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ABSOLUTION DES PÊCHES AU TEMPS DES PÈRES

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sur ce point l’usage romain du temps d’Innocent I", indique bien une prière que le prêtre prononce sur le pénitent le mercredi des cendres, et une autre que le pontife récite le jeudi saint pour réconcilier le pénitent : Suscipis eum IV fcria mane in capite Quadragesimse et cooperis eum cilicio, oras pro eo… In cœna Dominii… dat oralionem pontifex super eum ad reconciliandum. Sacram. Gelasian., i, p. 16, P. L., t. lxxiv, col.. 1064. Le texte que nous avons cité du pape Innocent montre bien que le régime du prêtre pénitencier était, de son temps, en vigueur à Rome, et que la réconciliaiion des pénitents avait lieu le jeudi saint. Or, d’après ce régime, le pécheur n’était pas absous avant d’être admis à la pénitence par le prêtre pénitencier. L’absolution était au terme de la pénitence. Le pénitent, après avoir accompli les œuvres satisfactoires qui lui étaient imposées, « était absous de ses péchés » et réconcilié avec l’Église ; et cette absolution était l’œuvre de l’évêque. En cas de nécessité, en danger de mort par exemple, l’évêque donnait l’absolution ou imposait la pénitence. Si le pénitent survivait, il devait, bien qu’absous, se soumettre à la pénitence publique, à la fin de laquelle il y avait une seconde réconciliation ou absolution.

Forme ou formule de l’absolution.

Saint Léon désigne l’absolution sous le nom de « supplication sacerdotale ». Multum utile ac necessarium est ut peccatorum reatus ante ultimum diem sacerdotali supplicatione solvatur. Et la preuve qu’il s’agit ici d’une absolution réelle et non d’une simple prière d’intercession, c’est que sans elle, nous dit le même Père, le pardon de Dieu ne saurait être obtenu, ut indulgentia nisi supplicationibtts sacerdotum nequeat obtineri. Afin qu’on ne puisse se méprendre sur sa pensée, saint Léon prend soin de rappeler à ce propos le pouvoir des clefs que le Sauveur a donné à ses apôtres et à leurs successeurs : hanc præpositis Ecclesiæ tradidit potestatem. Epist. ad Theodor., loc. cit. La prière récitée par l’évêque ou le prêtre sur le pénitent était multiple, nous l’avons vu. Une première absolution accompagnait l’imposition de la pénitence. Pendant le cours des exercices pénitentiels l’évêque imposait, en priant, la main sur les pénitents. Et enfin une dernière prière épiscopale, accompagnée de l’imposition des mains, opérait la réconciliation finale. De toutes ces oraisons la première et la dernière étaient les plus importantes. Le Sacramentaire gélasien nous a conservé la formule employée par l’évêque le jeudi saint, jour de la réconciliation solennelle des pénitents : « Assiste, Seigneur, à nos supplications et dans ta clémence exauce-moi, moi qui tout le premier ai besoin de ta miséricorde. Bien que ce ne soit pas par le choix de mes mérites, mais par le don de ta grâce que tu m’as établi le ministre de cette œuvre de [réconciliation], donne-moi l’assurance de remplir ton mandat et opère toi-même par mon ministère ton œuvre de piété… Seigneur Dieu, qui as racheté l’homme déchu dans le sang de ton Fils unique, vivifie ce [pénitent] ton serviteur dont tu ne désires nullement la mort… Guéris ses blessures… de peur qu’une seconde mort ne saisisse celui qui a reçu une seconde naissance dans le bain salutaire… Épargne celui qui confesse [ses péchés] afin que, grâce à ta miséricorde, il n’encoure pas les peines qui le menacent et la sentence du jugement futur, » etc. P. L., t. lxxiv, col. 1096. Nous ne possédons malheureusement pas la formule employée par le prêtre pénitencier lorsqu’il absolvait le pécheur et l’admettait au rang des pénitents. Nous ne pouvons tirer argument, pour le VIe siècle, du formulaire attribué à Jean le Jeûneur. Ce Pénitentiel, n’est pas antérieur au xie siècle, étant l’œuvre d’un moine, nommé Jean le Jeûneur. K. Holl, Enthusiasmus und Bussgeivalt beim griechischen Monchtum, 1898, p. 289 sq. L’oraison employée par l’évêque pour la réconciliation du pénitent, oratio ad solvendum confit entem postquam pœnitentiæ tempus complevit, est ainsi conçue : « Seigneur notre Dieu qui êtes apparu à vos disciples, les portes closes, et leur avez dit en leur donnant la paix : Les péchés seront remis à ceux à qui vous les remettrez, etc. Vous-même, Seigneur, selon l’invisible et toute-puissante providence avec laquelle vous administrez toutes choses, jetez un regard sur votre serviteur ici présent, et par ma bouche, bien que je sois un pécheur, effacez les taches de son corps et les souillures dont le péché a couvert son âme, et que celui qui est lié par le canon soit délié du canon et délié du péché qui l’enchaîne, par votre grâce et votre miséricorde, » etc. Morin, op. cit., Appendix, p. 94. L’oraison que récitait le confesseur sur le pénitent, quand il recevait son aveu, était moins longue, mais exprimait la même pensée : Deus tibi indulgeat, etc. La confession achevée, le confesseur disait : « Que notre Seigneur et Maître Jésus-Christ Dieu te pardonne les péchés que tu as confessés en sa présence à ma nullité. » Suit, dans le Pénitentiel, une série d’autres formules d’absolution absolument équivalentes. Morin, loc. cit., Appendix, p. 80. On remarquera que toutes ces formules, aussi bien celles de l’Église grecque que celles du Sacramentaire gélasien, sont déprécatives et non indicatives. Nous ferons pareillement observer que l’oraison de la réconciliation était ordinairement accompagnée de l’imposition des mains, ou de la main, manuum ou manus impositione. Ce rite est signalé par saint Augustin, De baptismo, l. III, c. xvi, P. L., t. xliii, col. 149 ; par le concile de Carthage de 398, can. 76 et 80, Hardouin, Concil., t. I, col. 983, par les Constitutions apostoliques, l. II, c. xxxviii, loc. cit. ; par saint Léon le Grand dans son épître â Rusticus de Narbonne, P. L., t. liv, col. 1203. Saint Augustin déclare que cette imposition des mains n’est autre chose que la prière de l’évêque sur le pénitent : Manuum imposilio, quid aliud est nisi oratio super hominem. On s’est demandé si ce rite accompagnait également l’absolution du prêtre pénitencier au moment où il imposait la pénitence. Aucun texte ne le donne à entendre. Il semble que la première imposition des mains avait lieu, lorsque le pécheur prenait place parmi les pénitents. C’est ainsi qu’il faut entendre la phrase de saint Léon : per manus impositionem remedium acçipiunt psenitendi. Voir Imposition des MAINS.

Efficacité de l’absolution.

Selon le sentiment des Pères, l’absolution sacerdotale remettait les péchés, effaçait les péchés, à la condition, bien entendu, que le pénitent y apportât toutes les dispositions et conditions requises (dont il sera parlé ailleurs). Qu’on relise notamment les textes de saint Cyprien, de saint Ambroise, de saint Hilaire, de saint Jean Chrysostome, de saint Grégoire le Grand, et l’on verra que la sentence sacerdotale est toujours considérée comme ratifiée par Dieu dans le ciel. Cela devient plus manifeste encore si l’on observe la doctrine des hérétiques sur cette question. Origène estime que les prêtres outrepassent leur pouvoir quand ils prétendent remettre les péchés d’idolâtrie et d’adultère, dont le pardon est réservé à Dieu seul. C’est donc qu’il reconnaissait aux prêtres le pouvoir de remettre tous les péchés, à l’exception de ceux-là. Même raisonnement pour Tertullien : Dieu seul, dit-il, peut remettre les péchés d’idolâtrie, d’adultère et d’homicide. Et les autres péchés ? qui les remettra’? L’Église, dit-il, voire même l’évêque. Tertullien ne se dissimule pas que les catholiques, notamment le pape Calliste, ne reconnaissent pas de péchés irrémissibles. « Ils prétendent (les catholiques) posséder le pouvoir de remettre les péchés. In sua. potestate usurpaverunt. » De pudicitia, c. iii, P. L., t. il, col. 986. Et quelle est l’objection des novatiens ? « Vous usurpez un pouvoir qui