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MATIÈRE ET FORME, HISTOIRE DE LA DOCTRINE


propos de l’eucharistie qu’Ildephonse de Tolède rappelle la même doctrine. Le corps du Christ, explique-t-il, est vraiment dans l’eucharistie. Isla ideo dicuntur sacramenta, quia in eis aliud uidetur, aliud intelliyitur. Quod videtur, spécimen ha bel corporalem ; quod inlclligitur, fructum habet spiritualem. Liber de cogjiitione baptismi, c. cxxxvii, P. L., t. xcvi, col. 169.

Il faut ensuite arriver jusqu’Alcuin, pour découvrir quelque écho des analyses augustiniennes. Mais ici au sujet du baptême, la pensée de l’auteur est nette : Tria sunt in baplismatis sacramento visibilia et tria itwisibilia. Visibilia sunt sacerdos, corpus (il s’agit du corps du baptisé) et aqua. Invisibilia vero Spiritus et anima et [ides, llla autem tria visibilia nihil proficiunt foris, si hœc tria invisibilia non intus operantur. Sacerdos corpus aqua abluil, Spiritus sanctus animam fuie justificat. En ne considérant que le rite sacramentel, l’élément matériel n’a d’efficacité qu’autant que s’y ajoute la vertu de l’Esprit-Saint, c’est-à-dire les paroles sanctificatrices. Epist., xxxvi, P. L., t. c, col. 194. La même pensée, sous une forme plus générale et valable pour tous les sacrements, est exprimée par Agobard de Lyon. Cet écrivain déclare que les sacrements, même administrés par des prêtres prévaricateurs, sont valides… s ; tamenjuxla re gulam a Domino posilam vel secundum tradilionem ecclesiaslicam celebrentur. Il y a là une réminiscence de la doctrine traditionnelle sur le pouvoir accordé à l’Église de déterminer plus expressément, là où Jésus-Christ ne l’aurait pas fait, les éléments du rite sacramentel. Ainsi administré, même par un pécheur, le sacrement est valide, car ad invocationem summi sacerdotis, non humana virtute, sed sancti Spiritus perficiuntur ineffabililer majeslate. Les sacrements n’agissent que par la vertu du Saint-Esprit, à l’invocation du Christ. De privilegiis et jure sacerdctum, n. 15, 18, P. L., t. civ, col. 142, 145. Jonas d’Orléans établit une comparaison entre le rite du baptême, l’eucharistie, et le rite de la confirmation. Credendum est quia sicut baptismalis et corporis et sanguinis Domini sacramenta, per sacerdotum mysteria visibilia fiunt, et per Dominum invisibiliter cons^crantur, ita nimirum Spiritus sancti gratia per imposilionem manuam, ministerium adminislratum episcoporum, fidelibus invisibiliter tribuatur. De institutione laicali, t. I, c. vii, P. L., t. evi, col. 134.

Raban Maur, parlant du baptême, de la confirmation et de l’eucharistie, écrit : Sunt sacramenta, quia o’j id sacramenta dicuntur, quia sub tegumento corporalium rerum virlus divina secretius salutem eorumdem sacramentorum operatur, unde et a secretis virtutibus vel sacris, sacramenta dicuntur. Quæ ideo frucluosa pênes Ecclesiam flunl, quia sanctus in ea manens Spiritus, eumdem sacramentorum latenter operatur effectum. L’élément visible est donc rendu efficace par la vertu de l’Esprit-Saint qui passe pour ainsi dire dans les sacrements. Bien plus, l’élément visible doit posséder déjà naturellement une certaine aptitude à signifier l’effet produit par la vertu de l’Esprit-Saint. Voluit enim Dominus, ut res Ma invisibilis per congruentiam, sed pro/ecto incontreclabile et invisibile impenderetur elementum… Nam sicut aqua purgat exterius corpus, ita latenter ejus mysterio per Spiritum sanctum purifteatur et animus, cujus sanctificatio ita est. De clericorum institutione, t. I, c. xxiv, xxv, P. L., t. cvii, col. 309, 310. Voir sur le sacrement de confirmation, c. xxviii, sur la chrismation, rite de ce sacrement, c. xxx ; sur l’eucharistie, c. xxxi, col. 312-313 ; 314-315 ; 316-321.

La controverse bérengarienne ne nous apporte guère d’élément nouveau. En ce qui concerne le corps du Christ dans l’eucharistie, les auteurs catholiques insistent surtout sur la distinction augustinienne du rite visible et de la chose invisible. Mais à côté de

cette distinction qui ne touche qu’indirectement à notre sujet, tous admettent aussi que le pain et le vin sont changés au corps et au sang par la bénédiction consécratoire. Conficitur sacrificium Ecclesiæ, écrit Lanfranc, sacramento et re sacramenti, id est corpore Christi. Ce corps réel du Christ, c’est la bénédiction qui l’a consacré, benedictio consecravit. Liber de corpore et sanguine Domini, c. x, xiii, P. L, t. cl, col. 321, 423. Il est inutile de multiplier sur ce point incontesté les citations, Nous renvoyons simplement à Raoul Heurtevent, Durand de Troarn et les origines de l’hérésie bérengarienne, Paris, 1912, IIe part., surtout, c. i ; et Eucharistie, t. v, col. 1217.

Relevons sous la plume du cardinal Geoffroy, auparavant abbé de Vendôme, dans son Tractalus de corpore et sanguine Domini Xostri Jesu Christi, P. L., t. clvii, une comparaison entre les éléments du sacrement de baptême et la consécration épiscopale. Sicut in baptismale, aqua et invocatio Spiritus sancti sunt necessaria, quæ faciunt christianum, ita in ordinando episcopo electio et conseeralio sunt necessilate conjuncta, quæ créant episcopum. Sicut aqua sola, aut sola invocatione sancti Spiritus nec baptismus fteri potest, nec homo esse christianus, etc., col. 214. Mais il est aisé de voir combien ce concept est encore imprécis. — Yves de Chartres s’en tient aux définitions augustiniennes : Signum est res, præter speciem quam ingerit sensibus, aliud quid ex ss faciens in cognilionem venire… Sacrificium visibile invisibih est sacramentum, id est sacrum signum ; est alibi sacramentum invisibilis graliæ visibilis forma. Les formules de bénédiction de l’eau appartiennent sans doute au rite du baptême, mais les paroles de l’invocation trinitaire seules sont nécessaires à la constitution du sacrement. Panormia, t. I, c. cxxxi, cxxx, lxiii, lii, P. L., t. clxi, col. 1074. 1052, 1057. — Bruno de Segni note que les paroles de la consécration proférées à la messe, non par le prêtre, mais en réalité par Jésus-Christ lui-même, changent le pain et le vin en la substance du corps et du sang. Expositio in Leviticum, c. viii. Il rappelle le rite du baptême et celui de la confirmation. In Numéros, c xix, P. L., t. clxiv, col. 308, 490. — Pour Rupert de Deutz, la matière ou substance du sacrifice eucharistique est double : elle est céleste, elle est terrestre. La formule baptismale, In nomine Palris et Filii et Spiritus Sancti, est appelée sola et unica régula baptizandi, quam suo sanguine conscriplam Salvator post resurrectionem suam et non ante, discipulis suis contradidit. Cette règle possède tant de valeur que ne pas l’employer dans l’ablution, c’est ne pas conférer le baptême. Mais l’ablution donnée concomitamment avec la formule régulière constitue toujours un baptême valide. De divinis officiis, t. II, c. ix ; t. X, c. v, P. L., t. clxx, col. 40, 266.

Dans le Tractatus theologicus d’Hildeberl, évêque du Mans, P. L., t. clxxi, le c. et nous intéresse. Il s’agit des sacrements. En raccourci, c’est toute la théologie sacramentaire générale. Sacramentum est sacræ rei signum, id est, sacramentum est invisibilis graliæ visibilis forma, ut in sacramento baptismi significatur ablulio vitiorum, per illam exleriorem visibilem Il faut donc que l’élément visible du sacrement possède par lui-même une signification naturelle analogue à l’effet invisible qu’il produit. Unumquodque sacramentum ejus rei similitudinem débet habere cujus est sacramentum. Mais la similitude naturelle ne. suffit pas ; le sacrement, pour agir, doit tenir de son institution une efficacité réelle : Sacramentum est visibilis forma gratiæ in eo collatæ, non enim solummodo est signum sacræ rei, sed etiam efficientîa. Voilà bien l’indice de la dualité des éléments, la matière vivifiée par la forme. Col. 1145 sq. — Honorius d’Autun, dans e Tractalus de sacramento allaris, P. L., t. clxxii,