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461 ABSOLUT. AU TEMPS DES PÈRES — ABSOLUT. DANS L’ÉGL. LAT. 162

envisageaient surtout dans la pénitence le moyen offert aux pécheurs de rentrer dans la paix de l’Église en même temps que dans la paix de Dieu. Ils ont laissé aux théoriciens de l’avenir le soin d’attribuer à chacun des éléments qui entrent dans la constitution du sacrement sa vertu particulière.

Il n’est pas invraisemblable qu’à Constantinople le prêtre pénitencier ait « absous » les pécheurs aussitôt après avoir entendu leur confession : àniXvt, dit Sozomène. En ce cas, la réconciliation qui suivait la pénitence, ou l’admission à la communion n’eût été qu’une réconciliation au for extérieur, comme cela eut lieu plus tard dans l’Église latine pour la pénitence publique. Mais, en général, dans les premiers siècles, l’absolution proprement dite était celle que donnait l’évêque au pécheur qui avait accompli ses exercices pénitenciels. Le régime de Constantinople aurait été exceptionnel. Il faut donc écarter ; semble-t-il, la théorie d’une double absolution proprement dite, qui est exposée plus haut. La réconciliation finale, faite par l’évêque au jeudi saint, nonobstant les textes de quelques Pères qui lui attribuent une efficacité égale à celle de l’absolution du prêtre pénitencier, n’avait pas cette efficacité. C’est pourquoi elle pouvait être accomplie par un simple diacre.

Morin, Commentarius historicus de disciplina in administration sacramenti pxiiitentise, Anvers, 1682 ; Juenin, De sacramentis in génère et in specie, notamment De confessione, q. v, et De absolutione, q. VII, 3’édit., Lyon, 1711 ; Frank, Die Bussdisciplin von den Apostelzeiten bis zum siebenten Jahrhundert, Mayence, 1867 ; Funk. Bussdisciplin, dans Kirchenlexikon de Wetzer et Welle, Fribourg-en-Brisgau, 1883, t. il, col. 1561 sq. ; Wildt, Busse heisst das Sacrament, ibid., col. 1598 sq. ; Palmieri, Tractatus de pœnitentia, 2\{\{e\}\} édit., Prato, 1896 ; P. Batiitol, Les prêtres pénitenciers romains au vsiècle, àans Compte rendu du troisième Congrès scientifique international des catholiques, Bruxelles, 1895 ; Boudinhon, Sur l’histoire de la pénitence, à propos d’un ouv rage récent, dans Revue d’histoire et de littérature religieuses, - 1. II, p. 306 sq., 496 sq. ; Vacandard, Le pouvoir des clefs et la confession sacramentelle, dans la Revue du clergé français, 1898 et 1899.

E. Vacandard.

III. ABSOLUTION dans l’Église latine, du {{rom-maj|VII)e au {{rom-maj|XII)e siècle.
I. Affirmation du pouvoir des clefs durant cette période.
II. La discipline pénitentielle.
III. Réconciliation ou absolution des pénitents publics.
IV. Absolution privée.
V. Forme ou formule de l’absolution.

I. Affirmation du pouvoir des clefs durant cette période.

Les Sacramentaires sont de précieux témoins de la doctrine. Le Sacramentaire grégorien contient cette formule de prière pour l’ordination épiscopale : « Donnelui, Seigneur, les clefs du royaume des cieux, afin qu’il use, sans en tirer vanité, du pouvoir que tu lui accordes pour édifier et non pour détruire. Que tout ce qu’il liera sur la terre soit lié dans les cieux, et ce qu’il déliera sur la terre soit aussi délié dans le ciel. Que les péchés qu’il retiendra soient retenus, et ce qu’il remettra, remets-le ; » quorum detinuerit peccata detenta sint, et quod dimiserit, tu dimittas, lluratori, t. xiii, part. III, p. 84. Le Sacramentaire grégorien fut mis en vigueur en Gaule sous les Carolingiens. Mais le Sacramentaire gélasien et le Missate Francorum, qu’il était destiné à remplacer, contenaient déjà une formule semblable. Cf. Muratori, t. xiii, part. II, p. 218, 458. Telle était la doctrine régnante, quand Benoît le Lévite commente ainsi le texte de saint Jean, xx, 23 : « C’est pourquoi le Seigneur, notre Maître, a donné à ses disciples et à leurs successeurs le pouvoir de lier et de délier, afin qu’ils aient le pouvoir de lier les pécheurs, et que ceuxci, faisant une pénitence condigne, puissent être absous et recevoir, au moyen de l’invocation divine, la rémission de leurs péchés. » El ideo Dominus et magïster noster discipulis suis ac successoribus eorum ligandi ac solvendi dédit potestatem ut peccalores ligandi habeanl potestatem, et psenitentiam condigne agentes absolvi clique peccata cum divina invocatione dimitti queant. Nec mirum hoc, etc. Capitulai-., 1. I, c. cxvi, P. L., t. xcvii, col. 715. Ce texte provient de Mayence. Vers la fin du {{rom-maj|IX)e siècle, ou plus tard peut-être, l’auteur des homélies attribuées à saint Éloi s’exprimait à peu près dans les mêmes termes. Le pontife s’adresse aux pénitents « que notre sainte mère l’Église réconcilie aujourd’hui (jeudi saint) à Dieu, dit-il, par notre ministère ». Cette réconciliation ne va pas sans le concours actif du pécheur ; c’est à lui de s’y disposer « par une confession et une pénitence condigne ». Mais s’il est vraiment contrit et pénitent, « il sera vraiment réconcilié à Dieu, par le Christ et par nous, ajoute l’évêque, à qui le Christ a confié le ministère de la réconciliation. » A vrai dire, les évêques ne sont que les « ministres » de cette faveur ; c’est Dieu lui-même qui « se réconcilie les pécheurs par le Christ ». Cependant, « le Sauveur a donné à ses apôtres et à nous leurs successeurs le pouvoir de lier et de délier dans le ciel et sur la terre, pouvoir de délier que l’apôtre appelle le ministère de la réconciliation. C’est pourquoi, comme nous tenons la place du Christ, ceux qu’il juge clignes de sa réconciliation et qu’il absout invisiblement, nous les absolvons en les réconciliant visiblement par l’exercice de notre ministère ; quant à ceux qui sont encore retenus par la chaîne de leurs iniquités, comment pourrions-nous les absoudre ? » Homil., iv, P. L., t. lxxxvii, col. 609-610. Ces quelques phrases contiennent en abrégé un véritable traité du pouvoir des clefs et des conditions requises pour que ce pouvoir soit exercé utilement. — Les Fausses Décrétâtes qui firent leur apparition en Gaule vers 850, provenant de Reims ou du Mans, ont aussi préconisé hautement le pouvoir des clefs. Elles invoquent notamment l’autorité de la fausse épître de Clément Romain à Jacques, que nous avons citée dans le précédent article. Benoît le Lévite interpole un texte de saint Léon et y insère les mots : id est per manus impositionem, absolutione precum sacerdolalium. Il est vrai de dire que ce n’est là qu’une simple explication des mots qui précèdent : per sacerdolalem sollicitudinem, et que cette explication est pleinement conforme à l’usage du temps. Il serait donc exagéré de prétendre que les Fausses Décrétâtes ont proprement innové en matière pénitentielle. Du reste, Alcuin († 804) qui ne relève nullement du faux Isidore, ni de Benoît le Lévite, avait écrit que la doctrine du pouvoir des clefs était un article « de foi », eredimus. Episl., cxii, P. L., t. c, col. 357. Jonas d’Orléans enseigne pareillement « qu’il est d’usage dans l’Eglise de confesser les péchés graves aux prêtres, qui réconcilient les hommes avec Dieu ». De institutions laicali, 1. I, c. xvi, P. L., t., evi, col. 152. Cette doctrine est si répandue que le pseudo-Egbert la mentionne en faisant allusion à l’usage gallican et romain. « Le jeudi saint, dit-il, l’évêque chante [des prières] sur les pénitents et leur donne la rémission » de leurs fautes. Pœnilentiale, 1. I, 1, c. xii, P. L., t. lxxxix, col. 415. Ailleurs, nous voyons Haymon d’Halberstadt (f853) commenter ainsi les textes de saint Matthieu, xvi, 19, et xviii, 18 : a Le Christ a donné le même pouvoir aux évêques et aux prêtres, qui remplissent l’office des apôtres. » P. L., t. cxviii, col. 762-763. Bref, c’est la doctrine courante au {{rom|ix)e siècle. Cela nous dispense d’examiner en détail les textes des siècles suivants. Aussi bien les canonistes, Réginon de Prùm (f915), Isaac de Langres (f880), Burchard de Worms (fl025), Yves de Chartres (flll7), dans leurs savantes collections, nous fournissent des documents qu’on peut aisément consulter. Citons seulement le concile de Trosley de 909 (can. 15, Hardouin, t. via, col.544) qui définit comme article de foi que « la pénitence, gràceau ministère sacerdotal, per su vert lut aie ministerium, obtient le pardon des péchés ». Citons Rathier, évéque