Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 10.1.djvu/106

Cette page n’a pas encore été corrigée

L97

MARTIN IV

MARTIN V

198

échec : Charles, après un assez long séjour en France, retourna dans son royaume pour y apprendre la captivité du prince de Salerne, son fils (mai 1284) et mourir (janvier 128Ô)..Martin IV lui survivait à peine trois mois.

On peut juger si, dans une telle complication de la politique occidentale, le pape eut le loisir de préparer ta croisade contre les Sarrasins que le concile de Lyon avait inscrite à l’ordre du jour de la chrétienté. Sans doute, au début de son règne, il avait pressé assez vivement la collecte des décimes qu’avait ordonnée le concile. De nombreuses lettres se rapportent à cet objet ; on signalera au moins celle qui est relative à la perception en Norvège, de la dîme d’Islande, des îles Feroë et du Groenland. Potthast, n. 21 858 (= Reg., n. 119). Mais bien des résistances se faisaient sentir surtout en Allemagne, voir Reg., n. 152-155 ; en plus d’un endroit l’on se demandait si, au lieu de servir à délivrer la Terre sainte, l’argent rassemblé n’irait pas aux caisses toujours vides de Charles d’Anjou. — En une circonstance tout au moins la politique de.Martin IV remporta un vrai succès. Il parvint à faire triompher, contre ses fils qui s'étaient révoltés, le roi de Castille, Alphonse X. Voir Potthast, n. 21 975 (Reg., n. 300), 22 055, 22 056. Avec les autres souverains de l’Europe les relations de.Martin IV furent pacifiques ; le roi Ladislas de Hongrie avait fait la paix avec le Saint-Siège ; Rodolphe de Habsbourg, élu roi des Romains depuis 1273 et reconnu au Concile de Lyon, ne vit pas s’avancer beaucoup, sous le pontificat de Martin, l’affaire de son couronnement. Les rapports avec la France furent excellents et le meilleur gage que le pape lui donna de sa bonne volonté fut de commencer le procès de canonisation de saint Louis. Voir Potthast, n. 21 823 (Reg., n. 84) et 21 822 (Reg., n. 85). — Très porté vers les ordres mendiants, Martin IV les favorisa de toutes manières et les employa souvent. Il mourut à Pérouse le mercredi de la semaine de Pâques, 28 mars 1285, et fut enterré dans la cathédrale de cette ville.

Si les historiens sont généralement sévères à l’endroit d’un pontife trop dominé par les préoccupations politiques, le peuple chrétien ne laissa pas d’admirer la dignité, on pourrait dire, la sainteté de sa vie : divers miracles, prétendent des contemporains, auraient eu lieu sur son tombeau.

Sources. — Potthast, Regesta pond'/, roman., t. ii, p. 175617 ! 15 ; Les Registres de Martin IV, publiés par les membres de l'École française de Rome (pas complets). — Il y a deux biographies de Martin IV, contemporaines des événements : l’une du continuateur de. Martinus Polonus, dans Montait. Gtrm. hist., Strip !., t. xxii, p. 477-482, l’autre par Bernard <iuy, dans Muratori, Rer. ital. script., t. m a, col. 603-610 îles deux textes reproduits dans L. Duchesne, Le Liber pontificalis, t. ii, p. 459-465) ; il y a aussi une notice dans Tolomée de Lucques, Ilistor. eccles., t. XXIV, c. i-xii, dans Muratori, ibid., t. vi, col. 1185-1190 ; Raynaldi, Annales eccles., an. 1281-1285.

twaux. — - Aucune monographie d’ensemble ; notices littéraires, toutes insuffisantes, dans Du Boulay, Hisior. l 'niuers. Paris, t. iii, p. 693 ; E. du Pin, Biblioth. des auteurs eccles., t. v, p. 56 ; Fabricius, Historia médise et infunse latinilatis, t. v, p. 107-103 ; Histoire littéraire de la France, l « X, p. 388-391. — Sur les origines de Martin IV, voir lui. Choulller, Recherches sur la vie…, dans Revue de Champagne, 1878, t. iv, p. 15-30.

É. Amans.

3. MARTIN V, pape du. Il novembre 1417 au 21 février 1431. — On a déjà exposé longuement les circonstances dans lesquelles se produisit l'élection de Martin V, voir l’article Constance (Concile de), l iii, col. 1211-1213 ; il suffira dans le présent article d'étudier certaines particularités de son pontificat.

1° La question conciliaire. Il s’en fallait de beaucoup que les germes de discorde introduits dans la

chrétienté à l'époque.du Grand Schisme d’Occident eussent clé étouffés par le concile de Constance qui, pourtant, avait rétabli la paix et l’union dans l'Église romaine. Au cours des divers synodes tenus à Paris sous Clément VII et Benoît XIII, lors des conciles de Pise et à Constance môme, les passions avaient été trop violemment excitées contre la papauté pour que celle-ci n’en ressentît un contrecoup quelconque ; les esprits s'étaient trop fortement convaincus de la nécessité de la réforme de l'Église « dans sa tête et dans ses membres » pour que les papes, si habiles fussent-ils, pussent se dérober à l’accomplissement de cette lourde tâche. Enfin, se posait le plus dangereux problème dogmatique, de la solution duquel dépendait l’avenir du Saint-Siège. Dans l'état d’anarchie où le Grand Schisme avait jeté le monde chrétien, le salut était venu de la réunion d’une assemblée conciliaire qui avait enregistré l’abdication de Jean XXIII et celle de Grégoire XII, prononcé la déchéance de Benoît XIII, réglé la tenue du futur concile dans des conditions anormales et inconnues du passé, élu finalement un pape incontesté. Deux décrets rendus dans les ive et v° sessions du concile de Constance (30 mars et 6 avril 1415) ainsi que dans la xxxix (9 octobre 1417) laissaient percevoir les intentions des Pères. Il y est dit : « Toute personne, même un pape, est tenue, peut être contrainte d’obéir aux décrets d’un concile général légitimement as emblé, en ce qui touche la foi, l’union et la réfo me… Moins de cinq ans après la clôture du présent s ; node, un nouveau concile général sera célébré ; p : is un troisième dans les sept ans qui suivront la clôture du deuxième ; après quoi les conciles généiaux se succéderont régulièrement de dix en dix ans. » Mansi, t. xxvii, col. 585, 590 et 1159.

Les théologiens qui avaient présidé à la rédaction de ces décrets, réclamaient implicitement que l'Église romaine fût désormais administrée par le pape sous le contrôle des conciles et que, cessant d'être une monarchie absolue, elle devînt une sorte de république ou de monarchie constitutionnelle. Ces théories qu’au xve siècle il était loisible de soutenir sans courir le risque d'être accusé d’hérésie, étaient professées ou partagées par les meilleurs esprits du temps, par un -Eneas Sylvius Piccolomini qui sera pape sous le nom de Pie II, par le cardinal Louis Aleman qui méritera les honneurs de la béatification et aussi, détail plus piquant, pratiquement par l'élu lui-même ; le cardinal Othon Colonna, après avoir reçu la pourpre d’Innocent VII, n’avait-il pas participé au concile de Pise, travaillé au procès canonique de Grégoire XII, donné sa voix à Alexandre V, concouru à la ruine de la fortune de Jean XXIII'?

Qu’adviendrait-il de l’autorité pontificale, si triomphaient les idées émises plus ou moins nettement à Constance et que les faits semblaient avoir consacrées ? Dépositaires d’un pouvoir restreint, les papes seraient tenus de rendre compte de leurs actes à une autorité « intermittente, mais supérieure » , et cela à certaines époques déterminées. C'était la perte de toute liberté d’action ; c'était la mise en pratique de la dangereuse théorie de la suprématie du concile sur le pontife romain. V eut-il jamais pape à se trouver dans une situation plus embarrassée et plus grosse de périls ? Heureusement Martin V ne se montra pas inférieur à la tâche, 'fout d’abord la profession de foi qu’il souscrivit ne contint aucune allusion à la doctrine conciliaire ni non plus à l’assemblée de Constance. Le 10 mai 1418, une constitution non publiée, et qui embarrassera fort Bossuct et les gallicans, proclama les vrais sentiments du pontife. Mécontents de la décision prise au sujet du libelle de Falkenberg, les ambassadeurs de Pologne avaient osé en appeler au concile