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ABSOLUTION DES PÉCHÉS AU TEMPS DES PÈRES

LOI

fuser la réconciliation aux homicides, aux idolâtres et aux adultères. Cette pratique n’entamait pas son pouvoir d’absoudre. Mais peu à peu on put croire qu’elle ne possédait pas un pouvoir dont elle ne faisait pas usage. Et c’est ainsi que finit par s’accréditer l’opinion qui déclarait irrémissibles par l’Église, les péchés d’adultère, d’homicide et d’idolâtrie. La conduite du pape Calliste et la condamnation des montanistes et des novatiens remit les choses au point. On remarquera cependant que, selon plusieurs historiens catholiques, les relaps n’étaient pas admis à la réconciliation par l’Eglise primitive. C’était encore là une simple mesure de discipline. Historiquement on en établit l’existence par les textes d’Hermas, de Clément d’Alexandrie, d’Origène, de Tertullien, de saint Ambroise et de saint Augustin. Le mot d’Hermas : « Pour les serviteurs de Dieu, il n’y a qu’une seule pénitence, » est interprété par Clément d’Alexandrie, Stromata, II, 13, P. G., t. vtH, col. 993996, dans le sens d’une seule pénitence canonique après le baptême. On peut voir les autres textes réunis dans notre article sur Le caractère sacramentel de la pénitence publique (Revue du clergé français, 1 er novembre 1898, p. 425, note 2 ; p. 424, note 2 ; p. 429, note 2 ; p. 431, note 1). Cela sera étudié plus à fond, au mot Pénitence canonique. Citons cependant le texte de saint Augustin : « Quoique par une sage et salutaire précaution on n’ait accordé cette très humble pénitence que pour une seule fois dans l’Église, de peur que ce remède devenu vil ne fût moins utile aux malades, tandis qu’il est d’autant plus salutaire qu’il aura été moins exposé au mépris, quel est celui cependant qui oserait dire à Dieu : Pourquoi pardonnez-vous encore à cet homme qui, après une première pénitence, s’est encore enlacé dans les liens de l’iniqnité ? » Epist., cliii, n. 7, ad Macedonium, P. L., t. xxxiii, col. 656. On voit par là que si l’Église ne donnait plus l’absolution aux relaps, elle espérait néanmoins que Dieu leur pardonnerait encore, à cause de sa miséricorde, et de leur repentir. Quant à la détermination des péchés graves remis par l’absolution, les premiers Pères ne sont pas très précis. On a vu que Tertullien désigne comme rémissibles les delicla leviora par opposition aux delicla majora et irremissibilia. Ces péchés, relativement légers, sont encore des péchés graves, distincts des peccata minuta. Par contre, saint Pacien semble enseigner que les seuls péchés qui soient matière nécessaire de la pénitence ecclésiastique et de l’absolution sacerdotale sont les trois péchés d’idolâtrie, de fornication et d’homicide. Parœnesis ad peenitent. , c. iv, P. L., t. xiii, col. 1084. Saint Augustin s’exprime quelque part à peu près de même façon. « Ne commettez pas, dit-il, les péchés pour lesquels il est nécessaire que l’on vous sépare du corps du Christ. Ceux que vous voyez ainsi faire pénitence ont commis des crimes, tels que l’adultère ou d’autres fautes extrêmement graves, facta immania ; c’est pourquoi ils font pénitence. Car si leurs péchés étaient légers, l’oraison quotidienne suffirait pour les effacer. » De symbolo ad catechumenos, c. viii, P. L., t. xl, col. 636. Mais ailleurs on voit qu’il entend par péchés pénitentiels, c’est-à-dire soumis au pouvoir des clefs, d’une façon générale, « ceux que renferme le décalogue de la Loi et dont l’apôtre a dit : « Quiconque les commet, ne possédera « pas le royaume de Dieu, » actio.pœnitentias pro illis peccatis subeunda est, quse legis decalogus conlinet, et de quibus apostolus ait : quoniam qui talia agunt, regnumDeinon possidebunt. Serm., cccli (douteux), De pxiiit., c. vii, P.L., t. xxxix, col. 1542. Bref, les Pères sont d’accord pour déclarer que tous les péchés graves sont soumis au pouvoir des clefs. Mais quels sont les péchés qui doivent être rangés dans cette catégorie, c’est une question pratique où l’on peut observer quelque divergence d’opinion. Ce point sera examiné plus au long, aux articles Péché et Confession.

Ministre de l’absolution.

Saint Ignace d’Antioche indique que « les pénitents n’obtenaient le pardon de leurs péchés que s’ils avaient recours à l’Église réunie et au consentement de l’évêque ». Le rôle "de l’évêque n’est pas nettement déterminé dans ce texte. Le Pasteur d’Hermas etClément d’Alexandrie ( ?) signalent un « ange de la pénitence », sans doute l’évêque ou le prêtre préposé aux exercices de la pénitence et chargé de la réconciliation des pécheurs. Donnait-il l’absolution ? on ne le dit pas. Mais Socrate et Sozomène nous décrivent d’une manière assez détaillée l’office du prêtre pénitencier, dont l’existence remonte, selon le premier au temps de Dèce, selon le second à l’origine de l’Église. Sozomène dit nettement qu’à Constantinople ce prêtre « absolvait » les pécheurs avant de fixer leur pénitence et de les ranger dans la classe des pénitents. Et le même Sozomène nous apprend qu’à Rome, où il ne signale pas l’existence du prêtre pénitencier, l’évêque présidait les exercices pénitentiels et « absolvait » les pécheurs qui avaient achevé leur pénitence. Hist. eccl., 1. VII, c. xvi, P. G., t. lxvii, col. 1461. Qu’on relise nos textes et l’on verra que le pseudo-Clément de Rome, Clément d’Alexandrie, le pseudo-Hippolyte, Cyprien, Chrysostome, Athanase, Jérôme, Ambroise, Augustin, Pacien, Gennade, Léon, Cyrille, Grégoire le Grand, considèrent les sacerdotes, c’est-à-dire les évêques et les prêtres, comme ministres de l’absolution. D’une façon générale saint Augustin les appelle antisliles ; et saint Ambroise déclare énergiquement que le pouvoir d’absoudre n’a été accordé qu’aux prêtres, solis sacerdolibus permissum est. On a vu une objection grave à cette conclusion dans le texte suivant de saint Cyprien : « Si un libellaticus tombe malade en l’absence de l’évêque, il pourra recourir au prêtre, et si le prêtre vient à manquer et que le danger de mort soit imminent, il pourra faire l’exomologèse (la confession) de son péché à un diacre qui lui imposera les mains pour la pénitence, afin qu’il paraisse devant Dieu avec la paix que les martyrs ont sollicitée pour lui par leurs lettres, » libellis. Epist., xii, n. 1, P. L., t. iv, col. 259. De quelle nature était cette réconciliation opérée par le diacre au moyen de l’imposition des mains ? Était-ce une simple réconciliation au for extérieur ? Dans ce cas, il faudrait dire que la réconciliation qui terminait les exercices pénitentiels, même opérée par l’évêque ou par le prêtre, n’avait pas la vertu de remettre les péchés. Cette question a embarrassé les docteurs catholiques.

Voici les différentes réponses qu’ils y ont données.

l°Le P. Morin donne à entendre que saintCyprienaccordait par exception aux diacres le pouvoir d’absoudre, De disciplina in administratione sacrantenti piunttentim, 1. VIII, c. xxiii, comme l’Église accorde au simple prêtre le pouvoir de confirmer, en vertu d’une délégation extraordinaire, dans des circonstances déterminées. Ayant vu le pouvoir d’absoudre, d’abord réservé à l’évêque, s’étendre au simple prêtre, le saint pontife aurait cru possible de le communiquer même au diacre en cas d’extrême nécessité. Cette interprétation est généralement considérée comme inexacte. —

2° On suppose que, selon l’ancienne discipline, la réconciliation avait un double effet, l’un dans le for intérieur en remettant les péchés, l’autre dans le for extérieur en permettant au pénitent, désormais libéré, de participer, comme le reste des fidèles, aux choses saintes et, en particulier, à la communion eucharistique. Selon cette hypothèse, saint Cyprien aurait autorisé le diacre à opérer la réconciliation, sinon au for intérieur, du moins au for extérieur. Dès lors, sans être absous sacramentellement, le libellaticus qui avait donné des signes de repentir était admis, non seulement à la pénitence, mais encore à la paix avec l’Église, et, par la communion eucharistique, purifié de ses péchés. L’impossibilité matérielle de recourir à l’évêque ou au prêtre le dispensait de solliciter l’absolution sacramentelle avant de recevoir le viatique.