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privaient de sépulture les condamnés à mort ; en fait cependant, les cadavres étaient accordés aux proches qui les demandaient. Avec quelle ferveur les chrétiens réclamaient les reste : précieux de ceux qui avaient donné leur vie pour la foi ! Parfois ils les enlevaient en secret et les ensevelissaient avec respect.

Au jour anniversaire de la mort, depositio, on se réunissait auprès du tombeau, cf. Martyrium l’olycarpi, x viii, on célébrait le saint sacrifice et on faisait des distributions aux pauvres. La liste des anniversaires célébrés dans chaque église sera le germe des martyrologes. On ne prie pas pour Ls martyrs, S. Augustin, Serm., cccix, 1. on les invoque. Des lampes brûlaient devant les tombeaux, mais il n’y a aucune confusion avec les rites païens. Cf. Yacandard, Les origines du culte des saints, dans Éludes de critique et d’histoire religieuse, IIP série, Paris, 1912. L’Église procéda à des enquêtes, surtout depuis le m’siècle. Quand les hérésies se développèrent, il fallut séparer les martyrs orthodoxesdes hérétiques. L’Église refusait de reconnaître comme martyrs ceux qui avaient provoqué la colère du persécuteur par quelque acte inconsidéré. S. Augustin, Breviculus coll. eu m donat., III, iii, 25.

On se partageait les reliques : sang recueilli suides linges ou avec des éponges, huile des lampes brûlant près du tombeau. On se recommandait à l’intercession des héros avant et après leur martyre. On désirait être enterré auprès d’eux. La superstition pouvait même se glisser parfois, puisqu’une inscription d’une basilique romaine proteste contre les excès d’une dévotion peu éclairée : « Ce n’est point par le voisinage du corps, c’est par l’âme que nous devons approcher des Saints ». Bull, di arch. crist., 1864, p. 33.

5. Xombrc des martyrs.

Ce nombre est impossible à évaluer, même d’une façon ; pproximatie, mais la tradition et l’histoire attestent qu’il fut très élevé.

H. Dodwell, le premier. Dissert. Cyprian, ix, De paucilale martyrum, Oxford, 1684, tenta une apologie des empereurs romains et relégua les martyrologes au nombre des fables inventées parles moines. Ruinart, Acta primorum martyrum sincera et selecta, Paris, 1689, lui répondit victorieusement. Il n’essaya pas cependant de justifier le chiffre fantaisiste de. Il millions donné par le P. Florès, De inclylo ugone martyrum, t. IV, c. iii, et résultant des calculs d’Arias et de <ieiiébrard, ni surtout de 2 millions st demi pour la seule ville de Rome, Gaume, Les trois Rome, Paris, 1 848, t. iv, p. 591, ni même de revendiquer, pour Rome seule, 700 martyrs à chaque jour du calendrier. Cf. Boldetti, ’Osservazioni sopra cimiteri dei SS. Martin ed antichi cristiani di Roma, Rome, 1720, p. 266. Le nombre des martyrs romains serait de 13825 d’après le.Martyrologe romain, cf. Kraus, Die Blulampullen der rom. Katakomben, Francfort, 1868, p. 35 ; il est réduit par le P. Y. de Buck au nombre, déjà respectable, de quatre mille, De phialis rubricatis, quihus mart. Rom. sepulcra dignosci dicuntur obseruationes, Bruxelles, 1855, p. 31 sq.

Gibbon reprit en 1776 la thèse de Dodwell, Décline and fall of the Roman Empire, c. xvi, suivi par Ernest Havet, Le christianisme et ses origines, Paris, 1884, t. iv. G. 1 oissicr, L(/ fin du paganisme, Paris, 1911, t. i, 1). 457, donne la note juste : » Qu’on songe que la persécution, avec plus ou moins d’atrocité, a duré deux siècles et demi, et qu’elle s’est étendue à l’empire entier, c’est-à-dire à tout le monde connu, que jamais la loi contre les chrétiens n’a été complètement abrogée jusqu’à la victoire de l’Église, et que, même dans les temps de trêve it de répit, lorsque la communauté respirait, lejuge ne pouvait se dispenser de l’appliquer toutes les fois qu’on amenait un coupable à son tri bunal, el l’on sera, je crois, persuadé qu’il ne. faut pas pousser trop loin l’opinion de Dodwell, et qu’en supposant même qu’à chaque fois et en particulier, il périt peu de victimes, réunies, elles doivent former un nombre considérable.

On oppose un texte d’Origène, Contra Cclsum, III, 8 : « Ceux qui furent mis à mort pour la foi chrétienne ont été peu nombreux et sont faciles à compter, car Dieu ne voulait pas que toute la race des chrétiens fût anéantie. « Mais cette expression peu nombreux ne doit être prise que dans un sens relatif, c’est-à-dire par rapport au (otal des chrétiens, et de plus il faut remarquer qu’Origène écrit en 249 avant la persécution de Dèce et ne peut y faire allusion.

Harnack, Die Mission und Ausbreitung des Christenthums, 1 ri’édit., p. 345, ose dire : « Un regard jeté à l’aide des ouvrages de Tertullien sur Carthage et l’Afrique du nord, montre qu’avant l’année 180 il n’y eut dans ces régions aucun martyr, et que depuis lors, jusqu’à la mort de Tertullien, elles n’en comptèrent, même enjoignant laNumidie etles Maurétaniss, guère plus de deux douzaines. » Ces deux douzaines représentent sans doute les chrétiens de Scillium d’une p :  ; rt et de l’autre Perpétue, Félicité et leurs compagnons, tous martyrisés entre l’an 180, date à laquelle Tertullien déclare que « le glaive n’a pas encore été tiré contre les chrétiens », Ad Scapulam, 3, et sa mort, (iependant il y eut d’autres martyrs, car, en 197, Tertullien nous parle de nombreux fidèles attendant en prison l’heure d’être mis à mort. Ad Martyres, l, et d’autres encore qui ont été lapidés ou brûlés par la foule ameutée des païens, Apol., 37, de beaucoup d’autres qui ont péri par le glaive, le feu. les bêtes, les fouets. Apol., 11, 12, 31, 50.

Pour les chrétiens massacrés en 64 par Néron, Tacite, Ami., XV, 44 et saint Clément, / Cor., vi, indiquent « une grande multitude. » En 95, sous Domitien, Dion Cassius, Hist. Romaine, lxvii, 14, en mentionne « beaucoup », de même saint Jean. Apoc, vi, 9-11. SousTrajan, la fureur populaire en fit mourir un « grand nombre », sans compter ceux qui tombaient victimes d’un jugement régulier. Eusèbe, H. E., III, xxxiii, % « D’innombrables martyrs » dans le monde entier subirent la mort sous Marc-Aurèle. Ibid., Y, i. Les proconsuls et les préfets ne pouvaient suffire à toutes ces condamnations. Septime-Sévère fit couler le sang à flots ; on crut à la venue de l’Antéchrist ; Eusèbe, VI, ii, 3. Dèce, que Lactance appelle « un monstre exécrable », n’épargna ni âge, ni sexe, ni condition ; « le sang coulait par torrents », affirme S. Cyprien, Episl., viii,

Sous Gallus « une multitude innombrable » de martyrs reçut la couronne. S. Cyprien, De mortalitate. Pendant son règne si court, Valérien versa beaucoup de sang chrétien, affirme Lactance, De mort, persee., v. La persécution de Dioctétien « dévasta pendant dix ans le peuple de Dieu », aucune guerre n’avait décimé à ce point la population. Sulpice-Sévère, Hist. sacr., II, xxxii ; Orose, Ado. pagan., VII, xxii. Le glaive était émoussé et les bourreaux exténués devaient se relayer. Ln Egypte, il n’était pas rare de voir sur une place « trent e, soixante ou cent » victimes sacrifiées en même temps. Eusèbe, II. / ;.. VIII, IX.

Renan, L’Église chrétienne, p. 316, dil : De Néron a Commode, sauf de rares intervalles, on dirait que le chrétien vit toujours en avant sous les yeux la perspective du supplice. Harnack exprime la même opinion : « Sur chaque chrétien pendait l’épée de Damoclès ; il avait la sensation d’être toujours sous le glaive. même si celui-ci tombait rarement. » /< » ’cit., p. 345.

Le nombre des martyrs fut certainement 1res grand dans la seconde moitié du nr siècle. Il le fut plus encore au début du iv". Eusèbe, VI II, ii, parle de