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ABSOLUTION DES PÉCHÉS AU TEMPS DES PÈRES

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n’appartient qu’à Dieu ! » Parleraient-ils de la sorte si l’absolution n’était qu’un simple ministère extérieur sans efficacité réelle aux yeux des catholiques ? « Vous nous objectez, écrit Pacien, que Dieu seul peut remettre les péchés. Mais ce que Dieu fait par ses prêtres, c’est encore lui qui le fait. » Les hérétiques des premiers siècles sont ainsi de précieux témoins de la doctrine de l’Église. — La comparaison que les Pères établissent habituellement entre le baptême et la pénitence montre bien qu’ils attachaient, à l’une comme à l’autre, l’idée d’une véritable rémission des péchés. Voir plus haut les textes d’Hermas, de saint Éphrem, de saint Athanase, de saint Léon, de saint Cyrille d’Alexandrie. Rappelons que Tertullien appelait la pénitence secundo, spes, par opposition au baptême qui était prima spes des hommes pécheurs. De psenitentia, c. vil, loc. cit. Saint Jérôme écrit que les coupables « sont rachetés par le sang du Sauveur ou dans le baptême ou dans la pénitence qui produit la grâce comme le baptême », aut in psenitentia quæ imitatur baptismatis gratiam per ineffabilem clementiam Salvatoris qui non vult perire quemquam. Dialog. contra Pelag., l. I, n. 83, P. L., t. xxiii, col. 527. Il faut rapprocher ce texte de la lettre à Iléliodore que nous avons citée plus haut et qui marque quel est le ministre de la pénitence. « Si l’homicide, dit pareillement saint Augustin, est commis par un catéchumène, il est effacé par le baptême ; s’il est commis par un baptisé, il est remis par la pénitence et la réconciliation. » De adulter. conjugiis, l. II, c. xvi, P. L., t. xl, col. 482. Terminons par une citation de saint Ambroise : « Dans le baptême, il y a rémission de tous les péchés ; que les prêtres revendiquent le droit qui leur a été accordé de remettre les péchés soit par la pénitence, soit par le baptême, quelle différence y faites-vous ? C’est dans les deux cas un seul mystère. » In baptismo utique remissio peccatorum omnium est ; quid interest, utrum per psenitentiam, an per lavacrum, hoc jus sibi daluni sacerdotes vindicent ? De peenitent., l. I, c. viii, n. 36, P. L., t. xvi, col. 476. Ou il faut nier que le baptême ait eu la vertu d’effacer les péchés, ou il faut admettre que la pénitence, ou pour mieux dire l’absolution sacerdotale, possédait la même vertu. C’était du moins le sentiment des Pères. Et je l’ajoute par manière de conclusion, si le baptême était un sacrement, la pénitence l’était pareillement. — Mais on peut se demander (et c’est là une question, d’ailleurs purement spéculative, d’une extrême gravité) à quelle absolution était attachée l’efficacité que nous pouvons appeler sacramentelle, c’est-à-dire la rémission réelle du péché, du reatus culpse. Si l’on presse le langage de certains Pères, il semble que la rémission du péché était subordonnée à la réconciliation qui marquait le terme de la pénitence, et dépendait par conséquent de l’absolution finale. D’autre part, on voit que la réconciliation pouvait être opérée, à Carthage, par un simple diacre, même avec le rite de l’imposition des mains. Nous apprenons, en outre, par Denys d’Alexandrie qu’un pénitent (exemple Sérapion), en cas d’extrême nécessité, pouvait recevoir l’eucharistie sans réconciliation aucune. De ces deux faits ne pourrait-on pas conclure que l’absoltition finale n’avait pas pour effet direct et principal d’effacer le reatus culpse ? En ce cas, il faudrait reporter à la première absolution, à celle que donnait le prêtre pénitencier, en tout cas à celle qui précédait l’admission à la pénitence, l’efficacité sacramentelle. Nous nous trouvons ainsi en présence de deux hypothèses que Sozomône nous suggère dans un même chapitre, loc. cit., quand il dit que le prêtre pénitencier « absolvait ceux qui se confessaient », avant de les admettre au rang des pénitents, et qu’il ajoute qu’à Rome le pénitent « était absous de scs péchés » par la réconciliation épiscopalc du jeudi saint. Laquelle de ces deux absolutions remettait réellement les péchés ? Et si c’était la première, quelle était l’efficacité de la seconde ? A ces questions le P. Palmieri, le savant professeur du Collège Romain, répond de la manière suivante : La véritable absolution, rémissive des péchés, était celle qui suivait immédiatement l’aveu du coupable et accompagnait l’imposition de la pénitence ; la sentence de réconciliation qui marquait le terme de la pénitence publique était, en même temps que la réadmission du pénitent à la communion de l’Eglise au for extérieur, une absolution a reatu pointe, en d’autres termes, l’octroi d’une véritable indulgence. Sans doute l’une et l’autre absolution peut être dite absolutio a peccatis, mais la première seule était proprement une absolution a reatu culpse. On verra ailleurs ce que les théologiens entendent par la coulpe et la peine du péché. Inutile d’entrer ici en plus ample explication. Suivons seulement le raisonnement de Palmieri, l’absolution que l’évêque administrait au terme de la pénitence était une absolution ab aliquo vinculo coram Deo, puisque la formule dont il se servait était semblable à celle qu’employait le confesseur en absolvant le pécheur après avoir entendu sa confession. (Palmieri invoque ici les formulaires connus par le Pénitentiel de Jean le Jeûneur et les Pénitentiels latins les plus anciens.) Or on ne peut y voir une absolution a debito peragendse pmnitentim, une dispense des exercices pénitentiels, puisque, en général sinon dans tous les cas, la pénitence était pleinement accomplie. Ce n’était pas davantage une absolution a reatu cidpæ, car l’évêque qui l’administrait le jeudi saint n’avait pas reçu précédemment l’aveu des pénitents. A moins d’admettre que dans l’administration du sacrement de pénitence, un ministre recevait l’aveu des fautes, tandis qu’un autre en octroyait le pardon, on ne peut dire que cette absolution finale fût l’absolution rémissive de la coulpe. Qu’était-elle donc ? Simplement une absolution a pœna, communément appelée absolution des péchés, absolutio a peccatis, écrit Palmieri, De psenitentia, loc. cit., p. 509. Cette théorie explique, à coup sûr, la plupart des textes patristiques. Il reste à examiner pourquoi les Pères n’ont pas fait cette distinction entre l’absolution qui suivait la confession, et la réconciliation finale qui marquait le terme de la pénitence. Faut-il croire qu’il y avait à cet égard confusion dans leur esprit ? Reconnaissons que la théorie sacramentelle de la pénitence, telle que l’ont établie les scolastiques, ne fut pas familière aux docteurs de la primitive Église. Jamais il ne leur vint à l’esprit de décomposer ce sacrement en tous ses éléments. Voici, à mon sens, comment ils concevaient la pénitence : Pour qu’il y eût rémission totale des péchés commis après le baptême (j’entends par là la rémission de la peine, aussi bien que celle de la coulpe), il fallait que tous les exercices de la discipline pénitentielle, à savoir l’aveu de la faute, l’absolution du prêtre pénitencier, ou de l’évêque, l’admission à la pénitence, les œuvres satisfactoires, enfin la réconciliation fussent accomplis. A défaut de la réconciliation, la vertu rémissive de la pénitence n’était pas complète. Mais quelle était cette vertu ? Dans la pensée des premiers Pères, la pénitence n’est-elle pas considérée comme un second baptême, aussi efficace que le premier ? A ce compte, elle aurait remis non seulement la coulpe, mais encore la peine. Cette efficacité’doit être attribuée à tout l’ensemble des exercices pénitentiels que nous avons énumérés. Réunis, ils produisent l’effet total ; disjoints, ou seulement séparés de la réconciliation, qui en était le terme, ils ont une efficacité moindre. Quelle (’lait l’efficacité particulière de la réconciliation épiscopale, et quelle était l’efficacité soit des exercices pénitentiels en général, soit de l’absolution du prêtre pénitencier, en particulier, les Pères n’ont pas essayé’de le déterminer. Ils avaient l’habitude de considérer la pénitence dans l’ensemble des actes qui la composaient, pour en mesurer la valeur totale. Ils