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7 MARONITE (ÉGLISE), LES MARONITES ET LE MUi> ^THELISME 8

à Iléraclius qui ne leur repondit pas. C’est pourquoi, le Dieu des vengeances nous délivra par les Ismaélites (les Arabes) des mains des Romains. Nos églises, il est vrai, ne nous furent point rendues, les Arabes conquérants ayant laissé à chaque confession ce qu’ils avaient trouvé en sa possession. Mais ce ne fut pas un léger avantage pour nous que d’être affranchis de la méchanceté des Romains et de leur haine cruelle envers nous. » Chronicon ecclesiasticum, t. i, col. 269274.

Le récit de Barhebrœus est emprunté aux Annales de Denys de Tell-Mahré, patriarche jacobite d’Antioche (818-845), Annales aujourd’hui perdues, mais conservées en grande partie, dans la chronique de son successeur, Michel le Syrien ou le Grand (1166-1199), t ad. Chabot, Paris, 1899-1910. t. ii, p. 357-529 et t. iii, p. 1-111.

Les jacobites accueillirent avec sympathie les Arabes qui firent la conquête de la Syrie de 634 à 636. Ils les regardaient comme les libérateurs de leur Église. De fait, voyant dans les monophysites les ennemis de la cour byzantine, les nouveaux maîtres les comblèrent de prévenances. Les maronites continuèrent cependant de combattre le monophysisme et de représenter, sans défaillance, le parti orthodoxe. Une chronique maronite de la fin du vu 6 siècle nous retrace, en effet, un de ces combats, qui eut lieu l’an 659.. Il s’agit d’une conférence contradictoire, tenue en présence du calife Moawiah, en 658-659, entre les évêques jacobites Théodore (c’est le patriarche d’Antioche 649-667) et Sabocht (évêque de Kennesrin) d’une part et les maronites de l’autre. F. Nau, Opuscules maronites, I re part., p. 36 du texte syriaque, et IIe part., p. 6 de la traduction. Voir aussi Th. Nôldeke Bruchstiicke einer syrischen Chronik Liber die Zcit des Mo’âwia, dans Zeitsch. der deutsch. morgent . Gesell., 1875, t. xxix, p. 82-98 (Étude avec le texte syriaque et une traduction allemande). Voir encore Rrooks et Chabot (texte et traduction latine), Chronica minora, II" part., dans le Corpus scriplorum christianorum orientalium, scriplores syri, séries tertia, t. iv, Paris, 1903, p. 35-57 (traduction) et p. 43-74 (texte syriaque). Sûr l’auteur de cette chronique, voir dans Al-Machriq (revue arabe publiée à Deyrouth), 1899, t. ii, le P. Lammens, p. 265-268 ; Bechara Chémaly (actuellement archevêque maronite de Damas), p. 356-358 ; le P. S. Ronzevalle, p. 451-460.

Ainsi les maronites ne cessèrent point d’être et de se montrer en toute occasion, après comme avant la domination arabe, les ennemis irréductibles de la doctrine monophysite. Et les jacobites les tenaient toujours pour adversaires implacables de leur Église. A l’appui de cette affirmation, nous nous contenterons de citer deux écrivains jacobites : Habib Abou-Raïta, métropolite de Tagrit (ixe siècle) et le célèbre Barhebrœus. Le métropolite de Tagrit fait une dis tinction nette entre maronites et monophysites ; il appelle les premiers chalcédoniens, attachés à l’impiété du concile de Chalcédoine. (Voir ses opuscules théologiques, parmi les mss. arabes de la Bibliothèque nationale de Paris, ms. 169, fol. 86 v-87 r°.) Quant à Barhebrseus († 1286), il démontre que la différence de confession entre maronites et jacobites existait encore de son temps. À propos de Théophile d’Édesse († 785), il écrit : « En ce temps (sous le calife abbaside Al-Mohdi, 775-785), s’illustra Théophile, fils de Thomas d’Édesse. C’était un astronome consommé ; mais il partagea l’hérésie des maronites. Il écrivit en syriaque une remarquable chronique, bien qu’il y calomnie et invective les orthodoxes (monophysites). » Chronicon syriacum, p. 126-127. Voir aussi son Histoire des Dynasties, édit. Salhani, Beyrouth, 1890, p. 220. Le langage de Barhebrœus montre bien que, pas plus

au xjii » qu’au viiie ou ixe siècles, les maronites n’étaient partisans de la doctrine monophysite de son Église. A ses yeux, ils étaient des hétérodoxes, autrement dit, des dyophysites ou chalcédoniens.

Il y aurait donc grave injustice à vouloir accuser les maronites de monophysisme ou à prétendre que, devant les terribles menaces d’Héraclius, ils n’ont accepté qu’apparemment le concile de Chalcédoine (Cl. J. David, op. cit., p. 94 sq. ; J. B. Chabot, Chronique de Michel Syrien, t. ii, Paris 1901, p. 493, n. 2). Les arguments apportés à l’appui d’un monophysisme maronite sont si opposés aux données certaines de l’histoire que le patriarche syrien d’Antioche, Ignace Éphrem II Rahmani, et le P. S. Vailhé n’en tiennent aucun compte. Or, ces deux savants ne sauraient être suspectés de complaisance pour la cause de la perpétuelle orthodoxie des maronites. « Les Syro-maronites. dit Mgr Rahmani, forment une branche de l’Église syrienne d’Antioche. Ils s’illustrèrent par leur attachement au concile œcuménique de Chalcédoine et à la lettre du pape saint Léon, qui renferme la doctrine orthodoxe concernant les deux natures de Notre -Seigneur dans l’unité d’une seule personne et qui est connue sous le nom de Tomus. » Les liturgies orientales et occidentales (en arabe), Charfet (Liban), 1924, p. 407. — « Jamais on n’a accusé, dit le P Vailhé, ou du moins on n’aurait dû accuser les moines du couvent de Saint-Maron d’avoir attaqué directement la doctrine définie par le concile de Chalcédoine. Je souligne le mot directement, car il est indéniable que, indirectement, le monothélisme sape bien la doctrine des deux natures. Et jamais, non plus, on n’a pu les accuser d’être monothélites au vi° siècle, alors que les premiers germes de cette hérésie — en tant qu’elle se distingue du monophysisme — sont saisis pour la première fois vers l’année 616… Si les maronites acceptaient la doctrine de Chalcédoine et étaient d’accord avec le pouvoir impérial de Constantinople, vers la fin du vie siècle, il en était de même encore trente ou quarante années plus tard, de 629 à 634, pendant lé long séjour que fit Héraclius en Syrie. » Loc. cit., p. 260.

De tout ce qui précède on peut conclure que le monophysisme des maronites est une pure légende ; et que la continuité de leur orthodoxie jusqu au début du viie siècle est reconnue par tous les historiens de notre époque. Mais l’accord de ces derniers cesse avec l’affaire monothélite.

IV. Les maronites et le monothélisme.

Un

certain nombre d’écrivains ont attribué au monothélisme l’érection d’une Église maronite, en face des deux autres Églises de la Syrie, l’Église officielle et l’Église jacobite.

Cette question a soulevé, notamment depuis le xviie siècle, de fréquentes et âpres polémiques.

La plupart des historiens, partisans ou adversaires de la perpétuelle orthodoxie des maronites, se sont simplement appliqués à réunir des textes anciens ou modernes, à en établir la portée ou à l’infirmer, sans toujours bien faire entre eux le triage qui s’imposait. Ils ont ainsi utilisé des documents faux ou interpolés et en ont écarté d’autres dont l’authenticité est incontestable.

Une autre méthode a consisté à tenter une conciliation entre les textes, et à sauvegarder la thèse de l’orthodoxie des maronites en donnant au monothélisme qu’on leur attribue un sens moral, différent de celui qu’a condamné l’Église. Le premier qui, à notre connaissance, ait proposé cette explication est un savant maronite du xviie siècle, Faustus Naironus, Dissertatio de origine, nomine, ac religione maronitarum, Rome, 1679, p. 95-96. Le patriarche Douaïhi († 1704) a adopté cette explication pou nterpréter