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    1. MARTYRE##


MARTYRE, NOTION CANONIQUE

22.S

en haine de la foi ? Cette preuve peut s’administrer de différentes manières : a) Par la sentence du persécuteur qui peut le dire explicitement. b) Par la

discussion entre le persécuteur’et le martyr. c) Par les promesses laites au niarlyrpour ramener a changer de résolution. d l’ar l’impunité offerte au martyr s’il consent à renier la loi du Christ. e) Enfin cela peut apparaître concludenler. c’est-à-dire par mode de conclusion, et résulter des circonstances, des actes. des démarches ; par exemple, il était chrétien, il a refusé (h faire quelque chose d’incompatible avec la loi ou avec la morale chrétienne.

I’Conditions requises chez le martyr avant sa mort (c. xv). — 1. Considérons d’abord le cas des enfants. Pour qu’ils soient martyrs, il suffit qu’ils soient morts pour le Christ, et cela même dans le sein maternel. Nous avons le cas célèbre des saints Innocents que l’Église a toujours honorés comme martyrs. Saint Augustin, De libero urbilrio, t. III, c. xxiii : Etiam infantes illos, qui, cum Dominas Jésus Christus necandus queereretur, oceisi sunt, in honorem martyrum reeeplos commendat Ecclesia. P. L., t.xxxii, col. 1304.

Notons toutefois cette différence entre les enfants et les adultes que ces derniers seuls auront l’auréole. Cf. saint Thomas d’Aquin, In /V Hm Sent, dist. XLIX, q. v, a. 3, quæst.2, ad 12° m ; II*-II æ, q. cxxiv, a. 1, ad lum : Innocentes, sicut non pertint/unt ad per/eetam rationem marlyrii (in quantum scilicct marlyrium est actus l’irtulis et fortiludinis), sed aliquid marlyrii habenl ex hoc quod passi sunt pro Christo, ita etiam aureolam, non quidem secundum perfectam rationem, sed secuntlum aliquam purticipationem, in quantum scilicet gaudent, se in obsequium Christi occisos esse, ut dietum est de pueris baptizatis, quod habebunt cdiquod gaudinm de innocencia et carnis integrilate. L’auréole signifie couronne d’or ; elle désigne la joie accidentelle s’ajoutant à la joie essentielle du Ciel et provenant de certaines victoires éminentes. Ces victoires peuvent provenir de la lutte contre la chair, contre le monde mauvais ou contre l’erreur ; l’auréole convient donc aux vierges, aux martyrs et aux docteurs. Or, les enfants n’ont point lutté, ils sont de vrais martyrs, mais ne peuvent avoir l’auréole.

2. Adultes.

Le martyre supplée le baptême d’eau ; il produit les mêmes effets, il efface le péché originel, les péchés actuels quant à la coulpe et à la peine ; voir la préface de saint Cyprien au De exhortatione marlyrii : Doantes, hoc esse baptisma in gratia majus, in potestate sublimius, in honore præstantius ; baptisma, in quo baptizant Angeli, in quo Deus et Christus ejus exultant ; baptisma post quod nemo jam peccat ; baptisma quod fulei nostrse incrementa consummal ; baptisma, quod nos de mundo reredentes statim Deo copulat. In aquiv baptismo accipitur peecatorum remissio, in sanguinis corona virtutum. P. L., t. iv, col. 680. — Ht saint Augustin, De civ. Dei, XIII, vu : Quicumque. etiam, non perceplo regenerationis lauacro, pro Christi confessione moriuntur, tantum eis v<det ad dimiltenda peccata, quantum si abluerentur sacro fonte baptismatis. Oui enim dixil : Si guis non renatus fueril ex aqua et Spiritu sancto non intrabit in regnum cielorum, alia sententia islos fecil exceptas, ubi non minus generaliler dixit : Qui me confessus fueril coram hominibus, confitebor et ego eum coram Pâtre meo, qui in cœlis est ; et alio loco : Qui perdideril animam suam propter me, inveniel eam. P. L., t. xli, col. 381. — Aussi l’Église ne prie pas pour les martyrs, elle les invoque, et le pape Innocent III, citant saint Augustin, In Joannem, tract, lxxxiv, a pu dire : Injuriant facil martyri, qui orat ]>ro martyre. Les théologiens discutent pour savoir si cet effet du martyre est produit ex opère operato, ou s’il est produit ex opère operanlis et provient de l’acte de charité contenu dans l’acceptation du martyre,

selon la doctrine de saint Thomas, III’, q. i.wi. a. 12, ad 2°" 1 : Efjusio sanguinis non habet rationem baplismi, si si ! sine caritale, et fl’-II’, q. CXXIV, a. 2, ad 2°"’ : Marlyrium est curitalis ut imperantis. fortiludinis aulern ut elicienlis. Cajétan. Soto, Hellarmin, Suarez enseignent que le martyre ne justifie pas strictement ex opère operato, comme les sacrements, mais quasi ex opère operato, ’par suite d’un privilège fondé sur l’imitation de la passion du Christ qui a promis le salut éternel à qui donne sa vie par amour pour lui.

Quoiqu’il en soit de cette discussion théorique, il faut certaines conditions pratiques : Si l’adulte est catéchumène, il doit autant que possible recevoir le baptême d’eau avant le martyre. S’il est déjà baptisé, il doit, si possible, confesser ses péchés à un prêtre ou du moins les regretter et recevoir la sainte communion, car ces préceptes obligent de droit divin au moment de la mort, et le martyre ne peut en dispenser. C’est la doctrine de saint Thomas, In I V’um Sent.. dist. IV, q. iii, a. 3, quæsl.3, adlum ; IIKq.Lxvi.a. 11 ; cf. Soto, In lV" m Senl.. dist. XV. q. 1, a. 1, concl. 3 et Estius, In l’lim Sent., dist. IV, n. 21. — Les théologiens se demandent si celui qui se rappelle un péché non confessé est tenu de le détester formaliter et peut être justifié par un acte d’amour de Dieu super omnia, mais si cette discussion théorique s’applique au cas où le précepte de la pénitence n’urge pas, en cas de mort imminente on est tenu de se repentir et de faire un acte formel de détestation de tous les péchés dont on a le souvenir. — Celui qui va mourir pour le Christ et qui n’est pas baptisé ni ne peut l’être, est-il tenu de désirer le baptême ? Estius répond qu’il est seulement tenu de ne pas le mépriser, mais qu’il n’est pas tenu de le désirer puisqu’il a un moyen plus parfait d’obtenir la vie éternelle. — La contrition au sens strict est-elle nécessaire ? Bellarmin assure que l’attrition suffit comme pour le baptême d’eau ; ainsi pensent Bonacina, Anaclet. Le cardinal de Lauria dit que c’est probable, non certain. Suarez, Maurus. Hurtado tiennent qu’en pareil cas il faut s’efforcer de faire un acte de contrition, seul moyen sûr ; Soto et Gotti admettent, comme probable, qu’il suffit de la contrition virtuelle incluse dans la ferveur de l’acte de charité par lequel on choisit Dieu plus que sa propre vie. Ces questions qui regardent le for interne intéressent le théologien plus que le canoniste.

L’histoire nous apprend que les fidèles des premiers siècles avaient l’habitude d’aller visiter les chrétiens dans leurs prisons ; ils leur apportaient charitablement des vivres, du vin mélangé de myrrhe pour les aider à supporter les tourments, il y eut même des abus contre lesquels saint Cyprien proteste dans son Épître v. Tertullien cite même un cas de martyr ivre, incapable de répondre aux interrogations du juge. Les diacres apportaient aux futurs martyrs la sainte eucharistie, les prêtres célébraient la messe dans leurs cachots pour les préparer au sacrifice suprême.

5° Désir du martyre, son acceptation, offre spontanée, fuite (c. xvi). — 1. Est-il permis de désirer le martyre et de le demander à Dieu ? — Oui certes ; aussi saint Grégoire, commentant le mot de saint Paul, I Tim., m. Qui episcopatum desiderat, bonum opus desiderat, ajoute que Paul a prononcé ces paroles à l’époque où celui qui commandait le peuple chrétien était le premier à marcher au martyre. Ainsi pense saint. Thomas d’Aquin, II a -IF, q. clxxxv, a. 1, ad lum.

— D’ailleurs le Christ nous a encouragés au martyre. I Petr., ii, 21. Nous avons de nombreux cas de l’antiquité chrétienne qui nous montrent les aspirations les plus véhémentes vers cette preuve suprême de l’amour de Dieu. Les théologiens n’ont aucune peine à montrer que le désir du martyre ne comprend nulle-