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MASSILLON

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Provence, de François Massillon notaire et de Anne Brune, dans une maison qui existe encore, 7, rue Rabatou. Il commença au collège des oratoriens de cette ville ses études qu’il continua à Marseille chez les mêmes Pères qui y dirigeaient une maison depuis 1025. En automne 1681, il entra, malgré l’opposition de son père, à leur noviciat d’Aix : « Il était, dit Bougerel, doué des plus belles qualités de l’âme, des agréments de la personne, ayant un fond d’amabilité et de galanterie. »

Il étudia ensuite à Arles la philosophie, la théologie, l’histoire, la littérature, la prédication ; en septembre 1684, il fait la quatrième au collège de Pézenas est envoyé deux ans après à Marseille, où il ne fait que passer, professe la seconde à Montbrison en 1687, la rhétorique en 1688 ; puis, à Vienne, où il demeure six ans, la philosophie et ensuite la théologie ; il y reçoit les ordres sacrés, est ordonné prêtre en 1691.

Il commence à prêcher, tantôt dans la chapelle de l’Oratoire, tantôt dans les paroisses de la ville ; sa véritable carrière de prédicateur s’ouvre en 1693 par les oraisons funèbres de M. de Villars, archevêque de Vienne, et de M. de Villeroy, archevêque de Lyon, et se ferme en 1723 par celle de la princesse Palatine, mère du régent. Il fait encore en 1693 un Sermon pour la bénédiction des drapeaux du régiment de Catinat, dans lequel vibre le plus éloquent patriotisme.

Il passe de Vienne à Lyon en 1695, prêche les Dominicales dans la chapelle de la congrégation dédiée à la Sainte Enfance du Sauveur, aujourd’hui église Saint-Polycarpe, et quitte subitement la ville pour s’enfermer dans la solitude de Sept-Fonts où il ne restera, il est vrai, que de juillet à novembre 1696. Le P. de la Tour lui confie alors la direction de la maison de Saint-Magloire, transformée en 1620 par le cardinal de Retz en séminaire diocésain et confiée par lui à l’Oratoire, à condition d’y entretenir douze boursiers. C’était le premier établissement organisé en France d’après les prescriptions du concile de Trente. Massillon veut y reprendre et y compléter l’œuvre admirable des Conférences ecclésiastiques dont saint Vincent de Paul avait été l’initiateur à Saint-Lazare. Nous avons de cette période, 1696-1697, huit Conférences aux jeunes clercs sur l’Excellence du sacerdoce, la Fuite du monde, V Ambition, la Communion, le Zèle contre le scandale, la Vocation à l’étal ecclésiastique, l’Usage des revenus ecclésiastiques, la Conduite des prêtres dans le monde. En un très digne langage, il démontre courageusement à ces fils de famille avides de fortune que, s’ils n’entrent dans l’Église que pour s’y faire une position et occuper un rang, ils se trompent dans leurs calculs. Massillon ne donnera pas de modèle d’éloquence plus ordonnée, plus saisissante, plus communicative ; Maury dira que ces conférences sont : « plus riches en idées neuves que les sermons ».

II. Le prédicateur.

Sept-Fonts et Saint-Magloire avaient été deux haltes bienfaisantes entre la jeunesse et la maturité. Dévoué aux grandes chaires, Massillon ne peut plus s’y dérober ; après un Carême à Montpellier, en 1698, un à la chapelle de l’Oratoire de la rue Saint-Honoré, 1699 ; lié d’amitié avec l’abbé de Louvois, apprécié du cardinal de Noailles, il est invité à donner l’Avent à Versailles en 1699. Les six sermons répartis différemment dans les éditions, sont les suivants : Le bonheur des justes, La vérité de la religion, La conception de la sainte Vierge, Le délai de la conversion, Dispositions nécessaires à la communion, Bien/ails de la naissance du Sauveur.

Massillon, effrayé de l’incrédulité croissante, attaquait le mal dans son foyer en s’adressant au cœur, dont le dérèglement est la source première ; l’impiété née de la corruption entraîne l’ébranlement de tous les principes qui font les peuples dignes et forts. Les

hommes, dit-il, sont « lâches plutôt qu’incrédules ». Le prédicateur fut moins goûté des courtisans, directement atteints, que de Louis XIV qui lui dit : J’ai entendu plusieurs grands orateurs dans ma chapelle, j’en ai été fort content, pour vous, toutes les fois que je vous entends, je suis très mécontent de moi-même. »

De 1699 à 1718, Massillon donne dix-neuf Carêmes dont deux à Versailles en 1701 et 1704 et dix Avents ; en 1700, il prêche le Carême à Saint-Gcrvais ; en 17<12, le Carême à Notre-Dame et l’Avent à Saint-Honoré : en 1703, le Carême à Saint-Eustache et l’Avent à Saint-Germain-en-Laye. Les sermons de ces différentes stations recueillis par son neveu, le P. Joseph Massillon, qui en bouleversa l’ordre, composent ce qui est imprimé dans ses œuvres sous le titre de Grand Carême.

Parmi ces discours, il faut signaler celui sur la Soumission à la volonté de Dieu, par lequel l’orateur commença sa nouvelle station devant le roi, et par lequel il préparait la cour aux grandes vérités qui devaient être le thème du Carême ; celui sur la Parole de Dieu, considéré comme un des meilleurs ; sur la Samaritaine, où il montre que les gens de cour allèguent les mêmes excuses que la pécheresse. Bossuet qui l’entendit se déclara « très content » ; ceux sur la Confession et la Communion, d’une sévérité qui paraît excessive, mais qui s’explique par la légèreté, l’état d’esprit de ceux à qui ils sont adressés ; dans les deux homélies sur Lazare ou le Mauvais riche, sur l’Enfant prodigue, il s’ouvre, même après les Pères, une voie nouvelle dans ce genre de prédication.

Massillon commença le Carême de 1704 par le sermon sur les Dispositions nécessaires pour se consacrer à Dieu par une nouvelle vie, où il flétrit la passion des grands pour le luxe, les spectacles et le jeu ; le premier dimanche, il prêche sur les Vices et les vertus des grands ; le mercredi suivant, en parlant de la Vérité d’un avenir, il met les courtisans en face de leurs éternelles destinées. Dans les sermons sur le Petit nombre des élus et sur V Impénitence finale, on a relevé quelques traces d’exagération doctrinale ; peut-être pourrait-on dire pour les expliquer que Massillon avait été élevé à l’Oratoire dans la crainte d’une morale relâchée et qu’il voulait en défendre les grands ; s’il leur demandait beaucoup, c’est parce qu’il ne les savait que trop disposés à ne pas donner assez. Le discours sur le Petit nombre des élus est resté le plus célèbre ; quand, après avoir dit que titres et dignités ne servaient de rien, l’orateur se fut écrié : « O mon Dieu ! où sont vos élus ? et que reste-t-il pour votre partage ? » la même scène de désolation qui s’était produite l’année précédente à l’église Saint-Eustache se renouvela dans la chapelle de Versailles, chacun crut sa dernière heure arrivée.

C’est dans ce Carême que l’éloquence de Massillon atteignit son apogée ; on admirait en lui une finesse, une délicatesse qui charment, qui attachent, qui enchantent. Le roi, très assidu à venir l’entendre, le réinvita.

Massillon cependant ne devait plus remonter dans la chaire de Versailles ; il allait être victime des suspicions dont son ordre commençait à être l’objet ; des accusations auxquelles Mme de Maintenon n’était pas étram gère s’efforçaient de le faire passer pour janséniste ; les succès mêmes de 1704 fournissaient un aliment à la jalousie ; Chamfort, Fontenelle, Maurepas affectaient sans aucune raison de soupçonner ses rapports avec de grandes et respectables familles ; peut-être quelques phrases du sermon sur la Médisance visent les auteurs d’attaques odieuses.

Outre les stations qu’il ne cessa de donner à Paris surtout, Carême à Saint-Paul en 1706, à Notre-Dame en 1707, etc., il prononça quelques panégyriques dans