Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 10.1.djvu/176

Cette page n’a pas encore été corrigée
337
338
MATIÈRE ET FORME, ENSEIGNEMENT ECCLÉSIASTIQUE


t il ut ion intime du sacrement : le catéchisme du concile de Trente, interprète de la doctrine officiellement promulguée, s’exprime ainsi à l’occasion de la définition du sacrement : « Il faut tout d’abord expliquer que la chose sensible, dont on a parlé plus haut dans la définition du sacrement, n’est pas seulement une, bien qu’il faille croire à l’unité du signe qu’elle constitue. Car tout sacrement est composé de deux parties : l’une remplit le rôle de matière et est dite l’élément ; l’autre joue le rôle de forme, et s’appelle communément la parole. C’est ainsi que nous l’avons appris des Pères et. sur ce point, l’axiome de saint Augustin est connu de tous : Accedit verbum ad elementam, et fit sacramentum. Sous le nom de chose sensible, on comprend donc la matière ou l’élément… ; et, en outre, il faut considérer les paroles, qui ont ici la raison de forme. » Part. II, c. i, n. 15.

3. Interrogation posée à Wicleff, par ordre de Martin Y. Bulle Inter cunctas, Denzinger-Bannwart, h. 672 :

N. 22 : Utrum credat, Croit-il qu’un prêtre en

quod malus sacerdos, cum état de péché, s’il apporte la

débita materia et forma et matière et la forme re cuiii intentionefaciendi quod quises, avec l’intention de

facit Ecclesia, vere confi— faire ce que fait l’Église,

ciat, vere absoivat, vere confère vraiment les sacre baptizet, vere conférât alia ments, absolve, baptise, et

sacramenta ? administre les autres sacrements ?


4. Déclaration de Léon XIII, dans la lettre apostolique sur les Ordinations anglicanes, Apostolicæ curse, sept. 1896. Cavallera, Thésaurus, n. 961.

In ritu cujuslibet sacra— Dans le rite qui concerne menti conficiendi et admi— la confection et l’administranistrandi jure discernunt tion de tout sacrement, on inter partem cœremonialem distingue avec raison entre et partem essentialem, qua ; la partie cérémoniale et la materia et forma appellari partie essentielle, qu’on apconsuevit. Omnesque no— pelle la matière et la forme. runt, sacramenta novae le— Chacun sait que les sacregis, utpote signa sensibi— ments de la Nouvelle Loi, bilia atque gratiae invisibi— signes sensibles et efficaces lis efficientia, debere gra— d’une grâce invisible, doitiam et significare quam vent signifier la grâce qu’ils efficiunt et efficere quam produisent et produire la significant. Quse significa— grâce qu’ils signifient. Cette tio, etsi in toto ritu essen— signification doit se trouver, tiali, in materia scilicet et il est vrai, dans tout le rite forma, haberi débet, prae— essentiel, c’est-à-dire dans cipue tamen ad formam per— la matière et la forme ; mais tinet ; quum materia sit pars elle appartient particulièreper se non determinata, ment à la forme, car la maqti : r per illam determinetur. tière est une partie indéterminée par elle-même, et c’est

la forme qui la détermine.

2° Caractère doctrinal de l’enseignement touchant la matière et la forme des sacrements. — Aux textes généraux que l’on vient de citer, on pourrait ajouter tous les textes particuliers concernant l’existence d’une matière et d’une forme dans chaque sacrement déterminé. Mais les textes généraux suffisent à justifier le caractère doctrinal de cet enseignement. Des documents rapportés, il ressort, en effet, et très clairement, que l’existence d’une matière et d’une forme dans les sacrements de la nouvelle Loi appartient à renseignement officiel de l’Église. Ce n’est pas seulement l’énoncé d’une discipline, c’est l’exposé d’une doctrine. Sans doute cette doctrine n’est pas proposée par le moyen d’une définition solennelle, mais elle repose sur de véritables déclarations, qui relèvent du magistère ordinaire. On n’en saurait douter en ce qui concerne l’incise du concile de Trente, sess. xiv, c. ii, l’interrogation posée à Wicleff au nom de Martin V, et la déclaration de Léon XIII. Quant au décret Pro Armenis, dont beaucoup contestent aujourd’hui la portée doctrinale, pour n’y trouver qu’un document disciplinaire, il nous paraît impossible de ne pas

admettre qu’il constitue une déclaration officielle de la doctrine catholique sur les sacrements. Voir sur ce point De Guibert, Bulletin de littérature ecclésiastique, 1919, p. 81 sq. ; 150 sq. ; 195 sq., et Imposition des mains, t. vii, col. 1411-1416. Nous avons d’autant moins besoin de prouver la vérité de ce sentiment, que le décret Pro Armenis n’est pas le seul document sut lequel repose notre assertion. Il est donc tout à faie insuffisant de dire que le décret Pro Armenis tout en étant souverainement respectable, ne s’impose pas à la foi ; que le concile de Trente a employé la terminologie matière et forme, sans se prononcer sur la valeur de la théorie philosophique dont elle s’inspire. Il y a, en réalité, une véritable doctrine ecclésiastique de la matière et de la forme dans les sacrements ; doctrine que, dans sa teneur générale, on ne saurait rejeter.

Quant à déterminer exactement la note théologique qui convient à cette doctrine catholique, il faut procéder avec de prudentes nuances. Ces nuances ont été marquées par les théologiens eux-mêmes qui ont enseigné avec le plus de rigueur cette doctrine.

1. Que tous les sacrements de la Loi Nouvelle comportent une matière et une forme, c’est une doctrine au moins théologiquement certaine, c’est-à-dire proche de la foi et que l’on ne saurait nier sans erreur. Les théologiens prouvent la vérité de cette note théologique, en montrant que la formule « matière et forme » est équivalente à cette autre formule : choses sensibles et paroles, dont l’existence est affirmée dans les sacrements, au nom de l’Écriture et de la Tradition. En l’absence de documents infaillibles définissant cette vérité comme de foi divine et catholique, il reste qu’on la doive proclamer proche de la foi, c’est-à-dire susceptible de définition. Il suffit, pour se rendre compte de la pensée des grands théologiens, commentateurs de saint Thomas sur ce point, de considérer le processus de leur raisonnement : suivant la lettre même du Docteur angélique, III a, q. lx, a. 1, ils partent de la définition du sacrement, signe sensible, pour affirmer que le sacrement doit consister en une chose sensible (a. 5), déterminée (a. 6), et que, par conséquent, pour obtenir cette détermination, il est nécessaire qu’une signification précise soit apportée aux choses par les paroles (a. 6), paroles déterminées (a. 9) auxquelles il ne faut rien soustraire ou ajouter de substantiel (a. 10). C’est comme en passant, et pour présenter la vérité sous des expressions plus claires et plus accessibles que saint Thomas parle de la matière et de la forme des sacrements : Ex verbis et rébus fit quodammodo unum in sacramentis, sicut forma et materia, inquantum scilicet per verba perficitur significatio rerum (a. 6, ad 2um). Ou encore : In sacramentis, verba se habeni per modum formée, res autem sensibiles per modum materiæ (a. 7). Mais il n’institue nulle part directement la question : Utrum sacramenta constent materia et forma ? L’assimilation faite par saint Thomas se retrouve naturellement chez tous ses commentateurs, Cajétan, Jean de Saint-Thomas, Gonet, les Salmanticenses, Billuart, Suarez, Vasquez, De Lugo, Bellarmin, etc. Si la plupart de ces commentateurs insistent plus particulièrement sur le problème de la matière et de la forme des sacrements, c’est qu’ils y sont poussés par des nécessités apologétiques ou qu’ils entendent approfondir certains aspects secondaires des problèmes que recouvrent les expressions matière et forme. Mais le sens général de leur exposé demeure le même. Voir Cajétan, In III* m P., q. lx, a. 6, ad 2 l " n ; Jean de Saint-Thomas, Cursus théologiens, De sacramentis, disp. XXII, a. 6, dub. n ; Gonet, Clypeus theologiæ thomislicæ, De sacramentis in communi, disp. I, a. 7, n. 85 sq. ; Salmanticenses, De sacramentis in communi, diss. I, a. 3 et 4 ; Suarez, In ///"" P., disp. II, sect. i-m ; Vasquez, id., disp. CXXIX, c. 3,