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MARTYRE. VALEUR APOLOGÉTIQUE


que leur christianisme arrive à l’âge adulte, en leur donnant des évêques indigènes.

2. Curée.

La Corée n’avait pas vu de prêtres avant la fin du xviir siècle. Dès que le christianisme y parait, la persécution commence. En 1827, on comptait déjà plus de mille martyrs. Un vicariat apostolique est fondé en 1831. De 1866 à 1870, on compte 8 mille martyrs (Just de Brctenières). Dès que la liberté est rendue, les conversions se multiplient.

3. Jupon.

Depuis la prédication de saint François Xavier en 1549, les persécutions se succédèrent avec de courtes accalmies. Citons les célèbres martyrs de Nagasaki en 1622. On estime à trente mille le nombre des chrétiens martyrisés en la seule année 1024. L’atrocité des supplices dépassa en raffinement ceux de l’antiquité. L’Église du Japon qui avait, dit-on, atteint 1 800 000 membres au xvr siècle semblait complètement anéantie en 1858. La France obtint par un traité le droit d’élever des églises nécessaires au culte chrétien. Le Père Petitjean arrivant à Nagasaki en 18(55 eut la joie de trouver des villages entiers où se perpétuaient depuis deux siècles le souvenir et les rites d’une religion qui avait donné tant de martyrs. Vingt-six furent canonisés en 1807, 205 furent béatifiés, à la grande joie de l’Église universelle. La persécution reprit de 180 ? à 1871 : plusieurs milliers de catholiques furent exilés ou déportés. Beaucoup moururent à la suite des privations et des tortures. La complète liberté religieuse fut enfin accordée par la Constitution de 1889.

4. Indo-Chine.

Peu de missions s’honorent d’un si grand nombre de martyrs et comptent aujourd’hui plus de fidèles. Le premier martyr de la Cochinchine, André, fut décapité en 1044. Au Tonkin, la persécution éclata en 1090, en 1712, en 1721. En 1798 la Cochinchine et le Tonkin, réunis en un même État, recommencèrent la persécution. En 1838, les martyrs furent particulièrement nombreux, parmi lesquels les évêques Borie, Ignace Delgado et Hénarès. Le terrible Tu-Duc lança en 1851 un édit qui se terminait ainsi : > Les prêtres européens doivent être jetés dans les abîmes de la mer ou des tleuves, pour la gloire de la vraie religion ; les prêtres annamites, qu’ils foulent ou non les croix, seront coupés par le milieu du corps, afin que tout le monde connaisse la sévérité de la loi. Après le nouvel édit de 1855, la France intervint, mais ne put empêcher un redoublement de persécution de 1857 à 1862. Les évêques Diaz et Berrio-Ochoa. les prêtres.laccard, Vénard, Néron, 115 prêtres annamites, une vingtaine de religieuses indigènes, près de 5.000 chrétiens donnèrent leur vie pour Jésus-Christ. Le traité de 1852 obtint la liberté religieuse de l’Annam.Mais le Tonkin vit encore de 1883 à 188Ô martyriser 15 missionnaires, 18 prêtres indigènes, 123 catéchistes, 270 religieuses, 35.384 chrétiens. Nulle part le sang des martyrs ne fut plus fécond. Les chrétiens se comptent aujourd’hui par centaines de mille et forment les missions les mieux organisées.

5. Inde.

— Évangélisés dès la première heure, les chrétiens de l’Inde ne sont connus d’une façon précise que depuis la conquête des Portugais à la fin du xv 1 siècle. Noyés au milieu de 59 millions de musulmans, de 7 millions de bouddhistes, de 220 millions de brahmanes, les catholiques dont le nombre ne dépassa jamais deux millions furent persécutés par ces diverses religions. Les protestants hollandais qui supplantèrent les Portugais ajoutèrent leur intolérance plus perfide et non moins cruelle. Les premiers missionnaires franciscains furent martyrisés par les musulmans en 1521 : peu de temps après, le dominicain Jourdain Catalini de Sévérac. Chaque année donne plusieurs noms glorieux au martyrologe, lui 1638, le navigateur Pierre Berthelot, en 1093 le jésuite Jean

de Britto. béatifié en 1852. En 1038. le carme Denis, le frère Bedempt et deux franciscains furent massacrés ;

ils ont été béatifiés en 1900. La persécution du Rajah de Mysore, Tippoo Saïb ( 17 19-1799) fit mourir plus de cent mille chrétiens, en réduisit autant à l’esclavage, imposa la circoncision à quarante mille.

Afrique.

1. Abyssinie. — Christianisée dès le

iv° siècle par Frumence, éveque sacré par saint Athanase, l’Abyssinie dut aux circonstances de devenir monophysite. Au xiir siècle, douze dominicains amenèrent de nombreux retours à l’Église catholique : leur zèle fut récompensé par le martyre. Au XVIe et au xviie siècle, des missionnaires jésuites, envoyés à leur tour, versèrent leur sang pour la foi. Des franciscains i Pères Agathange et Cassien) envoyés par le fameux Père Joseph subirent le même sort : ils furent béatifiés en 1903. Au xix siècle, de nouvelles persécutions furent suscitées contre Mgr de Jacobis et se> fidèles. A partir de 1889, l’empereur Ménélik rendit une certaine liberté au catholicisme.

2. Afrique Centrale.

Lavigerie envoya en 1879 ses Pères Blancs dans le royaume de l’Ouganda. Le roi Mouanga proclama d’abord la liberté religieuse, puis, changeant d’idées, résolut d’anéantir le catholicisme. Il y eut un grand nombre de martyrs qui moururent avec courage et que l’Église a élevés sur les autels. Le protectorat anglais fit cesser la persécution.

Amérique.

Il y eut au xviie siècle des religieux

espagnols ou portugais martyrisés dans l’Amérique méridionale par les Indiens. Plus célèbres furent les martyrs du Canada, jésuites, sulpiciens, prêtres des missions étrangères, capucins. Pie XI vient de béatifier les jésuites, Jogues, Brébeuf, Lallemant et leurs compagnons massacrés au Canada par les Iroquois, en 1646-1648.

10° Océanie. — II y eut des persécutions dirigées contre les missionnaires de Picpus par les méthodistes introduits aux îles Sandwich dès 1820. On connaît le martyre du mariste Chanel H841) dans l’île de Fontouna, béatifié en 1889 ; l’héroïsme du Père Damien, apôtre des lépreux. Mgr Ecalle et ses compagnons furent massacrés en débarquant dans l’île Isabelle de l’archipel, Salomon (1845). L’.année suivante, trois autres maristes furent massacrés par les indigènes de l’île San-Christovan. En 1855, le Père Mazucconi des missions étrangères de Milan fut martyrisé.

C’est ainsi que dans tous les siècles et dans tous les pays, on rencontre la même animosité contre l’Évangile, le même courage intrépide chez les disciples du Christ, préférant la mort même la plus cruelle au reniement de leur foi.

IV. Valeur apologétique du témoignage des martyrs. — Il appartient au théologien d’examiner la valeur apologétique du témoignage rendu par les martyrs dans les différents siècles et les divers pays. Tout le monde connaît la parole célèbre de Pascal « Je Crois volontiers les histoires dont les témoins se font égorger. Mais cet argument n’a de force que s’il est présenté avec certaines conditions qu’il nous faut préciser.

Ainsi G. Boissier, La fin du paganisme, Paris, 1907, t. i, p. 544, comprend mal notre argument lorsqu’il lui refuse toute valeur apologétique : « Nous pouvons conclure avec d’autant plus d’assurance que la question n’est pas, à proprement parler, une question religieuse. Elle le serait si on pouvait affirmer que la vérité d’une doctrine se mesure à la fermeté de ses défenseurs. Il y a des apologistes du christianisme qui l’ont prétendu : ils oui voulu tirer de la mort des martyrs la preuve irrécusable que les opinions pour lesquelles ils se sacrifiaient devaient être vraies, on ne se fait pas tuer, disaient-ils, pour une religion fausse.