Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 10.1.djvu/110

Cette page n’a pas encore été corrigée

205

MAHTIN DE BRAGA

20C

L’ne courte préface dédiant le recueil à Nitigès, évêque de Lugo, indique clairement le but que s’est proposé l’auteur : rendre accessible aux occidentaux la législation ecclésiastique déjà élaborée par l’Orient. Ces Capitula Martini, d’ailleurs, n’utilisent pas seulement les sources grecques (conciles de Nicée, Ancyre, Néocésarée, Gangres. Antioche, Laodicée), mais aussi des décisions occidentales : I or concile de Tolède, I" concile de Braga. Cf. Fr. Maassen, Geschichte der Quellen und Litteratur des ton. Redits, t. i, ]). 802-806. Certains capitula dont on ne trouve pas les sources pourraient être de Martin lui-même. La collection est divisée en deux parties : devoirs des ecclésiastiques, devoirs des laïques. Le fait qu’elle a été insérée dans la fameuse Hispana en a favorisé la diffusion. Texte dans d’Aguirre, toc. cit., col. 212-219 ; Mansi, Concil.. t. ix, col. 8-15-860. — À ces textes proprement canoniques, on peut joindre la consultation donnée à un évêque nommé Boniface : De trina mersione. publiée d’abord par d’Aguirre, op. cit., col. 402l "3. et reproduite dans Florez, Espana sagrada, t. xv, p. 423-426. Cette lettre, importante pour l’histoire de la forme du baptême, répond aux scrupules d’un évêque, qui demande à Martin si la triple immersion n’est pas d’importation arienne, et si elle ne devrait pas être remplacée par l’immersion unique. À quoi I évêque de Braga répond : Si la triple immersion était pratiquée en invoquant à chaque fois, d’une manière séparée, le nom du Père, puis le nom du Fils, puis le nom du Saint-Esprit, elle aurait incontestablement une signification arienne, car elle semblerait accentuer la division des personnes, au point d’en nier la consubstantialité. Mais l’immersion pratiquée trois fois de suite, en invoquant le nom (au singulier) du Père, du Fils et de l’Esprit, est tout à fait conforme à la tradition catholique. Lui préférer, sous prétexte d’éviter toute contamination arienne, l’immersion unique, ce serait aller vers le sabellianisme ; aussi bien, in uno nomine unilas subslantise, trina vero mersione distinctio trium ostenditur personaram. On sail que le pape saint Grégoire I er se montrera plus libéral que Martin et acceptera que l’Espagne use de l’une et de l’autre coutume, Epist., i, xliii, P. L., t. lxxvii, col. 497. — Enfin on rattachera ici le très court opuscule De Pascha. P. L., t. lxxii, col. 49-52, où, sans établir les règles du comput pascal, Martin cherche à en justifier le principe : Pâques n’est pas une fête fixe, et il n’y a pas lieu de s’arrêter à la pratique de plusieurs évêques gaulois qui, jusqu’à ces derniers temps (usque anle non multum tempus) célébraient toujours la fête à la date du 25 mars (pour s’être montré confiant en de faux actes conciliaires, Martin impute gratuitement cette erreur aux évêques gaulois). La fête doit se régler par la considération tant du cours de la lune que du dimanche. Pâques est la fête du premier mois, et le premier mois ne peut être que celui qui commence le 22 mars (à l’équinoxe) et se termine le 21 avril ; la solennité pascale ne peut dune se célébrer qu’entre ces deux dates. Il est à peine utile de faire remarquer que ce comput pascal était dès lors abandonné en Italie.

Ascétique et morale.

Martin s’est surtout consacré

à la formation religieuse et morale de ceux qui dépendaient de lui. D’une part dans son monastère de Dumio il doit à ses moines un enseignement ascétique. Il y pourvoit en traduisant ou en faisant traduire pour eux ces maximes des anciens Pères du désert, qui depuis deux siècles édifiaient toutes les taures de l’Orient. Il a traduit lui-même les Sententiæ xgyptiorum Patrum, compilées par un auteur anonyme. Texte dans P. L., t. lxxiv, col. 381-394 ; il a fait traduire par son disciple Paschase, que peut-être il avait amené avec lui d’Orient, les « propos des

anciens » , Verba seniorum, P. L., t. lxxiii, col. 10251065. — Les gens du monde eurent aussi part à sa sollicitude ; c’est à leur usage qu’il rédigea quelques petits traités moraux. Il s’y inspirait d’ailleurs très largement de Sénèque, si largement que tout le Moyen Age a porté plusieurs de ces opuscules au compte du philosophe païen. Le plus considérable a pour titre : Formula vitie honestæ, seu de differentia quatuor virtutum ; dédié au jeune roi Miron, il traite brièvement de la prudence, de la magnanimité, de la continence et de la justice. Texte dans P. L., t. lxxii, col. 21-28. Les opuscules suivants ont pour titre : De ira, ibid., col. 41-50, étroitement apparenté à l’ouvrage de Sénèque ; Pro repellenda jactantia, ibid., col. 31-36 ; De superbia, col. 35-38 ; Exhorlatio humilitalis. col. 39-42 ; en ces trois derniers l’inspiration chrétienne se fait davantage sentir. Le Libellus de moribus, col. 29-32, est très douteux et plus encore le De paupertale ; les anciens mss. et les premiers éditeurs les attribuent, faussement d’ailleurs, à Sénèque.

Prédication.

Il y avait beaucoup à faire, dans

le royaume des Suèves pour amener le peuple à une pratique convenable de la religion. Le IIe concile de Braga engageait les évêques à lutter vigoureusement par la parole contre l’idolâtrie sans cesse renaissante, voir can. l. Personnellement, Martin a dû y travailler, et il subsiste un curieux monument de sa prédication. C’est une homélie intitulée De cofrectione rusticorum, rédigée par lui, à la demande de l’un de ses évêques et pour servir de modèle à celui-ci. Texte dans C. P. Caspari. Elle jette un jour très curieux sur la persévérance, au fond des campagnes, des croyances et des pratiques païennes. Et ceci était le fait non seulement des barbares qui semblent d’ailleurs s’être assimilés assez vite à l’ancienne couche de population, mais des hispano-romains eux-mêmes. En bien des endroits on offre de menus sacrifices aux sources, aux fontaines, on allume des cierges à tels ou tels carrefours de la forêt, devant certains arbres ; on se fait scrupule de travailler le jour de Jupiter (jeudi) ; on réserve tout spécialement au vendredi (jour de Vénus) la conclusion des mariages, le 1 er janvier est célébré avec solennité, de même que les fêtes agrestes des paganalia (cf. Ovide, Fastes, i, -669 sq.) ; les femmes, en tissant leur toile invoquent Minerve ; il y a pis, des incantations et des maléfices. Contre cette renaissance du paganisme, Martin ne connaît pas de meilleur remède que de montrer le caractère démoniaque de l’idolâtrie, et c’est ainsi que la première partie de son opuscule retrace, tel qu’il se l’imagine, le développement de l’erreur païenne. — Tombé du ciel, à cause de son orgueil, le diable (ou Satan), entraînant avec lui un très grand nombre d’anges déchus, qui sont devenus les démons, réside avec ceux-ci dans notre atmosphère. Jaloux des hommes qui doivent, s’ils restent bons, occuper leur propre place dans le ciel, les esprits impurs s’efforcent de les entraîner au mal, à leur faire oublier le Créateur. Après leur avoir persuadé d’adorer les forces de la nature, ils commencent à apparaître aux hommes, leur demandent des sanctuaires et des sacrifices en se donnant le nom d’hommes, célèbres déjà par leurs hauts faits mais aussi par leurs vices, imponentes sibi vocabula sceleratorum hominum. On remarquera cette contamination de la théorie démonologique de l’idolâtrie avec l’cvhémérisme. — Aux chrétiens qui se laissent, même après leur baptême, entraîner à ce culte des démons, Martin rappelle les promesses qu’ils ont faites au jour de leur initiation, le renoncement à Satan, à ses œuvres et à ses pompes qu’on a exigé d’eux, le pacte qu’ils ont dès lors conclu avec Dieu. Il engage tous ceux qui ont manqué à ces engagements à faire pénitence et à renouveler les serments jadis