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    1. MATÉRIALISME ET MONISME##


MATÉRIALISME ET MONISME, LE MONISME BIOLOGIQUE

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et, en 1899, Les énigmes de l’Univers, développement du premier. Ces livres très répandus font preuve d’une vaste culture, mais surtout du désir de trouver en la nature une véritable déité, formidable, éternelle, dont nous serions les métamorphoses actuelles, capable de s’élever jusqu’à la conscience d’elle-même et à l’adoration de ses forces, la religion de l’avenir.

D’abord qu’est-ce que la substance matérielle, ou t l’étoffe » dont sont faits tous les êtres ? Ici, Hreckel s’inspire de Spinoza. L’étendue et l’énergie avec leurs métamorphoses sont les attributs inséparables de la substance éternelle. Énigmes, p. 249 : voilà le seul mystère qui subsiste de ceux que maintenait Dubois-Reymond, le secrétaire désabusé de l’Académie des sciences de Berlin. Dans la substance primitive homogène s’est produit un double effort : 1. de condensation en atomes puis en masses pondérables ; 2. de résistance due à l’emprisonnement de l’éther interastral et interatomique. Ces deux éléments éprouvent satisfaction, les uns à se grouper les autres non ; de cette lutte naissent tous les événements de la nature. Ainsi le travail dépensé par l’et lier libéré pour dissocier la vapeur d’eau se retrouve sous forme de mouvements, comme l’énergie solaire des temps carbonifères qui a permis aux végétaux d’assimiler le carbone, se retrouve dans la houille et son potentiel. Conservation de l’énergie, conservation de la masse, perpétuelles métamorphoses sans décadence définitive de l’énergie utilisable (p. 283), voilà les lois suprêmes de la substance où s’éveillent aussi des virtualités psychiques, une sourde conscience (p. 252). Les phénomènes caractéristiques de la vie sont simplement les modes d’activité qui conviennent aux corps albuminoïdes et à certaines combinaisons complexes du carbone ; la génération dite spontanée devient donc un postulat nécessaire sous peine d’admettre le miracle abhorré.

Ainsi Hœckel prétend substituer la création naturelle à la création artificielle ; l’homme lui-même n’est qu’un anneau de la chaîne éternelle des êtres, car les espèces sont nées les unes des autres par transformation, sélection et adaptation. Newton avait expliqué scientifiquement le monde céleste ; Darwin et Lamarck ont réussi pour le monde vivant. L’homme, qui compte le pithécanthrope muet parmi ses ancêtres, appartient à la même branche généalogique que les autres vertébrés (p. 95). L’âme désigne l’ensemble de nos fonctions psychiques, qui proviennent aussi par évolution de celle des animaux et de celles des atomes (p. 106, 127). La conscience claire est d’ailleurs loin de paraître coextensive aux activités psychiques ; elle ne se rencontre que chez les animaux pourvus d’un système nerveux centralisé. Les « centres d’association » de Flechsig sont « les véritables organes de la pensée » (p. 212). La volonté n’est que la conscience de nos tendances : l’amour de Paris pour Hélène, physiquement, revenait, en somme, à l’appétit d’un spermatozoïde pour un ovule, comme l’eau est due à l’attrait condensateur de l’oxygène pour l’hydrogène ; le poids de l’hérédité préside aussi à cette dynamique des émotions et des vouloirs.

.Mais comment remplir le vide creusé par la fin, encore éloignée d’ailleurs, des religions ? Par le triple culte du Vrai, du Bien et du Beau, que le christianisme aurait soi-disant méprisé en dédaignant la science et les beaux-arts, suspects d’arrêter notre élan vers le ciel, et en présentant la morale comme une soumission à un monarque imaginaire. Le monisme de Ha ? ckel substitue donc cette Trinité réelle, immanente et humaine, à celle des théologiens. Pour lui, dit-il, la beauté est une fin en soi, non une façon de prédication morale, et le bien, la solidarité des humains, la pitié, l’altru’sme. L’État armé du monopole

de renseignement devrait répandre le monisme ; par l’étude des religions comparées, il marquerait leurs origines naturelles et conserverait, transposées, laïcisées, les valeurs pures que contenaient leurs légendes fragiles.

Caro, Le matérialisme et la science, 5° éd., 1890 ; Vigouroux. Les Livres saints et la critique rationaliste, 3° éd., 1890, t. iii, p. 363-436 ; Revue de philosophie, articles de 51. V’ignon, 1904, 1905 : Boutroux, Science et religion, 1905, p. 119-138 ; sur A. Comte, Revue de philos., sept. 192-J, article de O. Habert.

L’appareil scientifique dont s’entoure le monisme un certain engoûment à la mode à la fin du xix 6 siècle tournèrent la tête à une Bretonne, Clémence Royer (1830-1902). Dans son livre, La constitution du monde ; Dynamique des atomes, 1900, elle reprend les idées de Hrcckel. La substance éternelle se présente sous trois aspects : éthéré, matériel, vitalitàre. Toute matière est au moins à quelque degré douée de sourde conscience ; il n’y aurait donc aucune solution de continuité de l’atome à l’homme, La sensation, degré élémentaire de la conscience, suppose contact, donc ne peut se présenter qu’en des sujets matériels et comme leur propriété ; toute la psychologie humaine ne serait ensuite qu’une transformation de nos sensations, une évolution de cette propriété de la matière.

Le Roumain Basile Conta (1846-1882) identifie la force et la matière. Avec les atomes éternels, le vide, la nécessité, le mouvement, l’espace et le temps, il croit établir une cosmogonie moniste. La loi suprême de la nature, c’est la montée et la descente, de l’inorganique au conscient, puis inversement. La théorie de l’ondulation universelle, traduite en 1893. En chaque être d’abord, on observe cette « ondulation », de la vie à la mort, chez l’étoile, comme dans le brin d’herbe ; puis les ondulations chevauchent les unes sur les autres, jusqu’à l’homme. — On voit par ce bref exposé combien l’imagination se mêle aux données scientifiques chez les monistes. Eussent-ils prjuvé — ce qui n’est pas — que l’évolution générale représente la courbe de l’univers dans l’espace et le temps, ils n’auraient pas démontré — ce qui est pourtant la question —. que cet univers possède en lui-même sa raison d’être.

Plus récemment M. H. Guilleminot, chef de travaux de Physique biologique à la Faculté de médecine de Paris, résumait ses nombreux ouvrages en un volume portatif, La matière et la vie, 1917, en vue de tirer de la biologie une philosophie générale moniste d’intention. Tout d’abord, il insiste longuement sur les conditions physico-chimiques de la vie, sur les métamorphoses de l’énergie dont elle est le théâtre et sur la dégradation de l’énergie utilisable, par radiation calorique, sa forme finale. Notre globe perd plus qu’il ne reçoit. Devons-nous en conclure à la fin de toute vie dans un temps éloigné ?… Alors pourquoi l’univers, qui eut pourtant l’éternité devant lui, paraît-il encore si loin de cette mort ? Ne serait-ce pas, peut-être, parce que dispersée au sein de l’éther, l’énergie trouve enfin où se régénérer ? (p. 105). Retenons cependant cette loi : plus la vie est intense et plus elle dépense.

Ce qui caractérise tous les faits de la nature, depuis les faits physiques jusqu’aux faits vitaux, instinctifs et même volontaires, c’est une certaine orientation native, la loi générale d’option. La molécule d’albumine, si petite, dispose d’une architecture et d’habitudes précises. Chez les vivants, nous constatons ces réponses spécifiques régulières, d’un muscle, d’une glande, d’une cellule nerveuse. L’instinct des animaux, comme les décisions de l’honnête homme, représentent aussi des options, des choix entre cent autres. Comment expliquer ces choix utiles à l’es-