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MATIÈRE ET FORME, HISTOIRE DE LA DOCTRINE


large, appeler cette union une union physique, ainsi que le notent expressément les Salmanticenses, disp. II, dub. ii, d.26. L’union, en effet, de la matière et de la forme se fait selon leur signification, moins déterminée et par conséquent déterminablc, dans la matière, plus expressive et par conséquent déterminante dans la forme. Ainsi s’explique la doctrine de saint Thomas : Quamvis verba, et alite res sensibiles tint in diverso génère quantum perlinet ad naturam rei, conveniunt tamen in ratione significandi, qui ? perfectius est in verbis. quam in aliis rébus. Et ideo ex verbis et rébus fit quodammodo unurn in sucramentis. Sum. theol., III », q. lx, a. 6, ad 2 UU1.

b) Puisque l’union de la matière et de la forme provient de leur concordance réciproque dans la signification, il faut, d’une part, reconnaître que la matière possède déjà, par rapport à l’effet sacramentel, une signification native, encore que cette signification demeure imparfaite et appelle une détermination plus expressive ; d’autre part, affirmer l’unité de signification dans le sujet constitué par l’union de la forme et de la matière.

On devra donc, en premier lieu, rejeter la façon dont s’expriment certains auteurs, affirmant que, dans les sacrements, la forme « a pour but de donner une signification à la matière ». Cette signification, dit expressément Léon XIII, voir ci-dessus, col. 337, doit se trouver dans tout le rite essentiel, c’est-à-dire dans la matière et la (orme ; mais elle appartient particulièrement à la forme. La matière doit posséder par elle-même une signification encore insuffisamment déterminée, mais réelle. Ainsi, c’est parce que le baptême doit laver l’àme de ses péchés, que l’eau est choisie comme matière de ce sacrement ; c’est parce que l’eucharistie est la nourriture spirituelle de l’àme, que le pain et le vin qui nourrissent le corps en sont la matière : l’huile adoucit les maux physiques et réconforte ceux qui souffrent ; aussi administre-t-on les malades avec de l’huile. Cf. Melchior Cano, Relectio de sacramentis, part. I, n. 15. Mais si la matière possède une signification naturelle et fondamentale, les paroles qui s’y ajoutent déterminent et spécifient cette signification dans l’ordre formel et sacramentel. Encore obscure et, par rapport à l’effet du sacrement comme tel, indéterminée, la signification fondamentale reçoit de la forme la précision qui lui manque.

N’imaginons pas toutefois, avec Bellarmin et Suarez, deux significations dans le sacrement constitué, l’une de la matière, l’autre de la forme, les deux s’unissant pour former une signification totale, mais composée, la signification sacramentelle. La signification sacramentelle, si l’on veut maintenir l’union réelle des éléments du sacrement, doit être simple et unique. En réalité, il y a superposition d’une signification formelle et d’institution divine à la signification fondamentale et naturelle, de telle façon qu’il résulte une signification sacramentelle, simple et indivisible. Pour la discussion, voir Salmanticenses, loc. cit., n. 30-34.

IL Justification historique et traditionnelle

DE LA DOCTRINE CATHOLIQUE TOUCHANT LA MATIÈRE

et la forme des sacrements. — Il s’agit de démontrer que les expressions matière et forme ne sont que la traduction récente et quelque peu analogique des termes choses et paroles, reçus dès les premiers siècles dans la théologie sacramentaire, et que le sens recouvert par ces expressions se retrouve en substance, au moins pour certains sacrements, dans les documents de l’âge apostolique. Si les mots matière et forme datent du xiii c siècle, la vérité exprimée par eux est bien plus ancienne et l’hylémorphisme sacramentaire n’est qu’une formule nouvelle désignant une doctrine traditionnellement admise.

Période du début.

1. Dès l’âge apostolique, les

documents inspirés nous font voir que l’administration des sacrements comporte un geste accompagné de prières ; prière et imposition des mains aux diacres, Act., xi, 6 ; prière et imposition des mains dans la confirmation, Act., viii, 15-17 ; prière et imposition des mains dans la" communication de l’apostolat à Paul et à Barnabe, Act., xiii. 3. L’imposition des mains seule est rappelée à propos de Timothée. I Tim., iv, 14 ; II Tim., i, 0. L’onction de l’huile aux malades est accompagnée de prières. Jac, v, 14. L’invocation trinitaire ne se sépare pas de l’ablution dans le baptême, -Matth., xxviii, 19 (cf. Didachè, vii, 1), que saint Paul appelle lavacrum aquæ in verbo vitæ, Eph., v, 26. Pour l’eucharistie, les documents nous rapportent les paroles mêmes par lesquelles Jésus consacra le pain et le viii, et le précepte imposé par lui aux apôtres de conserver ce rite. Matth., xxvi, 26 ; Marc, xiv, 22 ; Luc, xxii, 17, 19 ; I Cor., xi, 24. Voir Baptême, t. ii, col. 170, 172 ; Confirmation, t. iii, col. 975 sq. et, en ce qui concerne le rôle de la prière accompagnant l’imposition des mains, col. 998-999 ; Extrême-Onction, t. v, col. 1897-1900 ; Imposition des mains, t. vii, col. 1305-1306 ; Eucharistie, t. v, col. 1025 ; 1054 ; 1091. On se référera également aux articles correspondants du Dictionnaire de Liturgie et d’Archéologie chrétienne, du Dictionnaire de la Bible de Vigoureux, et au livre de M. Coppens, L’imposition des mains et les rites connexes, dans le Nouveau Testament et dans l’Église ancienne, Paris, 1925.

2. Les auteurs des premiers siècles, sans décomposer encore théoriquement les sacrements en leurs éléments constitutifs, y distinguent toutefois assez nettement l’élément matériel, et la prière ou la formule qui l’accompagne. Comme il ne s’agit pas ici d’un enseignement concernant les sacrements en général, mais chaque sacrement en particulier, nous devons nous contenter de renvoyer aux articles spéciaux, déjà cités : Baptême, col. 180-185 ; Confirmation, col. 1035-1046 ; Épiclèse eucharistique, t. v, col. 232 sq. et Eucharistie d’après les pères, id., col. 1121 sq. ; Imposition des mains, t. vii, col. 1314 sq. et surtout, 1319, sq., 1331 sq., 1343 sq., 1408 sq. Il ne sera pas difficile de trouver, dans les rites primitifs de la pénitence, l’équivalent de ce que le concile de Trente appelle la forme et la quasi-matière du sacrement, voir Absolution, 1. 1, col. 152, 157. On ne doit pas s’étonner, d’ailleurs, que certaines des formules anciennes aient subi, au cours des siècles, des modifications, ou même que des additions aient été faites aux formules primitives. L’institution immédiate des sacrements, impliquant l’institution immédiate de la forme et de la matière par le Christ, laisse à l’Église un pouvoir suffisant pour introduire ces modifications ou ces additions, lorsque le Christ n’a institué forme et matière que sous la raison générale de signes symboliques, sans en déterminer expressément les éléments individuels. Nous préférons laisser ici de côté cette question difficile et complexe, dont la discussion sera mieux à sa place à l’art. Sacrement. Mais il suffira d’avoir signalé brièvement le pouvoir ministériel de l’Église sur ce point, pour faire comprendre que, nonobstant les changements et les additions, la vérité traditionnelle subsiste d’une composition des rites sacramentels, constitués d’une part, par les choses, qui en sont l’élément matériel, d’autre part, par les paroles qui en sont l’élément formel.

3. Il faut cependant que nous nous arrêtions ici à une considération particulière, propre aux écrivains des ive et V siècles, chez qui l’on pense trouver les premières ébauches d’une théorie du rite sacramentel. On trouve ces ébauches, mais, assùre-t-on, bien imparfaites : « Ces imperfections proviennent toujours de ce