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MARTYRE, HISTOIRE


sion qui interdit de poursuivie les coupables et néanmoins ordonne de les condamner s’ils sont accusés. Mais l’illogisme n’est —il pas le correctif imposé par le bon sens à tous ceux qui s’engagent dans une fausse voie et qui craignent de s’y aventurer trop loin ? D’ailleurs, comme le lait justement remarquer P. Allanl, cette sentence montre que la profession du christianisme ne supposait l’inculpation ou la présomption d’aucun crime de droit commun, sans quoi le lait de renier la foi chrétienne n’aurait pas suffi à entraîner l’acquittement.

De plus il est permis de voir une volonté providentielle dans cette législation exceptionnelle qui faisait dépendre la condamnation à mort de la seule volonté de ceux qui s’y exposaient par leur fidélité à la foi chrétienne. Le martyre deviendra, de la. sorte, Je plus beau et le plus méritoire triomphe de la liberté morale. Les chrétiens peuvent jusqu’au dernier moment échapper au supplice. Leur couronne n’est pleinement glorieuse que parce que leur mort est acceptée volontairement.

Au m 1’siècle, à partir de Septime-Sévère, cf. Spart ien, Vita Severi, 17, chaque persécution est précédée par un édit qui ordonne de poursuivre les chrétiens et de les mettre en demeure d’abjurer. Le nombre des chrétiens était devenu trop considérable : on interdit seulement les conversions nouvelles et l’on restreignit Jes poursuites aux convertisseurs et aux nouveaux convertis. C’est alors que Clément d’Alexandrie est forcé de s’enfuir et que ses élèves sont mis à mort. Eusëbe, H. E., VI, i, iv. A Carthage a lieu le martyre de sainte Félicité et de ses compagnons. — Maximin, en 235, limite les poursuites aux principaux chefs. H. E., VI, xxvin. Ainsi sont déportés en Sardaigne le pape Pontien et l’antipape Hippolyte qui rachètera son schisme parla gloire dumartyre. — Dèce, en 250, élargit la poursuiteet l’applique à tous sans exception : tous devront, à jour fixé, sacrifier aux dieux. Ceux qui n’auront pas obtenu le libellus, gage de. leur apostasie, subiront soit le bannissement avec confiscation des biens, soit la mort. Les procès pourraient être rapides ; les juges Jes traînent en longueur dans l’espoir d’obtenir le reniement par la persuasion ou par la torture. Saint Cypiien écrit : « Ceux qui veulent mourir ne viennent pas à bout de se faire tuer ». Epist., iau, 2. Dèce veut obtenir l’apostasie plus que la mort, il cherche à « détruire les âmes, non les corps. Saint Jérôme, Vita Pauli eremilæ, m.

Valérien tente une nouvelle lactique et procède, non plus par masse, mais par séries. En 257, il ordonne aux évêques et aux prêtres de sacrifier sous peine d’exil, défend aux chrétiens de participer aux réunions liturgiques sous peine de mort. Saint Cypiien comparaît alors devant le proconsul d’Afrique, saint Denys d’Alexandrie devant le préfet d’Egypte. H. E., VII, xi. En 258, l’exil estremplac ;  : parla peine de mort immédiate contre les membres du clergé ; pour les chrétiens de condition, confiscation, dégradation et mort pour les hommes, exil pour les femmes, poulies Césariens (affranchis de la maison impériale) confiscation et réduction à l’état de serfs de la glèbe. Résul tat : à Rome, martyre du pape Sixte II et de ses diacres ; à Tarragone, de Fructueux et de ses diacres ; à Carthage, de Cypiien. La mort de Valévien amena la fin de la persécution et Gallien rendit à l’Église ses biens. H. E., VII, xiii. Mais Aurélien aurait rendu en 274 un nouvel édit, qui précéda sa mort de quelques mois. Lactance, De mort, persec, vi.

Dioclétien, après s’être montré bienveillant, lance successivement trois édits. En 303, le premier ordonne que les églises soient rasées, les saintes Écritures livrées aux flammes, les chrétiens de condition élevée privés de leurs honneurs, les gens du peuple empri sonnés. II. L’., VIII, ii. Le deuxième ordonne que tous les chefs des Églises soient jetés en prison, VIII, vi, 8. Le troisième prescrit de libérer ceux des ecclésiastiques qui consentent à sacrifier et ordonne coTïïTe les autres les supplices les plus cruels. VIII, vi, HT. En 304, l’édit de Dèce est renouvelé contre tous les chrétiens. C’est une guerre d’extermination. Elitcesse en Occident à la suite du partage de l’Empire qui suit l’abdication de Dioclétien, elle continue en Orient avec Galère et Maximin Daîa. En 306, ceux-ci publient un 5e édit pour prescrire à tous le sacrifice par appel nominal. Eusèbe, De mari. Palestine, iv, 8. Ce fut, dit Eusèbe, un orage inexprimable. En 306, e édit promulgué par Maximin Daîa multipliant les proscriptions, lui 311, Galère malade se croit puni par le Dieu des chrétiens (Lactance, jcxxiv), et publie un édit en leur faveur. sa mort, Maximin recommence la persécution. Mais l’ère des persécutions allait bientôt finir : en 313, l’édit libérateur de Milan, appliqué en Occident au mois de mars, fut affiché en mai à Ni comédie après la défaite de Maximin par Licinius. Le christianisme, par son courage intrépide contre les persécuteurs, avait chèrement conquis sa liberté.

3. Principaux mobiles des persécutions.

a) Préjuges populaires. — A l’origine, confondus avec, les juifs, les chrétiens partagent leur impopularité ; plus tard, c’est encore pire ; ils sont accusés d’athéisme, Justin, Apol., i, 6 ; ii, 3 ; de haine du genre humain, Tacite, Annales, XV, 44 ; d’adorer une^tète d’âne, Tacite, Hist., V, 4 ; de commettre des crimes odieux : incestes, repas de Thyeste, Minucius Félix. Octavius, ix ; Tertullien, Apol., 8 ; Origène, Contra Cels., IV, 27. Cependant aucun chrétien ne fut jamais condamné en jugement régulier pour de tels forfaits. Le peuple Jes rendait responsables des calamités publiques : Si Tiberis ascendit ad meenia, si Silus non ascendit in arua, si cœlum stetil, si terra mouit, si famés, si lues, statim : Christianos ad leonem ! acclamatur. Tertullien, Apol., 4. On les nommait ; Hosles publici cleorum, imperatorum, legum, morum, naturæ tolius inimici.

b) Préjugés d’hommes d’État. — Il faut tenir compte de l’étroit formalisme du droit romain. La loi défencT « la superstition nouvelle >, les chréti ens tombai ent sous la loi de lèse-majestjL(Le.r Julia majestatis) Jioûr, assistance aux assemblées nocturnes, pour participation à des associations interdites (hetœriiv, cceliis illiciti), pour refus d’offrir à l’empereur l’ence ns et les libations en lui donnant le titre de Dieu (împietus in principes), crimes punis de la décapitation pour les gens de condition élevée, du bûcher ou de l’exposition aux bêtes pour les gens moindres. Paulus, Sentent., V, xxxix, 1. Lljne reprochera aux chrétiens de Iiithynie leur désobéissance, leur entêtement, leur inflexible obstination, Epist., x, 97 ; Marc-Aurèle_, leur ôpj « ^ » niàtreté, leur superstition sans mesure, Pensées, xi, 3. Valérien dénonce les chefs d’une coalition dangereuse


c) Certaines raisons personnelles. — Néron fit attribuer aux chrétiens l’incendie de Rome pouïjîêgag|r sa propre responsabilité. Maximin les persécuta en haine de son prédécesseur, Alexandre-Sévère, qui les avait favorisés, Eusèbe, H. E., VI, xxviii : Dèce, par aversion personnelle contre Philippe ; Valérien était occultiste et fut entraîné parles délations intéressées des devins qui avaient sa con fiance. Ibid., VII, x, comme pai sa cupidité. Saint Ambroise, De o/fic, II, xxviii, Dioclétien i fut déterminé par d es rép onses d’haruspices, au dire de Lactance, De. mort, pers., xi ; Galère, par les conseils de sa mère, vieille paysanne fanatique, qui avait été prêtresse. Ibid., xii.

4. Culte des martyrs. En principe, les lois romaines