lombard fait consister les éléments constitutifs du sacrement dans les paroles et les choses. Au début du t. IV, dist. I, après avoir rappelé et expliqué les définitions reçues, d’après les conceptions augustiniennes, Pierre Lombard énonce la doctrine qui sera plus tard consacrée au concile de Florence Duo autem sunt in quibus sa’ramentum consista ; scilicel verba et res. Verba, ut invocatio Trinitatis ; res, ut aqua, oleum, et hujusmodi. On saisit immédiatement la simplification apportée par cette formule à la formule encore obscure d’Hugues de Saint-Victor. En ce qui concerne le baptême, dist. III, on doit distinguer l’ablution faite avec l’eau, et la forme des paroles prescrites : en ces deux seuls éléments réside la constitution essentielle du baptême ; tout le reste du rite appartient à sa solennité. Du sacrement de confirmation, la forme est claire ; ce sont les paroles prononcées par l’évêque lorsqu’il marque au front le chrétien avec le saint chrême. Dist. IV. La distinction suivante expose la doctrine catholique sur le sacrement de l’autel. Le sacrement, c’est le corps et le sang de Jésus sous l’espèce du pain et du vin. La forme du sacrement est uniquement constituée par les paroles : « Ceci est mon corps ; ceci est mon sang. » Quant au sacrement de pénitence, Pierre Lombard ne paraît pas y distinguer les paroles et les choses. Toutefois, après avoir longuement exposé les actes du pénitent, dist. XVI-XVII, l’auteur parle de la rémission accordée par le prêtre, dist. XVIII. Et nous retrouvons comme une" synthèse de ces divers aspects dans la dernière partie de la dist. XXII, où s’agite la question du sacramentum et res dans la pénitence. C’est à cet endroit que le commentaire de saint Thomas, q. ii, a. 2, sol. 2, explique comment la doctrine de la matière et de la forme peut s’appliquer à la pénitence. Le sacrement d’extrêmeonction consiste dans l’onction extérieure, faite sur les membres du malade. Dist. XXIII. Pierre Lombard ne parle pas expressément des paroles qui accompagnent les onctions ; mais il est hors de doute qu’il applique à ce sacrement sa théorie générale. Le sacrement de l’ordre comporte divers degrés : l’application de la doc trine des choses et des paroles est facile aux cérémonies de l’ordination, par laquelle est conféré le pouvoir sacré. Dist. XXIV. Pour le mariage comme pour la pénitence, l’auteur ne semble faire aucune application de la théorie des paroles et des choses. Toutefois il la laisse entrevoir, dans la dist. XXVI, où, après avoir exposé ce qu’est le mariage, viri mulierisque conjunctoi maritalis inler legilimas personas, il rappelle que seul le consentement des conjoints rend effective ! a douai ion mutueiL’des époux.

Le progrès réalisé par Pierre Lombard a donc été de ramener l’enseignement traditionnel, encore embarrassé d’expre sions confuses et hésitantes, à la formule unique des « choses », res, et des « paroles », verba, comme éléments constitutifs des sacrements. A l’expression verba, le Maître des Sentences substitue déjà, nous l’avons constaté à plus d’une reprise, l’expression forma.