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MATIÈRE ET FORME, ENSEIGNEMENT ECCLÉSIASTIQUE


De Lugo, De særamentis, disp. II, sect. viii, n. 53 ; Bellarmin, Controversiæ, De sacramentis, t. I, c. xviii, etc. Il appartient à la théologie positive de démontrer l’identité des choses et de la matière, des paroles et de la forme, dans les sacrements de la Nouvelle Loi : cette démonstration, puisée aux sources mêmes de l’Écriture et de la Tradition, est l’ohjet de la seconde partie de cet article.

. On conçoit qu’au problème présenté sous cet aspect général une seule solution s’impose, laquelle est acceptée de tous les auteurs catholiques. On ne cite guère que Durand de Saint-Pourçain qui ait nié, In I Vum Sent., dist. I, q. ni, n. 6, l’sxistence des choses et des paroles, ou, en d’autres termes, de la matière et de la forme dans les sacrements. Et encore cet auteur ne la’niait qu’en ce qui concerne les sacrements de pénitence et de mariage. Les commentateurs de saint Thomas l’excusent, parce qu’il écrivait avant le concile de Florence, mais ils censurent sa doctrine avec sévérité.

2. La plupart des théologiens déduisent de la vérité qu’on vient de rappeler que les sacrements de la Loi nouvelle se composent de choses (matière) et de paroles (forme) comme d’éléments intrinsèques et constitutifs de leur essence. Et ici, nous ne sommes plus en face d’une vérité théologiquement certaine, mais d’une de ces opinions que les théologiens qualifient de plus probables (probabiliores). « Les mots, matière et forme, signifient par eux-mêmes les parties constitutives : donc, si nous parlons de la matière et de la forme d’une chose, on comprend immédiatement qu’il s’agit des parties constitutives de cette chose. Et bien que les scotistes disent qu’il ne faut pas trop presser la signification de cette façon de parler toute analogique, on voit facilement (ce que concède l’un des meilleurs scotistes, Vega) que la doctrine commune appariât plus conforme aux définitions des conciles de Florence’.t de Trente, (Defensio Conc. trid., t. XIII, c. xv). » Ch. Pesch, Preelectiones dogmatiese, t. vi, n. 34. L’opinion commune a pour elle l’autorité, du catéchisme romain, voir col. 337 et de saint Thomas, qui écrit : Verba et res sunt de essentiu sacramenti, In I V mn Sent., dist. I, q. i, a. 3, ad 2um ; et encore : Quodlibet sacramentum distinguitur in materiam et formam, sicut in parles essentiw. Sum. Iheol., IIP, q. xc, a. 2.

Contre cette opinion commune, plus probable, la théologie relève deux manières de voir divergentes. C’est, tout d’abord, l’opinion de Scot et de nombreux scotistes, In 7V » m Sent., dist. III, q. i ; dist. VIII, q.iet n ; dist. XIV, q. iv. La matière et la forme ne sont pas toujours parties constitutives des sacrements, bien qu’elles soient toujours requises : parfois, en effet, la signification sacramentelle réside dans tout le composé de matière et de forme ; c’est le cas du baptême, de la confirmation, de l’extrême-onction : donc, en ces sacrements, la matière et la forme constituent essentiellement le sacrement. Ailleurs la signification est dans la seule forme, par exemple, dans la pénitence, où les actes du pénitent sont simplement prérequis. Au contraire, dans l’eucharistie, la matière seule constitue tout le sacrement. Cette doctrine a été reprise, même après le concile de Florence, non seulement par des scotistes, mais encore par quelques thomistes, Cabrera, Lcdesma, s’appuyant sur l’expression dont s’est servie le concile lui-même : perficiuntur, et non constiliuintur. Cf. Suarez, op. cit., sect. ii, n. 2 ; Salmanticens.es, loc. cit., n. 35. C’est ensuite l’opinion, assez répandue, de ceux qui exceptent de la formule générale l’eucharistie. Dans ce sacrement, en effet, jeule la matière, qui demeure, représente le constitutif intrinsèque du sacrement ; la forme, c’est-à-dire les paroles de la consécration, passe et ne saurait constituer intrinsèquement le sacrement. Cette opi nion restrictive est formulée par Vasquez, Bellarmin, Suarez, Coninck et d’autres. Suarez toutefois, op. cit., disp. XLII, sect. ii, expose avec beaucoup de nuances son opinion, n. 7, et son explication est de nature à concilier les sentiments en apparence opposés : « Quoique les paroles passent physiquement, cependant elles informent toujours en quelque manière les espèces sacramentelles : celles-ci, en effet, ne signifient le corps du Christ qu’autant qu’elles sont consacrées, c’est-à-dire en tant qu’elles sont informées par les paroles qui précédèrent. »

Il convient de mentionner, en marge de l’opinion commune, et facilement réductible à elle, le sentiment de D. Soto plaçant la forme dans la signification sacramentelle, qui se superpose au sacrement déjà constitué dans ses éléments physiques. En réalité Soto ne nie pas l’existence de la matière et de la forme comme constitutifs intrinsèques du sacrement, mais il envisage, dans le sujet constitué, l’aspect qui lui donne d’être à proprement parler sacramentel, c’est-à-dire la signification sacramentelle elle-même, distincte en effet du sujet. In /yum Sent., dist. III, q. un., a. 1, ad 3um.

3. Les théologiens ne s’arrêtent pas là. Ayant assimilé les paroles à la forme, les choses à la matière, et conçu le sacrement comme résultant de l’union de cette matière et de cette forme, ils posent une nouvelle question touchant la réalité et la nature de l’union dans le sacrement, de la forme et de la matière. Il s’agit ici d’un développement tout naturel de la doctrine catholique, et la solution du problème qui est à la source de ce développement est utile pour préciser la position de la doctrine catholique.

a) Il s’agit tout d’abord d’une union réelle entre les deux éléments. Quelques auteurs, justement soucieux d’éviter les exagérations, ne considèrent dans les sacrements la composition de matière et de forme que comme une façon de parler, pour exprimer la détermination plus parfaite apportée par la forme à une matière encore insuffisamment déterminée. L’union, en réalité, est inexistante : l’analogie avec les composés matériels n’a de consistance que sous le rapport du moins ou du plus déterminé dans la signification sacramentelle. Remota significatione, dit expressément Bellarmin, loc. cit., nulla est compositio ex re et verbo. De cette façon de parler se rapprochent Suarez, loc. cit., disp. II, sect. i ; De Lugo, De sacramentis, disp. II, sect. ii, n. 50. Mais les thomistes enseignent généralement que le sujet lui-même, auquel est attaché la signification sacramentelle, comporte, comme condition préalable de cette signification, une composition réelle entre l’élément formel et l’élément matériel. Ainsi le sacrement est obtenu par les deux compositions suivantes ; la matière et la forme donnent le sujet ; la signification, ajoutée au sujet, donne le sacrement proprement dit. Ainsi celui-ci nous apparaît-il comme un être composé de deux autres êtres : d’un être réel, qui est le sujet physique, et d’un être de raison, qui est le signe ; et c’est à cause de cette composition du réel et de rationnel que les théologiens l’appellent un être’artificiel. Il y aurait sans doute quelque exagération à concevoir l’union de la matière et de la forme comme une union physique, dans le sens. où l’union physique comporterait ou l’information proprement dite de la matière par la forme, ou l’inhérence et la continuation réelle des parties. C’est peut-être là le sentiment de Jean de Saint-Thomas, De sacramentis, disp. XXII, a. 6, dub. n et de Nuno, id., In III* iii, a. 6, q. lx, diffic. 2. Mais la plupart des théologiens, même thomistes, affirment-, dans le sujet des sacrements, une composition morale, quoique réelle des éléments formels et des éléments matériels. Et, parce qu’elle est réelle, on peut encore, en un sens