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MATÉRIALISME ET MONISME — M AT HOU D


de l’élan créateur, de l’impulsion universelle aux virtualité indéfinies, il fait l’Être absolu.

1. Cela est contradictoire.

L’Être par soi et de toute façon indépendant ne peut que posséder actuellement toutes les perfections dans la parfaite immutabilité. 11 est l’Acte pur sans mélange ne puissance. On ne peut avoir l’être à un plus haut degré que l’Être par soi : donc la plénitude de l’être. Si le devenir constant est la loi de l’être, chacune de ses phases est nécessaire, c’est l’hypothèse ; et aussi non nécessaire, puisqu’elle s’écoule sitôt née. Si loin qu’on remonte, on trouverait donccontradictoirement ce nécessaire— — Huent, cet écoulement sans une source, la puissance sans l’Etre !

Comment du point de départ identique seraient sortis les individus si divers, et la vie, la sensation, la science, la moralité ? D’abord quelle raison offrir pour expliquer le degré d’être des modes initiaux de l’univers ? On reculera jusqu’à l’indétermination pure, la puissance pure ; mais comment passera-t-elle à l’acte toute seule ? C’est donc par la Perfection qu’il faut débuter ; la puissance précède l’acte comme la cause l’effet. Tout être fini est mélangé d’acte et de puissance, de réalités et de virtualités, c’est ce qui explique que l’on devienne savant, sage, etc. Mais l’Être subsistant par soi ne comporte que la parfaite possession éternelle de la perfection. La création n’amena en Dieu aucun changement. Dieu voit éternellement et par un acte unique tout ce qui devient dans l’histoire par son ordre ou sa permission. — Les sciences positives partent d’un donné de fait : le monde et ses phases ; la création leur échappe ; en leur ordre, rien ne se fait de rien. Mais quand des savants prétendent ériger cet ordre de conditions et de conditionnés, en l’Absolu, ils font de la métaphysique et tombent sous les critiques susénoncées.

2. La finalité immanente s’écarte du principe de raison suffisante. — Si le gland devient chêne et l’embryon un homme, c’est qu’un Pouvoir intelligent, transcendant à la nature, y a pourvu. Comment concevoir un produit ordonné, où les forces collaborent, sont gouvernées vers un ordre savant — dont le procédé dépasse l’action de l’ouvrier sur la machine qu’il construit — alors que la pensée ne serait qu’au point d’arrivée ? Eh quoi, une pointe de flèche indique la présence de l’homme ; et le sous-marin-poisson, l’avion-oiseau, les organes générateurs d’électricité, la pompe qu’est le cœur, les moteurs que sont les muscles et les nerfs, etc., ne prouveraient pas qu’une pensée assiste la nature ? Bouyssonie, Bataille d’idées, 1924, p. 20 sq. Un moyen ne peut être ordonné à une fin que par une cause intelligente ; les êtres dépourvus d’intelligence reçoivent leurs directions et leur organisation d’un être intelligent : Dieu est ouvrier d’ouvriers, non de machines, comme fait l’homme. Qui pourra penser que les yeux ne sont pas pour voir et les ailes pour voler, les mamelles pour allaiter ? Que de conditions réunies pour former un homme au physique et au moral ! Et celles-ci seraient le résultat de myriades de coïncidences et de hasards heureux qui, en continuité, auraient survécu I C’est là heurter de front notre raison. Cf. articles Dieu et Création de ce Dictionnaire et du Dictionnaire apologétique ; Paul Janet, Les Causes finales. Un plan futur, en dernière analyse, ne peut agir que par l’intervention d’une pensée unie à une volonté.

Toute conception générale des choses comporte, pour notre intelligence, bien des côtés mystérieux ; mais, entre tous les systèmes, nous devons choisir celui qui ne choque ni le principe de contradiction, ni le principe de raison, ni les valeurs morales. Sans création, Dieu s’absorbe dans la loi du monde ; alors pourtant que, de toute évidence, la personnalité est au plus haut degré dans la ligne de l’être.

L’espèce de dualisme (autre forme du monisme) qui nous propose un dieu fini, incarné en quelque sorte en la matière éternelle, pour devenir le Christ perpétuel, parce qu’il lutte contre elle pour réaliser l’ordre et l’harmonie fraternelle, tombe sous les critiques antérieurement énoncées : c’est à ce système déjà signalé chez Vacherot que paru t aussi se référer J. Jaurès, De la réalité du monde sensible, 1890.

Le pant i me qui souvent se distingue assez peu de ce dualisme, paraît non moins ému par le problème du mal ; cependant il aboutit à mettre le mal jusqu’en son dieu qui ne ferait qu’un avec le monde. Pourtant peut-on oublier que le mal lui-même prouve l’existence du souverain Dieu, de Celui qui subsiste pleinement ? Le mal, en effet, ne peut être une substance, il n’est jamais qu’une privation, un manque de rectitude dans le vouloir, s’il s’agit du mal moral. Le mal suppose donc un sujet qui est toujours bon par le côté où il est un être, où il est une cause capable d’intelligence. De ce bien partiel, on ne trouve la raison que dans le bien total — Que de fois aussi la douleur est une nécessité naturelle et un mobile d’efforts, une source de détachement des choses éphémères, et de générosité du cœur, une occasion de rapprochement entre les hommes 1 Le fini pâtit inévitablement de son caractère imparfait ; mais aussi il peut se perfectionner moralement en pâtissant. Cf. X. Moisant, dans Revue de philosophie, déc. 1914, p. 332 sq. ; E. Lasbax, Le problème du Mal, 1919.

3° Le concile du Vatican (sess. iii, c. i) enseigne le commencement du monde, créé du néant, la distinction de substance et d’essence de Dieu et des choses créées : celles-ci n’émanent point de Lui, comme de l’être indéfini en devenir vers ses déterminations.

Conclusion. — Les conceptions savantes sont en continuité avec le sens commun qui ne saurait voir dans la pensée des changements de place ou une ombre sans vertu, qui ramène à l’unité du moi la solidarité de notre vie, qui toujours admira dans la nature l’activité d’une Intelligence, qui jamais ne mit sur le même plan les simples faits et les valeurs morales. Quel honnête homme ne se révolte à la méprisante pensée d’un juste et d’un criminel dont la fin dernière commune serait l’infecte corruption ! Avant de se séparer du bon sens de l’humanité — qui toujours répugna au matérialisme et au monisme — encore faudrait-il avoir des preuves bien sérieuses. Comment faire de la pensée un éclair entre deux néants ? On a regardé l’intelligence comme un simple produit de l’action, par une abusive interprétation des sciences, et en vertu d’un romantisme diffus, pour lequel, l’ivresse de vivre pousserait le monde vers l’apaisement des désirs : c’est cette atmosphère mentale pragmatiste qui a favorisé le monisme psychologique et vitaliste.

Outre les nombreux ouvrages et articles cités : Caro, Le matérialisme et la science, 1868 ; J. Grasset, Les limites de la biologie, 1903 ; P. Vignon, Revue de philos., 1904, 1905, 1923 ; Guibert, Les Origines, 5<= édit., 1923 ; Saulze, Le monisme matérialiste en France, 1912 ; les articles exellents du Dict. apol. : Déterminisme, Évolution, Providence, Matérialisme, Monisme, utilisés ici ; Boulroux, L’idée de loi naturelle, 1893 ; L’évolution dans les scitnees morales, Bévue de philosophie, 1911 ; O. Habiit, l.e primai de l’intelligence, 1926. — La meilleure critique du matérialisme doit provenir de l’étude de la substance et de la causalité ; on sera très bien renseigné avec Couailhac, S. J., La liberté et la conservation de l’énergie, 1897 ; Ed. Thamiry, De l’influence, 1922 ; Garrigou-Lagrange, Le sens commun, 3e édit., 1922.

O. Habert.

M ATHOUD Claude-Hugues (1622-1705), naquit

à Mâcon en 1622 et entra dans la Congrégation

de Saint-Maur le 20 septembre 1639 Après avoir

achevé ses études, il vint à Saint-Germain-des-f rés