Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 10.1.djvu/163

Cette page n’a pas encore été corrigée
311
312
MATÉRIALISME. CRITIQUE


nemeiits », De l’intelligence, t. i, p. 345, il affirme. et nie la même chose ; il fait un effort de synthèse en niant le centre simple qui en est la cause, sous prétexte qu’il ne le perçoit pas ; or, de fait, nous le percevons confusément dans la vie vécue.

3. Objection : L’équation entre l’intelligence et le cerveau. — Cette « équation » sera longtemps encore la tarte à la crème du matérialisme ; pourtant clic se fonde tout bonnement sur une confusion entre la condition et la cause. L’éclairage d’une salle dépend de l’ouverture de la fenêtre et de l’état de l’atmosphère comme de l’action du soleil sur la lumière ; mais cette dernière condition est pourtant seule vraie cause.

1. Rapports entre le cerveau et les manifestations de la vie psychique. — — Posé le cerveau, la vie psychique est présente— ; sans cerveau, elle est absente ; « lie varie avec l’état de celui-ci : donc il en est la cause. Ou encore la conscience offre des antécédents, des concomitants et des conséquents cérébraux, donc elle s’avère une fonction du cerveau : voilà l’objection qui sans cesse revient.

Il s’en faut d’abord que l’on puisse établir une rigoureuse proportion entre l’accroissement cérébral de l’enfant et le développement de son intelligence. Si le poids du cerveau à la naissance atteint 330 gr. et 770 gr. à 1 an, que conclure de la ? L’homme des cavernes possédait une capacité crânienne au moins égale à celle des Parisiens d’aujourd’hui, environ 1600 c. m. c. Le mouton et le chien disposent d’un cerveau de poids voisin, 80 gr. environ ; et pourtant le second manifeste une vie psychique bien plus riche. Le cerveau de Cuvier pesait 1830 gr., celui de Broca 1484 et celui de Gambetta 1160 gr., inférieur aux pesées moyennes. Le nombre et la profondeur des circonvolutions, qui marquent le développement du cerveau, paraissent davantage en rapport avec celui de l’intelligence, comme aussi l’ouverture de l’angle facial, chez les races cultivées. Cf. Lapicque, dans Dumas, Traité de psychologie, 1923, t. i, p. 70 sq.

L’intelligence et le caractère varient avec le climat, l’âge, le sexe, le tempérament qui sont physiques. — Cette observation offre une certaine vérité. Cependant quelle lucidité et quelle énergie chez certains vieillards ! On connaît des femmes plus intelligentes que bien des hommes. La race, le milieu, le moment, cette formule de Taine qui assimilait les esprits aux espèces animales, reste étrangement approximative ! … Que de Malouins du temps de Chateaubriand lui ressemblaient peu ! Que de différences au moral, souvent entre deux frères ! Est-ce que l’intelligence se transmet par hérédité comme le type physique ?… Le corps ne saurait être assimilé à une lyre dont l’âme serait l’harmonie. D’abord quelle serait la raison de l’unité de cette lyre ? Et puis la créature humaine sait tirer de nobles accents, de grandes vues même, d’un corps qu’un accident a br’sé.

Plaisante intelligence, ajoutent d’autres, que quelques gouttes de chloroforme endorment, qu’un verre d’alcool fait délirer, que restaure un peu d’ammoniaque ! Un constipé est exposé à des hallucinations ; 50 gr. de magnésie rendraient à l’âme spirituelle des perceptions exactes. Comment celle-ci paraît-elle idiote si le cerveau n’a pas le poids ou la forme normale ?

— Mais ces faits prouvent simplement une dépendance que nul ne peut nier.

Le mouvement qui agit sur nos organes doit posséder une certaine force pour être perçu, « c’est le seuil de la sensation » ; pour percevoir une nouvelle sensation, il faut accroître cette force d’une quantité déterminée. En moyenne, un mouvement volontaire exige 13 centièmes de seconde de plus qu’un réflexe. Donc on mesure : 1. l’accroissement des actes psychi ques, 2. leur durée ; par conséquent ces actes, de l’ordre de lu quantité, sont matériels. — On ne mesure pas la sensation, mais seulement l’excitant nécessaire à l’organe animé ; ensuite celui-ci dépense plus ou moins de travail musculaire dans sa réaction, sans que l’on puisse lui trouver une quantité psychique, ne serait-ce que parce que l’unité étalon resterait à découvrir. Des excitations égales peuvent être suivies de sensations fort variables selon les personnes et les moments ; l’aptitude présente à réagir, voilà une inconnue de l’organe animé pour les psychophysiciens de l’école de Weber et de Fechner. Quoi d’étonnant au temps écoulé ? C’est celui qu’exige l’adaptation des organes à la perception et au mouvement. D’ailleurs, il y a succession dans les actes de l’âme, mais aussi durée, tandis que les secondes au cadran de l’horloge n’offrent que des points successifs dans un temps mathématique homogène ; il serait inexact de les assimiler : succession et durée sont deux. 2. Lésions et localisations cérébrales.

Il ne peut s’agir de localiser l’âme, mais seulement les centres nerveux qui servent au fonctionnement de notre psychisme. Évidemment le cerveau, et plus spécialement la substance grise de l’écorce, y ont la part tout à fait principale ; des centres inférieurs peuvent aussi provoquer des réactions automatiques. Depuis les travaux de Flechsig, on admet dans l’écorce grise, des zones d’associations intercorticales et d’autres zones de projections où aboutissent les impressions sensorielles ; quand ces dernières seules sont lésées, le psychisme fonctionne encore à peu près normalement : tels les souvenirs, comparaisons, etc. Si le corps calleux, qui fait le pont entre les deux hémisphères, est atteint, le sujet souffre de défaut de liaison dans les idées. Si les circonvolutions pariétales et surtout frontales ont une lésion, on observe de l’apathie, de l’hébétude, du délire et en général la perte de l’attention volontaire. Malgré de nombreux travaux et l’accord des savants sur bien des fixations, le rôle du cerveau offre matière à de difficiles controverses pour spécialistes ; mais l’entente paraît se faire sur ces trois points capitaux :

1. Les divers centres agissent beaucoup plus solidairement qu’on ne l’avait pensé ; « toute l’écorce est psychique ». J. Grasset, Introduction physiologique à la philosophie, 1908, p. 220 ; D.niel Vierge, aphasique et agraphique, se met à fort bien dessiner de la main gauche, par suppléance d’autres centres. Ibid., p. 215.

2. Le cerveau est un centre de mouvements, et non un magasin d’images ; 3. Les névroses sont aussi en partie conditionnées par des arrêts de développement d’organes, des intoxications, des modifications de glandes à sécrétion interne. P. Janet, Les névroses, 1909, p. 39 ; Régis et Hesnard, La Psychoanalyse, 2e édit., 1922, p. 361. Toute étude doit envisager l’homme vivant dans son unité fonctionnelle. Un aphasique n’est pas le moins du monde un fou. Plus on s’élève vers la réflexion consciente et le choix délibéré, plus on entre dans la sphère du psychisme supérieur, avec des centres cérébraux alors différents, selon Grasset, les mêmes, selon P. Janet et, P. Marie.

Dans toute infirmité psychique, c’est le cerveau qui est atteint et non pas l’âme, mais celle-ci dépend de lui pour exercer ses fonctions : c’est d’ailleurs ce que nous allons encore mieux voir à propos des « maladies » du langage. « Le rôle du cerveau est de donner la communication ou de la faire attendre. » Bergscn, Matière et mémoire, p. 16.

Le dément manque de pensées logiques ou bien adaptées au réel ; mais il est des malades qui pensent juste et ne peuvent articuler (dysarthriques). Il en est encore qui articulent bien et ne peuvent pas parler (aphasiques) : c’est que le langage est une fonction très complexe. Les mots vus ou entendus par la