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    1. MARONITE (ÉGLISE)##


MARONITE (ÉGLISE), LES MARONITES ET LE MONOTHÉLISME

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mérer ni le supputer. Dans la discussion, les chalcédoniens du parti de Beth-Maron invectivaient les maximites (partisans de la doctrine de Maxime le Confesseur) : Vous êtes, des nestoriens, les compagnons des païens et des juifs. Vous ne dites pas que le Christ est Dieu, qu’il est né de la Vierge, qu’il a souffert. et a été crucifié dans la chair, mais qu’il est un homme ordinaire, une personne particulière, abandonnée au loin par Dieu, qui craignait et redoutait la mort et criait pour cela : « Mon l’ère I s’il est possible, que ce calice passe loin de moi, toutefois que ta volonté soit faite et non la mienne », comme si autre et autre étaient les volontés du Père et du Fils ; c’est-à-dire qu’il y aurait dans le Christ deux volontés séparées et opposées, ou même ennemies, et en lutte l’une contre l’autre. Texte, t. iv, p. 458-459 ; trad., t. ii, p. 493-494.

Pour bien juger de la situation des maronites à cette époque, il faut se reporter quelques siècles en arrière et se mettre dans leur état d’esprit. En cette période, les luttes religieuses avaient marqué le point culminant d’une irréductible hostilité entre les diverses confessions chrétiennes du patriarcat d’Antioche. Chalcédoniens, nestoriens et jacobites formaient trois Églises rivales ; ils s’étaient bien organisés pour la défense de leurs idées respectives. Il ne fallait pas toucher à leurs sentiments religieux, toujours à fleur d’épiderme. Les partisans des deux natures dans le Christ, tenant le milieu entre les deux autres groupes, pouvaient toujours craindre de dépasser la mesure, ne fût-ce que par gaucherie ou excès de langage. Aussi, un certain nombre d’entre eux abhorraient toute nouveauté doctrinale, même de pure forme ou de simple expression. Le VIe concile n’ayant pu être promulgué en Syrie, ils vivaient uniquement sur les définitions des cinq premiers : ils se cramponnaient à la doctrine de Chalcédoine et ne voulaient rien savoir au delà. Or, sur ces entrefaites, des prisonniers, qui n’étaient investis d’aucune autorité hiérarchique, arrivaient en Syrie et se mettaient à parler d’un dogme des deux volontés. Il n’en fallait pas plus pour mettre le feu aux poudres. Les maronites, peu habitués à un tel langage, n’y virent qu’une sorte de dualisme dans le Christ. Pour eux, c’était le nestorianisme. Vous êtes des nestoriens », disaient-ils aux maximites. Et alors, les chalcédoniens se divisèrent en deux fractions, argumentant les uns contre les autres, sans pouvoir se comprendre. Ils étaient, pourtant, d’accord sur le fond ; car, ce que les maronites contestaient, ce n’était pas le dyothélisme physique dans le Christ ; ils refusaient seulement d’admettre la coexistence de deux volontés ennemies, c’est-à-dire : l’antithèse de la volonté divine et de la volonté humaine. Mais, dans réchauffement de la polémique et de la passion religieuse, au lieu de chercher la solution de la difficulté, on n’avait rien tant à cœur que de faire mieux valoir ses idées pour désarmer et acculer à l’absurde la partie adverse. De fait, tout en ignorant le VI concile, les maronites avaient la pensée conforme à sa doctrine.

Tel fut et tel a toujours été le fond de la pensée maronite. Les quelques documents que nous possédons permettent bien d’en vérifier la continuité au cours des siècles. — — Le premier de ces documents est un missel dont se servaient au xie siècle les maronites et qui était, sinon comme ms., au moins comme composition, antérieur à cette époque. Le patriarche Douaïhi († 1704) a eu ce missel entre les mains et nous en a conservé un passage tiré d’une hymne de la messe des catéchumènes. Nous en donnerons une traduction littérale pour conserver au texte syriaque toute sa saveur originale : Le Miséricordieux, qui en Marie a habité pauvrement Et, comme homme, est sorti de son sein humblement,

Est venu au monde par miracle et merveilleusement Dans l’union des deux natures véritablement,

[blement

Ayant une seule personne, une seule volonté il a eu dou-Avec les propriétés des deux natures indivisiblement. Les natures demeurent en une seule hypostase divinement, Reconnues sans désunion ni confusion. Par la nature divine, il a fait des prodiges divinement, Par la nature humaine, il a enduré des souffrances humai [nement.

Paul a dit : il s’est fait semblable à nous entièrement,

I Iormis le péché, l’iniquité et L’impiété, véritablement.

Ms. 396, fol. 24.

L’auteur de cette hymne, il est facile de le voir, a pour préoccupation constante de proclamer la doctrine des deux natures, dans l’unité d’une seule personne, mais agissant chacune pour son compte. L’on sent bien qu’il se trouve en face de nestoriens et de monophysites. C’est pourquoi, tout en affirmant le dogme des deux natures complètes, entièrement distinctes l’une de l’autre, il insiste sur l’idée d’une parfaite harmonie entre elles. Le Christ est à la fois Dieu et homme ; il possède une volonté double, mais cette volonté est une dans ce sens que la faculté humaine est irrévocablement soumise à la divinité. Aussi, dans la pensée maronite, l’unité de volonté ne peut-elle être entendue qu’au sens moral, car l’auteur ne met pas en doute l’existence de la volonté humaine en tant que puissance physique. Autrement, comment expliquer le contexte : une seule volonté il a eu doublement, avec les propriétés des deux natures sans division, sans confusion, il s’est fait semblable à nous en toutes choses, hormis le péché ?

Un deuxième texte est emprunté à l’ancienne collection canonique des maronites, traduite du syriaque en arabe vers 1058 de J.-C. et connue sous— les noms de Livre de la direction, Livre de la loi ou Livre de la perfection. Cette collection est encore inédite. Il en existe plusieurs exemplaires. Nous citerons celui de la Vaticane (Vat. sur. 133), exécuté en 1402. Voici la traduction du texte qui concerne notre sujet :

Il faut parler de l’incarnation du Christ… Nous croyons qu’il est l’une des trois personnes glorieuses, le Fils, le Logos né du Père… Il descendit du ciel… Il s’incarna, par (l’opération) du Saint-Esprit, de la Vierge pure Marie, fille de Joachim ; il prit d’elle un corps… Ce corps est animé d’une âme raisonnable, intelligente et douée de science.

II nous ressemble en toutes choses, hors le péché… Il a une seule personne et deux natures intelligentes ; il est Dieu et homme… Nous ne croyons cependant pas qu’il est deux, deux Christs, deux personnes, deux volontés et deux énergies. Loin de là ! C’est un seul Jésus-Christ, le Fils de Dieu, le Logos qui s’incarna pour nous ; une seule personne éternelle, sans commencement ; un homme d’Adam, ayant un corps animé, sensible. Il est Dieu parfait… et homme parfait. .. Les melkites et les maronites se divisèrent sur la question d’une ou de deux volontés (dans le Christ). Les melkites confessèrent deux volontés…, les maronites une seule… ; et chacune des deux parties alléguait des arguments à l’appui de sa thèse… Les maronites disaient (aux melkites ) : Ces deux volontés que vous confessez dans le Christ doivent être ou conformes, ou opposées l’une a l’autre. Si de tout point elles se trouvent conformes l’une à l’autre, on aboutit à une seule volonté ; mais sj elles sont opposées l’une à l’autre, il s’ensuit que la nature divine veut ce que ne veut pas la nature humaine et que la nature humaine veut ce que De veut pas la nature divine. S’il en était ainsi, il y aurait division H opposition, partant deux (personnes dans le Christ) ; et alors, l’union (hypostatique ) n’existerait plus, la Trinité deviendrait i quaternité » et l’on se trouverait réduit au poinl de vue de Nestôrius et a ses opinions sur le Christ. Les maronites citaient à l’appui quelques paroles du Christ, contenues dans le saint Evangile : Sa parole au lépreux : Je le veux, lorsque celui-ci vint à lui en disant : Si tu veux, tu peux me guérir (Mat t h., viir, 2-3). Sa parole (à l’ouvrier) : Prends