Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 10.1.djvu/158

Cette page n’a pas encore été corrigée
301
302
MATÉRIALISME, CRITIQUE


gènes. » Mais comment déduire du simple édifice : eau

— qui provient d’un combustible et d’un comburant — qu’il devra éteindre le feu. Et les six étamines de la giroflée, et les pétales tuyautés du dahlia, et les phases d’un embryon, et l’ambition d’un Napoléon’.’… Le devenir surtout : voilà le cauchemar du mécanisme. On ne peut le déduire a priori, il contient du nouveau. Qui déduira de l’architecture atomique une mutation brusque, à plus forte raison les inventions du génie humain ? Du carbone de l’air, d’abord assimilé par l’action chlorophyllienne, à la chair du mouton, et à celle de mon corps, organe vivant d’une sensation, il y a bien autre chose que des rondes nouvelles faites des mêmes danseurs ! … Imaginer le devenir, c’est le ramener à l’espace homogène, c’est le nier. L’invisible, le non mesurable est au cœur des êtres. Meyerson. De l’explication dans les sciences, t. ii, 1921, p. 349. Le mécanisme devrait aboutir à l’impasse de l’identique et de l’immobile. On n’imagine pas la causalité : elle est une qualité occulte. Des roches éruptives aux prêles gigantesques, aux nummulites, aux poissons, aux reptiles et aux oiseaux, etc., il y a du nouveau que la pure juxtaposition atomique n’expliquera jamais. Pour comprendre l’évolution, o.i commence par se donner un certain mécanisme ; puisqu’il n’est pas quelconque à l’origine, c’est donc que les dés sont pipés, la finalité est impliquée déjà. O. Hamelin, Essai sur les éléments principaux de la représentation, 1907, p. 281.

L’unité manifeste du vivant — même monocellulaire — en sa structure et ses fonctions, son aptitude à se réparer, à reproduire son type, quelle autre pierre d’achoppement I Tous les organes contribuent à la vie commune et sont solidaires ; si l’un d’eux joue mal son rôle, tous les autres en souffrent. De simples corpuscules juxtaposés offriraient-ils jamais une telle coordination ? Considérons, par exemple, ce fait frappant dans l’évolution du « cerf géant » de l’époque quaternaire, dont les bois atteignaient jusqu’à 3 m. 50 d’envergure et alourdissaient fort la tête. A chaque étape de leur croissance dans l’espèce, ils ont exigé un crâne plus épaissi, un renforcement des vertèbres cervicales et des ligaments, etc. « Tout se tient de façon obligatoire sous peine d’impossibilité de vivre. » Cuénot, Genèse des espèces animales, 2e édit., 1921, p. 291. A quoi bon parler des communications nerveuses et de l’action régulatrice des « hormones » ? Expliquera-t-on la victoire de la Marne par les lignes télégraphiques et les agents de liaison ?… M. Guilleninot regarde la vie comme le résultat de mutations utiles, dues au hasard, et ensuite, conservées. L’évolution résulterait de myriades de hasards heureux ; et on appelle cela : science positive ! La Matière et la Vie, 1919.

Le vivant répare ses organes ; par exemple, il y a néoformation des globules sanguins, des glandes et des cellules épithéliales de l’intestin ; l’escargot régénère ses tentacules et sa bouche ; avec un tronçon l’hydre d’eau douce régénère son corps entier. Le vivant lutte contre les microbes pathogènes et secrète à propos des antitoxines. Expliquer la fièvre par le sens de l’adaptation des organismes qui luttent pour surmonter un obstacle, c’est déjà faire brèche au mécanisme. Le vivant dans un milieu trop chaud se refroidit, par exemple, par sudation ; dans un milieu trop froid, il se réchauffe, par exemple, par grelottement, pour maintenir sa température oplima, tandis que le minéral simplement subit celle de son milieu.

L’analyse chimique et l’observation microscopique ne décèlent que de minimes différences entre les cellules mères ou œufs des diverses espèces. Et cependant l’un d’eux devient une algue, un autre, une éponge, un autre, un poisson, etc. C’est donc que ces œufs différaient déjà autrement que par leur édi fice particulaire et que quelque idée directrice ». selon le mot de Cl. Bernard, a conduit le développement. Chaque cellule nouvelle ne laisse filtrer dans son protoplasme que les éléments utiles à son fonctionnement ; elle combine sa structure avec cclie des autres pour former, ici un œil, là un organe de Corti, etc. Le vivant paraît dominé par un progrès futur vers lequel il s’achemine comme vers la réalisation d’un plan. Dastre, La Vie et la Mort, 1903, p. 165 sq. Mais un plan, une idée, pour devenir une cause doivent être réalisés dans un sujet actif : revoici la qualité. Le végétal trouvant sur place sa nourriture s’y fixe ; mais l’animal, qui doit la chercher, dispose d’un système sensori-moteur installé sur ceux de la respiration, de la digestion, etc. Bergson, L’Évolution créatrice, p. 136.

Voici selon un mécaniste l’explication du stade gastrula : « Les cellules de la morula, ayant cédé à leur point faible aux poussées extérieures, s’invaginent, puis soudent les extrémités de ce conduit : voilà donc, une sorte de petite outre ! … Le cristallin se forme toujours face à la rétine ; si elle se déplace il la suit et la prolonge ; mais cette apparente finalité trouverait sa raison dans les chocs des sécrétions rétiniennes sur le cristallin ! … L’araignée se jette sur la mouche comme la pierre s’enfonce dans l’eau ! … » Et. Babaud, Éléments de biologie générale, 1921.

Mais M. E. Meyerson répète à juste titre : « Ce n’est pas avec des combinaisons de l’espace, extension, réduction, déplacements, chocs que l’on rendra compte de la régularité des faits biologiques. Qu’aurait-il pu sortir de cette homogénéité totale primitive ? » Op. cit., t. i, p. 265. Si, comme l’avoue M. Rabaud, « l’unité fonctionnelle définit l’individu », p. 77, si chaque événement vital est conditionné par l’ensemble, comme il le conditionne, p. 255, 264, on n’explique pas cette solidarité par les simples affinités chimiques des vivants, pas plus que les associationistes n’expliquent l’unité du moi par la juxtaposition des états de conscience. Quant le mâle de la mante religieuse s’accouple avec la femelle « mûre » et non avec une autre, quand l’araignée astia viltala danse devant sa femelle, quand un lièvre s’arrête et se dissimule, etc., il ne faudrait voir qu’une mécanique « contraction de leur sarcode », sous l’action des chocs ! … Puis, enfin, on préfère avouer que cela déplace les lois mécaniques connues…

M. Edm. Perricr, pour éviter la cause finale, se débat en des difficultés analogues. La Terre avant l’histoire, 1920. Les laboratoirse ont fait la synthèse de l’urée et des sucres ; mais l’urée « biologique », observerai-je, est en continuité fonctionnelle avec toutes les opérations solidaires du vivant. L’urée, d’ailleurs est une issue du cercle vital, et non la vie, pas plus que les cendres et la fumée d’une bougie ne sont la lumière même. Pourquoi précisément l’œuf, en se nourrissant, reproduit-il le type des parents ? p. 102. Quel rapport entre mouvements et joie, douleur, jugement et choix ? « C’est le secret de l’avenir. » p. 396. Réponse vraiment commode ! … On nous dit que le besoin de voir plus loin a encouragé la station verticale, parce que « l’esprit a toujours dominé la matière, si paradoxal que cela paraisse », p. 336. Étrange philosophie à tiroirs qui réintègre ici la finalité et la qualité directrice et revient au monisme.

Selon M. Goblot, Traité de Logique, 1918, la convergence fonctionnelle du cœur, des poumons, du foie et des reins se ramènerait à une convenance complexe : en suivant leur propre déterminisme, ces organes se rencontreraient… Mais n’est-ce pas à la fois, réplique M. Parodi, Philos, cont. en France, p. 400, admettre en formule la finalité pour la nier de fait ? Car, c’est précisément cette convenance solidaire qui est le nœud du problème. M. Goblot parle