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M A U T Y R E, N T ION C A N N I Q U E

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rép&nd prudemment : Quand une femme perd sa virginité à cause de la fui qu’elle professe, il n’appartient pas aux hommes de déterminer avec certitude si elle subit ce dommage par amour de la foi chrétienne ou par mépris de la chasteté, il n’y a donc pas à leurs yeux de témoignage suffisant pour fonder le martyre proprement dit. Mais aux yeux de Dieu, qui voit le secret des cœurs, cela suffit pour la récompense ; c’est ce qui faisait dire à la généreuse Lucie : « Si vous portez atteinte à mon honneur, ma chasteté n’en sera que plus belle et me méritera une double couronne. » Quand on dit que la mort est essentielle au martyre, cela ne suppose pas que le mérite soit postérieur à la mort ; le mérite consiste à accepter la mort plutôt que de trahir la foi. Il peut arriver que le martyr vive encore quelque temps après avoir reçu les blessures qui entraîneront la mort ; le mérite du martyre commence avec les blessures.

5° Ce n’est pas seulement la foi qui peut être cause du martyre, mais toute vertu, pourvu qu’elle se rapporte à Dieu, a. 5 et Ephes., 3, lect. i : ainsi Jean-Baptiste est honoré comme martyr pour avoir soutenu les droits de la fidélité conjugale. Les œuvres de toutes les vertus, en tant qu’elles se rapportent à Dieu, sont des professions de foi, puisque c’est la foi qui nous fait connaître que Dieu exige de nous et récompense de telles œuvres. In IVum Sent., dist. XLIX, q. v, a. 3, quæst. 2, ad lP’m et 12um. / Le martyre suppose le témoignage rendu à la vérité Cdivine, non à une vérité quelconque, comme un théorème de géométrie. Cependant comme tout mensonge est un péché, refuser de mentir contre une vérité quelconque, en tant qu’on envisage le péché comme opposé à la loi divine, peut être cause du martyre. Ibid., ad 10um.

L’Église ne considèie pas comme martyrs ceux qui meurent dans une guerre juste, quoique, mourant pour leur patrie, ils aient accompli une œuvre d’autant plus méritoire que « Je bien de la nation est supérieur au bien individuel ». Aristole, Éthique, I, c. ii, n. 8. La raison en est que le bien de l’État, le premier des biens humains, passe après le bien divin. Néanmoins le bien humain peut devenir cause du martyre, s’il est rapporté à Dieu, car il devient alors bien divin.

G Effets du martyre : Ils sont mentionnés III a, q. lxviii, a. 2, ad 2um ; la libération de toute coulpe et de toute peine s’obtient par le baptême et le martyre ; voilà pourquoi il est dit que dans le martyre toute la vertu du baptême s’achève (De eccles. dogm., c. 74) ; noter cependant la restriction apportée III a, q. lxxxvii, a. 1, ad 2um : le martyre délivre de toute coulpe, à moins qu’il ne trouve la volonté actuellement attachée au péché. In IV nm Sent., dist. IV, q. iii, a. 3, quæst. 3.

IL Notion canonique d’après Benoit XIV. — Benoît XIV, dans son admirable traité De servorum Dei bealificatione et beatorum canonizatione, Bologne, 1737, t. III, c. xi-xxii, étudie longuement les conditions du martyre, nous allons résumer sa savante analyse :

1° Le Persécuteur (c. xi), doit être un personnage distinct du martyr ; il doit intervenir directement dans la mort. Ainsi, peut-on traiter de martyre la sainte Vierge à qui s’applique la prophétie de Simcon ? Certains l’ont admis, ainsi Ildefonse de Florès, App. ad tract De inchjto agone martyrii et saint Bernard. Sermo de duodecim prserog. B. M. V. ; mais saint Thomas d’Aquin ne lui attribue le martyre que dans un sens impropre et par analogie, cf. In IVum Sent., dist. XLIX, q. v, a. 4, queest. 2, ad 4um ; II^-II*, q. cxxiv, a. 4. U est suivi par Dominique Soto, In 1 V 117 " Sent., dist. XLIX, q. v, a. 2 ; le card. Capisucchi,

Controversia de marlyrio, n. 3 ; Hurtado, Résolut, de vero martijrio, tr. iii, resol. 22, 4 ; le card. Gotti, Theologia, t. xill, q. ii, /Je baplismo, dub. ir, n. 1 ; Théophile Baynaud, Opéra, t. xviii, De marlyrio per pestem, part. II, c. i.

Certains théologiens admettent qu’on peut être martyr par suite du seul désir intense du martyre selon le canon 26 De l’wnitentiu., dist. I. Il y aurait dès lors des martyrs de la patience, de l’observance claustrale, de la virginité, de la charité chez ceux qui se laissent consumer par le zèle de l’amour divin ou chez ceux qui ont supporté avec vaillance une longue maladie ou qui, soignant les pestiférés, sont morts de la contagion.

Dès lors une question se pose : la mort est-elle nécessaire pour constituer le martyre ? Non, répond Martin De Magistris, tract. De martyrio, q. i-iv. Oui, répond saint Thomas d’Aquin, II a —II a ! , q. cxxiv, a. 4, suivi par Cajétan, Capissucchi, Hurtado, Baynaud. Le mérite peut d’ailleurs être le même, puisqu’il dépend des sentiments intérieurs, mais l’auréole manque, ainsi que l’explique saint Thomas, In I V"™ Seul, dist. XLIX, q. v, a. 3, quæst. 2, ad 3um : Actm exterior semper addit ad rationem meriti, vel demeriti, secundum quod in actu oportet voluntatem variari ex vehementia aclus a statu, in quo prius fuerat… Cum actus martyrii maximam difficultaiem habeat, voluntas martyrii non pertingit ad illud merilum, quod aclui marlyrum debetur ratione difficultatis, quamvis etiam possit pervenire ad allerius præmium, considerata radiée merendi, quia aliquis ex majori charitate potest velle sustinere martyrium, quam alius de facto sustineat, unde voluntarie martyr potest mereri sua voluntate prsemium essentiale sequale, vel majus eo, quod martyri debetur, sed auréola, cum debcatur difficultati, quæ est in ipsa pugna martyrii, non debetur, nisi iis, qui aclum externum martyrii sustinent.

Les saints eurent généralement un grand désir du martyre et sont néanmoins honorés comme confesseurs, ainsi saint Dominique, d’après saint Antonin s Sum. theol., part. III, tit. xxxi, c. ix, saint François d’Assise, sainte Thérèse, saint Jean de Câpistran, . saint Bomuald, saint Martin, saint François Xavier et tant d’autres.

Pour ceux qui moururent de la contagion en soignant les pestiférés, Théophile Baynaud, De marlyrio per pestem, prétend que c’est un vrai martyre j il est suivi par le trinitaire Jean d’Andrada, mais son livre fut condamné par l’Index en 1646, et sa doctrine réfutée par Hurtado, le card. de Lauria, Muratork Tract, de peste, t. III, c. vr. Le cardinal Capisucchi » Controversia de martyrio, n. 11, fait une distinction entre celui qui serait placé par le persécuteur au service des pestiférés en haine de la foi et qui serait vraiment martyr, et celui qui s’y mettrait de lui-même. Le martyrologe romain signale au 28 février des martyrs d’Alexandrie morts en soignant des. contagieux, mais il emploie le terme veluti martyres qui indique une analogie avec les martyrs et non une assimilation complète. Le cas de Louis de Gônzague confirme cette doctrine, puisqu’il n’est pas honoré comme martyr quoiqu’il soit mort en soignant des. contagieux, de même pour saint Jérôme. Émilien.

Cas des martyrs qui se sont donné la mort. — Le persécuteur est’alors cause occasionnelle, non cause efficiente. C’est le cas de sainte Apollonie qui sauta dans le feu pour éviter le déshonneur et de sainte Pélagie, , vierge d’Anfioche, qui se précipita dans l’eau avec sa mère et ses sœurs ; de même les trois cents martyrs, honorés le 21 août dans le maityrologe romain et désignés sous le titre de Massa candida. A propos deces cas difficiles, saint Augustin, De civ. Dei, I, xxvi » dit prudemment ; De his nihil temere audeo judicare^