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    1. MATÉRIALISME ET MONISME##


MATÉRIALISME ET MONISME, GÉNÉRALITÉS

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2° Conception scientifique actuelle de la matière.

— On admet présentement que la matière est composée de tourbillons de grains électriques. L’atome, ou élément qui entre en combinaison, serait déjà fort complexe. : d’abord un noyau positif, puis une ou des couches négatives qui circulent autour du noyau, déjà mobile mats en sens inverse. Dans l’hydrogène, le corps le plus élémentaire, retrouvé d’ailleurs en tous les autres, on distinguerait l°le noyau : ions positifs composés d’un grain plus deux grains soudés ou hélium, puis 2° un électron négatif : de celui-ci l’orbite atteindrait 53 milliardièmes de millimètre. Les noyaux sont différemment composés selon la diversité des corps simples : ce sont eux qui leur donnent leurs propriétés spécifiques ; quant aux autres propriétés comme la chaleur et la lumière, on les attribue aux électrons qui sont répartis par couches granulaires successives, autour du noyau. L’hydrogène possède 1 électron, l’hélium 2, le cuivre 29, le platine 78, etc. On a évalué le volume de l’électron à un millième de l’atome complet d’hydrogène ; le champ électro-magnétique serait 10.000 fois plus étendu que le noyau ; la marche des électrons atteindrait la vitesse fantastique de 20 000 kilomètres à la seconde ; la raison des mutations et combinaisons avec leurs propriétés nouvelles serait à chercher dans le noyau ; certains noyaux lourds possèdent même des électrons.

On a évalué les corpuscules d’une tête d’épingle à 8 sextillions. Dans chaque unité, les éléments positifs et négatifs se saturent et compensent leurs oppositions. Quand ils sont libérés et non compensés, ils constituent la lumière et la chaleur. Ainsi, par exemple, lorsqu’en allumant du feu, l’oxygène de l’air se combine au carbone du bois, des électrons perturbés, sont libérés et leurs mouvements causent la chaleur et la lumière. Les forces qui rapprochent ces atonies et leurs granules électriques défient l’imagination. On estime qu’il faudrait l’énergie calorifique de 20 millions de tonnes de houille pour dissocier 20 kilos de charbon, C’est-à-dire pour vaincre leurs forces électro-magnétiques. Et pourtant les atonies auraient un diamètre compris entre 1 et 5 dix-millionièmes de millimètre. Les grains possèdent une charge électrique minima, car l’électricité n’apparaît jamais que par multiples entiers de cette charge. L’électron constitue les rayons cathodiques des ampoules de Crookes et les rayons (3 projetés par le radium, et en général tous les transports d’électricité. La maste du noyau d’hydrogène serait 1 850 fois celle de l’électron, partout retrouvé le même. Le diamètre maximum des noyaux n’atteindrait que le dix-millième de l’atome complet.

En résumé, les éléments ultimes de toute matière seraient donc 1. l’électron, 2. le noyau d’hydrogène ou proton. En principe, pour la transmutation des corps, il suffirait de priver leur noyau, d’un ou plusieurs noyaux d’hydrogène : récemment de l’azote on a tiré de l’hélium. Cf. Jean Perrin, Les atomes ; A. Lepape, Bulletin de la Société de Chimie, janvier 1922 ; Achalme, L’atome, 1921.

Caractères généraux de la matière.

Leibniz

concevait les corps comme des systèmes de monades inétendues ou centres de forces, mises en accord par le Créateur.

Assez récemment le chimiste allemand Ostwald ramenait aussi l’étendue des corps à un jeu de forces, et paraissait dissoudre le physique dans le psychique : l’énergie serait l’étoffe dans laquelle toutes choses seraient taillées. Toutes les propriétés de la matière proviendraient des diverses quantités d’énergie. Mais il est impossible que le mouvement ne soit pas le mouvement de quelque chose, puisqu’il va toujours d’un point à un autre, qu’il effectue tel ou tel change ment. Il agit toujours en tel lieu et en tel temps, donc il relève de l’espace et du temps. Il faut bien s’arrêter à des corpuscules solides.

Ceux-ci sont doués de forces. On aurait beau, en effet, considérer sans fin les trois dimensions comme telles, on n’en ferait pas sortir le changement et le temps. Si des solides géométriques étaient simplement juxtaposés aucun fait nouveau ne naîtrait. Il faut bien supposer des attractions, des orientations diverses et définies. L’explication du monde commence par se donner une collocation déterminée des éléments, des rapprochements, des mouvements ; la qualité « victorieuse du nombre », active et ordonnatrice ne fait qu’un avec la quantité : l’une nous révèle la nature de l’être et l’autre la mesure de ses mouvements. Bien plus, ne voir, par exemple, entre les éléments chimiques, entre l’herbe verte et le mouton qui la broute avec appétit pour en faire sa chair, que de simples changements de place des atonies, reste une gageure. Impossible de concevoir quantité réelle sans qualité directrice.

Le changement ne peut être que l’état de quelque chose ; on ne saurait hypostasier la mobilité, comme paraît le faire Bergson. Que seraient un écoulement, un torrent d’états évanescents, privés d’un sujet qui établisse leur continuité ?

La matière nous résiste, et d’autant plus qu’elle offre plus de niasse ; or comment concevoir cette résistance, sinon en la rapprochant de nos propres activités orientées en certains sens ? Elle se présente donc sous la forme de groupements individuels, relativement clos, bien qu’en relations entre eux et avec le tout qui les entoure.

Notre univers physique obéit, à travers ses mutations, aux lois générales de la conservation de la masse et de l’énergie et à la loi d’entropie. Les énergies chimiques se muent en énergies électriques, pour redevenir chimiques, calorifiques, lumineuses. La physique calcule des rapports numériques entre ces mutations ; elle sait qu’une grande calorie équivaut à l’effort pour soulever un poids de 425 kilos à un mètre. Un kilogramme de glace absorbe 80 calories pour se liquéfier ; inversement pour se congeler il abandonne 80 calories. Pesanteur, chaleur solaire, affinités chimiques sont, en quelque sorte, les poids qui font monter ou descendre les phénomènes. Nos locomotives utilisent le travail du soleil, qui, aux temps carbonifères, a emmagasiné le carbone, lequel se retrouve aujourd’hui sous forme de mouvements, puis de chaleur rayonnée, et, au sens utilitaire du mot, perdue en prenant la température du milieu. Nos organes eux-mêmes sont de véritables machines, puisqu’ils transforment, par la nutrition, en mouvement et en chaleur, des énergies chimiques ; au sens strict, notre volonté ne leur ajoute rien. Le monde est un vaste laboratoire où circulent et se transforment l’énergie et le mouvement avec régularité, depuis le règne minéral jusqu’au règne animal.

Étendue, activités spécifiques, mouvements, durée, résistance, chocs, vitesse, direction, composition, décomposition caractérisent la matière.

Cf. Fouillée, Esquisse d’une interprétation du Monde, 1913, p. 43, 83 ; Hamelin, Essai sur les principaux éléments de la représentation, 1907, p. 281 ; Couailhac, La liberté et la conservation de l’énergie, 1897, p. 221 ; De Tonquédec, Essai critique sur l’hylémorphisme, 1924 ; Dastre, I.a Vie et la Mort, 1903.

Présupposés critiques.

Le matérialisme postule

la supériorité des sens sur l’intelligence, ou encore l’origine de celle-ci dans une simple complication de l’expérience : dans ces conditions on pourrait tenter de concevoir que les corps sont les éléments exclusifs de l’univers. Mais cet empirisme est une pétition de