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MARTIN I er. LE CONCILE DE 649


si le pape Martin entendait laisser prescrire les droits traditionnels du Siège apostolique.

Cette rigoureuse contre-offensive de l’Église romaine ne laissait pas d’inquiéter Byzance, où l’on se cramponnait à la politique de l’JSethèse et du Type. La manière forte avait échoué en 649 lors de l’arrivée à Rome de l’exarque Olympius ; on y recourut de nouveau en 653. Le 15 juin arrivait de Ravenne à Home l’exarque Calliopas. Afin d’éviter une émeute de la population, il évita de soulever aucune question doctrinale, mais sous prétexte que Martin s’était mêlé à des intrigues politiques soit avec Olympius, en révolte contre le basileus, soit avec tes Arabes qui commençaient à envahir la Sicile, il se saisit de la personne du pape et prononça contre lui une sentence de déposition. Pour empêcher d’inutiles brutalités, Martin se livra sans résistance ; il espérait du moins que le clergé et le peuple romains lui demeureraient fidèles. Sur le moment, il est vraC on lui prodigua les plus grandes marques d’attachement et nombre de clercs s’offrirent à l’accompagner à Constantinople où l’exarque avait ordre de l’emmener. Pendant plus d’un an l’Église de Rome demeura sans évêque ; et puis on s’y résigna à l’inévitable, et en août 654, Eugène était nommé au trône pontifical laissé vide par l’enlèvement de saint Martin.

Celui-ci, pendant ce temps, montait les pentes d’un douloureux calvaire. Emmené de Rome le 19 juin 653, il avait été embarqué à destination de la capitale. Le voyage se fit très lentement, d’île en île, sans doute a cause des croisières sarrasines qui déjà infestaient la Méditerranée ; nulle part cependant le prisonnier n’eut la satisfaction de pouvoir prendre à terre quelque repos, sauf à Xaxos où on le laissa près d’un an. A l’annonce de son arrivée aux diverses escales, prêtres et lidèles s’empressaient de vernr lui apporter quelque soulagement, mais ils étaient brutalement écartés par la garde. Le 17 septembre 654, enfin, on atteignait Constantinople ; montée contre le pontife la populace l’injuria ; il fut conduit en prison où on le laissa jusqu’au 20 décembre. Ce jour-là il fut amené devant un tribunal exclusivement composé de fonctionnaires impériaux. Comme il entreprenait de se défendre en mettant en avant ses devoirs de pape, chargé de protéger la foi, on lui coupa brutalement la parole :

Il ne s’agit point ici, lui dit le président, de questions relatives à la foi ; c’est sur la guerre (que vous avez faite à l’empereur) que l’on vous interroge, de duello nunc scrutaris. » Même sur cette accusation de haute trahison, Martin répondit avec précision et de manière à convaincre des juges moins prévenus. Mais la sentence était dictée d’avance. Publiquement il fut dégradé ; on lui enleva ses ornements sacerdotaux, on lui fendit sa tunique du haut en bas et, l’ayant chargé de chaînes, on le conduisit au cachot des condamnés à mort, en lui laissant entendre qu’il allait être exécuté. Le basileus toutefois n’osa pas aller jusqu’à ce dernier excès ; on fit donc savoir au prisonnier qu’il lui était fait grâce de la vie. On espérait sans doute que, maté par le cachot, par les douloureuses in finnités qu’il endurait depuis longtemps, il consentirait à entrer en rapports ecclésiastiques avec les autorités religieuses de Constantinople. Sur ces entrefaites le patriarche Paul était mort ; Pyrrhus, évincé en 641, était remonté sur le trône patriarcal ; des tentatives furent faites pour amener Martin à se ranger à sa communion. 11 demeura inflexible : < Quand on me couperait en morceaux, répondit-il, je ne communiquerais pas avec l’Église de Constantinople : Clique si membralim inciditis carnes meas non communico Eeclesix Constant inopolitanae. De guerre lasse, on se décida à l’expédier en exil. Le 26 mars 655, jour du jeudi saint, il était embarqué à destination de la

Crimée. C’est de Cherson (Sébastopol) qu’il écrivit ses deux dernières lettres à un ami de Constantinople, à la mi-juin et au début de septembre. Doucement il se plaignait de manquer de tout, il souffrait de l’abandon où le laissaient et ses amis, et l’Église de Rome ; pour cette dernière il priait Dieu, malgré tout, de la conserver dans la foi orthodoxe, avec le nouveau pape qui maintenant la gouvernait. Deus eos immobiles custodiat ; præcipue paslorem qui eis nunc. præesse monslratur ; il ne lui restait plus à lui-même qu’à attendre de la main du Sauveur la couronne de la foi orthodoxe. C’est, en effet, une quinzaine de jours plus tard que le Sauveur vint couronner son martyr, le 16 septembre 655. Le corps de saint Martin fut enterré dans une église dédiée à la sainte Vierge, aux portes de la ville de Cherson ; il y fut longtemps vénéré. L’Église romaine honore aujourd’hui Martin I er comme martyr à la date du 12 novembre.

IL Le concile du Latran de 649. — Pour le théologien, le nom du pape Martin I er reste surtout lié aux décisions promulguées par lui dans le concile réuni au Latran en octobre 649. Ces décisions en effet établissent la doctrine de l’Église romaine dans la question monothélite.

Occasion du concile.

On sait, en bref, comment

VEcthèse d’Héraclius (638) avait prescrit le silence sur les expressions d’une ou de plusieurs opérations (èvepyeia !.) dans le Christ, mais avait imposé l’expression : une seule volonté. Le Type de Constant (648) marquait un recul par rapport à VEcthèse, puisqu’il défendait, en vue de ramener la paix, de parler ni d’une ni de deux volontés dans le Christ. L’Église romaine avait déjà pris position : en 640, le pape Sévérin, sans faire mention de VEcthèse, avait affirmé la doctrine dyothélite. Jaffé, n. 2039. Jean IV, en 641, avait tenté de retirer au monothélisme affirmé par VEcthèse l’appui que semblaient lui donner les lettres du pape Honorius. Jaffé, n. 2042 ; voir art. Jean IV, t. viii, col. 598. Le pape Théodore avait manifesté sa réprobation en condamnant le patriarche Pyrrhus, puis en sommant, sans résultat d’ailleurs, le patriarche Paul de revenir à l’orthodoxie. Jaffé, n. 2054 —2055. Mais, on le voit, nulle décision publique n’avait encore été prise relativement aux deux actes impériaux ; ni Sévérin, ni Jean IV n’avaient explicitement condamné VEcthèse ; Théodore n’avait point réprouvé le Type, que pourtant il avait encore dû connaître. L’Orient était de plus en plus troublé par les discussions sur l’unique volonté du Christ ; si dans les limites du patriarcat de Constantinople, à peine entamé par la conquête arabe, la poigne du basileus imposait partout l’adhésion au Type, dans les autres régions où l’Islam venait de détruire l’autorité impériale les discussions continuaient, et l’on avait vu récemment arriver à Rome, avec Etienne de Dora, un certain nombre d’archimandrites et de moines palestiniens demandant au Saint-Siège de terminer la controverse. L’Afrique byzantine était travaillée par les émissaires de Constantinople, mais sa foi chalcédonienne ne se laissait pas ébranler ; en Italie, de même, où l’on se remettait à peine des ébranlements causés par l’affaire des Trois chapitres. De toutes manières il était indispensable que l’Eglise romaine affirmât, et son droit de définir la doctrine, et sa doctrine elle même. Le pape Mutin, dès le lendemain de sou élection, a dû y songer, car les Actes du concile tenu trois mois plus tard laissent l’impression que toute la procédure a été préparée de très près et que rien n’a été laissé à l’improvisation.

2° Les tales c meilleures. Par uneh eureuse fort une. les Actes de ce concile nous ont été entièrement con serves et dans une double rédaction, latine et grecque. Texte dais Mansi, Concil., t. x, col. 863-1170..Vous