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ABSOLUTION DES PÉCHÉS AU TEMPS DES PÈRES

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— 3° D après une troisième explication, la discipline pénitentielle des premiers siècles comportait une double confession et une double absolution, la première privée, la seconde publique. La pénitence publique, qui constituait ce qu’on appelle l’exomologèse, voir Tertullien, De pœnitenlia, c. ix, P. L., t. i, col. 1243, comprenait parmi ses exercices la confession et avait pour terme la réconciliation finale, dont le caractère n’était pas proprement et nécessairement une absolution sacramentelle des péchés. Dès lors l’interprétation du texte de saint Cyprien devient assez facile. Le libellalicus dont il est question avait déjà dû recevoir l’absolution proprement dite de son péché, pour être admis à la pénitence publique. Sans doute la réconciliation finale qui impliquait la paix de l’Église et le droit de participer à l’eucharistie était d’ordinaire réservée à l’évêque, ou, en cas de nécessité, au simple prêtre. Mais comme le sentiment prévalait dans l’Église, que les pénitents devaient être, en danger de mort, admis à la communion eucharistique, saint Cyprien voulut qu’à défaut du prêtre le diacre vînt à leur secours et les réconciliât. Les mots : manu eis in psenitentiam imposita, forment bien quelque difficulté. L’imposition des mains était le signe ordinaire de l’autorité sacerdotale dans le rite de la réconciliation. C’est en cela que saint Cyprien aurait introduit une nouveauté dans la discipline pénitentielle, sans prétendre conférer pour cela au diacre le pouvoir d’absoudre. L’imposition des mains, signe purement extérieur, n’impliquait nullement l’absolution proprement dite, qui n’avait son efficacité que dans la « prière sacerdotale », comme nous le dirons plus loin. Le sens de in psenitentiam est plus difficile à déterminer. Cela veut-il dire que le diacre admettait par l’imposition des mains le libellatieus à la pénitence ? ou bien cela signifie-t-il qu’il opérait la réconciliation du libellatieus déjà pénitent ? L’exomologesis dont il est question dans le texte appelle plutôt la seconde interprétation, qui est pourtant moins conforme au sens obvie des mots in psenitentiam. Il faut s’en tenir, selon nous, à cette seconde interprétation. De la sorte on peut admettre que le libellatieus, déjà absous par l’évêque, expiait sa faute au rang des pénitents, et que le diacre en l’absence d’un prêtre, était autorisé à le réconcilier, c’est-à-dire à lui rendre la paix de l’Église et à lui accorder le viatique. On comprendra mieux cette théorie si l’on veut bien se reporter à l’histoire de Sérapion que nous a conservée Eusèbe, Hist. eccl., l. VI, c. xliv, P. G., t. xx, col. 629. Denys d’Alexandrie avait décidé que les lapsi ne seraient admis à la communion qu’à l’article de la mort. Les prêtres étaient autorisés à la distribuer aux coupables repentants, surtout s’ils l’avaient demandée pendant qu’ils étaient encore en bonne santé. C’était le cas du vieillard Sérapion. Sur le point de mourir, il envoie son jeune neveu chercher un prêtre. Le prêtre auquel celui-ci s’adressa était lui-même malade. Mais il confia lis saintes espèces eucharistiques au jeune homme, qui les apporta religieusement à son oncle. Sérapion rendit le dernier soupir, aussitôt après avoir communié. « N’estce pas une preuve, remarque saint Denys, que ce vieillard était resté en vie jusqu’à ce qu’il eut été délivré des liens de sa faute et qu’il eût effacé entièrement la tache dont il avait souillé son âme en immolant aux idoles ? » On voit par cet exemple qu’à défaut du prêtre, an simple fidèle donna la communion à un pénitent moribond. A plus forte raison un diacre pouvait-il être chargé de remplir le même office. Saint Cyprien éleva pour les cas d’extrême nécessité cette fonction diaconale à la hauteur d’une institution. Bref, pour comprendre le décret du saint docteur, nous avons à choisir entre deux hypothèses : ou bien la réconciliation finale comprenait, tout à la fois, une absolution au for intérieur et une absolution au for extérieur ; ou bien elle consistait, au moins ordinairement, dans une simple réadmission des pénitents à la communion de l’Église et à la communion eucharistique. Dans le premier cas, la réconciliation opérée par ce diacre aurait été incomplète et n’aurait compris que l’absolution au for extérieur ; dans le second, elle aurait été totale, et aurait eu la même vertu que celle du prêtre ou même de l’évêque. Mais puisque dans ce second cas il y avait simple admission à la communion, jamais il n’en faudrait conclure que les diacres aient exercé proprement le pouvoir d’absoudre.

Moment de l’absolution. —

L’absolution était-elle accordée au moment de l’entrée en pénitence ou au moment de la réconciliation finale ? Les documents vont répondre à cette question. — Nous avons vu par le texte de saint Ephrem que le pénitent, « celui qui a été lié, » ne reçoit qu’à la fin de son expiation « la rémission complète » de son péché. — On se rappelle que saint Augustin, à l’heure de la persécution, blâmait ses prêtres de déserter leur poste, pendant que les uns demandaient le baptême, d’autres la réconciliation, d’autres l’imposition de la pénitence, psenitentise ipsius actionent, tous la consolation et l’administration des sacrements. Si saint Augustin distingue entre la réconciliation et l’action de la pénitence (l’imposition de la pénitence), si les pécheurs réclamaient à grands cris, non pas la réconciliation, mais simplement la pénitence, ce n’était pas pour obtenir même, dans une certaine mesure, l’absolution sacerdotale. La simple imposition de la pénitence n’impliquait pas une sorte d’absolution. Les Constitutions apostoliques, l. II, c. xli, P. G., t. i, col. 696, attachent avec raison la vertu de remettre les péchés à la réconciliation finale : « évêque, impose les mains sur ce fidèle qui a été purifié par la pénitence pendant que toute la communauté prie pour lui, et tu le rétabliras dans les antiques pâturages, et cette imposition des mains sera pour lui comme un [second] baptême ; car, disent les apôtres, c’est par l’imposition de nos mains que le Saint-Esprit était donné aux croyants. » Interrogé (en 405) par Exupère de Toulouse, lequel ne savait comment agir à l’égard des « pécheurs qui, au seuil de la mort, demandaient à la fois la pénitence et la réconciliation », le pape Innocent I er indique deux régimes différents, l’un plus sévère, l’autre plus doux. « L’ancienne coutume, dit-il, voulait qu’on leur accordât la pénitence, mais qu’on leur refusât la communion. » C’était une « rémission », mais non une rémission totale des péchés. Le pape appelle cette concession remissio durior. Cette absolution était valable à cause du danger de mort. Un peu plus tard, le pape Célestin I er († 43 w 2), s’adressant aux évêques des provinces de Vienne et de Narbonne, blâme les prêtres et les évêques « qui refusent la pénitence aux moribonds », et il les accuse d’être « les meurtriers des âmes ». Quid hoc ergo aliud est quant morienti mortem addere, ejusque animant sua crudelilate, ne absolvi possit, occidere… Salutem ergo homini adim.it quisquis mortis tempore pelenli pœnitentiam denegarit. P. L., t. lvi, col. 576. 11 n’est pas question dans ce texte de la réconciliation proprement dite ; l’auteur ne parle que de l’admission à la pénitence, et cependant il semble que l’absolution y soit attachée, ne absolvi possit. Saint Léon, dans l’un des textes que nous avons cités, distingue pareillement entre l’admission à la pénitence et la réconciliation finale : Mediator Dei et hominum… liane præpustlts Ecclesise tradidit potestatem ut et con/itentibus aclionem psenitentiæ darent et eos salubri satisfactione purgatos ad commuuionem sacramentorum per januamreconcxlationisadntitterent. Epist., ciii, adTheodor. , P. L., t. liv, col. 1011. De tous ces documents il semble résulter que la pénitence canonique ou ecclésiastique ne comprenait pas régulièrement une double absolution l’une au début, l’autre à la fin des exercices pénitenliels. Le Sacramentaire gélasien, qui représente