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ABSOLUTION DES PECHES D’APRES L’ECRITURE SAINTE

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transgression. C’est le sens ordinaire de ce mot dans l’Écriture. Il n’y a aucune raison de l’entendre ici de la peine du péché, comme il doit s’entendre II Cor., v, 21, où saint Paul dit que Dieu « a fait [victime pour le] péché Celui qui n’avait pas connu le péché ».

c) L’incident du paralytique montre bien la différence qu’il y a entre remettre les péchés et enlever les peines du péché. Jésus avait dit au paralytique : « Tes péchés te sont remis, » et le paralytique conservait toujours son infirmité ; et c’est à la suite des murmures des pharisiens et pour leur prouver qu’il avait le pouvoir de remettre les péchés, que Jésus guérit l’infortuné de sa maladie.

Ce pouvoir est productif et non seulement déclaratif de la rémission des péchés.

Luther, d’après son principe fondamental que la foi seule justifie, dit que les ministres de l’Évangile déclarent seulement que les péchés sont remis à ceux qui ont la foi, ou encore qu’ils remettent les péchés en excitant, par leur prédication, la foi qui justifie les pécheurs. Cette doctrine, indépendamment du fondement sur lequel elle s’appuie, est insoutenable.

o) Nulle part dans l’Écriture, « remettre les péchés » ne signifie « déclarer qu’ils sont remis » ; ces mots s’entendent toujours d’une rémission effective et proprement dite : soit celle que Dieu accorde aux hommes, soit celle par laquelle les hommes se pardonnent leurs offenses mutuelles. Matth., xviii, 32, 35 ; Marc, xi, 23 ; Luc, vii, 47-49 ; xi, 4 ; Rom., iv, 7, etc.

b) Le pouvoir que Jésus a donné à ses apôtres, d’après les propres paroles de Notre-Seigneur, est tel que Dieu lui-même opère la rémission prononcée par ses ministres : Quorum remiseritis, remittuntur ; quæcumque solveritis, soluta sunt. L’acte des apôtres est suivi d’un effet, d’une rémission réelle ; or, une déclaration serait par elle-même inefficace : elle constaterai ! seulement l’existence des conditions requises pour la rémission, elle ne l’opérerait pas. — Si l’explication de Luther était vraie, il serait plus juste de dire que les pécheurs eux-mêmes se remettent leurs péchés ; et Notre-Seigneur se serait servi d’une expression bien impropre, si en disant : « Vous remettrez les péchés, » il avait voulu dire que ses ministres n’avaient d’autre pouvoir que celui de constater et de déclarer que les péchés sont remis à ceux qui ont la foi.

c) La locution ne serait pas moins impropre, si la rémission des péchés opérée par les apôtres consistail seulement dans la prédication par laquelle ils excitent à la foi et à la pénitence. Dans ce cas, l’action des apôtres sur la rémission serait trop éloignée et trop indirecte pour que Notre-Seigneur ait pu dire purement et simplement : Quorum remiseritis… remissa sunt.

d) D’ailleurs, on ne comprendrait pas, si l’explication de Luther était la vraie, en quoi consisterait le pouvoir qu’ont les apôtres de retenir les péchés. Ce serait le pécheur lui-même qui retiendrait ses péchés et nullement les minislres déclarant qu’ils ne sont pas remis, si on n’a pas la foi. Il serait encore plus absurde de dire qu’ils retiennent les péchés en ne prêchant pas : car, dans ce cas, ils auraient le droit de ne pas prêcher ; tandis que Jésus leur a fait une obligation de prêcher. Matth., xxviii, 19 ; I Cor., ix, 16, etc.

Mais on objecte le parallélisme entre les textes de saint Jean : Quorum remiseritis…, de saint Luc Oporlebal praidicari in nomine ejus [Christi] pwnitentiam et remissionem prccaiorum in omnes gentes, xxiv, 47 ; et de saint Matthieu : Emîtes docete omnes gentes…, xxviii, 19. On en conclut à l’identité du pouvoir de remettre les péchés avec celui de prêcher.

Ce parallélisme n’existe pas. Les paroles citées oui été prononcées dans des circonstances touies différentes.

Celles que rapporte saint Jean ont été dites par Jésus, la première fois qu’il est apparu à tous ses disciples, le soir même du jour de Pâques, à Jérusalem, dans une maison dont les disciples avaient fermé les portes. Celles que rapporte saint Matthieu, au contraire, sont données comme les dernières paroles de Jésus aux siens, et ont été dites par lui en Galilée, sur la montagne où il leur avait donné rendez-vous. Matth., xxviii, 16. Pour saint Luc, il est vrai qu’il semble attribuer à la première apparition, du jour de Pâques, les paroles concernant la prédication et la pénitence ; mais l’usage de cet évangéliste, quand il emploie la formule slusv 8é, vi, 1, 12 ; ix, 46, 51 ; xiii, 23 ; xviii, 15, etc., et la comparaison avec saint Marc, xvi, 15-19, font voir qu’à partir du y. ii il ne s’agit plus du même discours de Jésus. Knabenbauer, Comment. inEvang. sec. Luc, Paris, 1896. p. 616.

D’ailleurs, ces diverses paroles de Notre-Seigneur eussent-elles été prononcées dans la même circonstance, il ne serait pas permis de les identifier : car chacune d’elles a un sens bien précis et bien déterminé, qui ne permet pas de confondre « prêcher » avec « remettre les péchés ».

Ce pouvoir est distinct de celui de baptiser.

a) Les circonstances de l’institution, les paroles employées par Notre-Seigneur, le rite qu’il établit, l’effet produit, tout marque une différence profonde entre le baptême et l’absolution des péchés donnée par les ministres de Jésus-Christ.

Le baptême de Jésus-Christ a été institué définitivement en Galilée, immédiatement avant l’Ascension, Matth., xxviii, 16-19 ; le pouvoir de remettre les péchés a été donné aux apôtres le jour de Pâques, à Jérusalem. Les paroles employées par Notre-Seigneur sont différentes : « Vous baptiserez [toutes les nations] au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, » et : « Ceux à qui vous remettrez les péchés, ils sont remis ; ceux à qui vous les retiendrez, ils sont retenus. »

Le rite est autre. Le baptême est une ablution extérieure avec de l’eau, (îaim’Çstv, « enfoncer dans l’eau, » et c’est à l’eau conjointement avec le Saint-Esprit qu’est attribuée la purification de l’homme pécheur : mundans lavacro aquæ in verbo vitSR. Eph., v, 26 ; I Petr., iii, 21. Pour l’absolution des péchés, il n’est pas fait mention de l’eau et c’est à la volonté des ministres de Jésus, agissant comme juges, qu’est attribuée la rémission des péchés : Quorum remiseritis, remittuntur.

Le baptême est le sacrement de la régénération, nisi quis renatus fuerit ex aqua et Spiritu Sanclo ; rien de semblable n’est dit de la rémission des péchés accordée à tous, par conséquent à ceux qui sont déjà régénérés.

Dans le baptême, la rémission des péchés est un acte de pure grâce, aucune peine n’est infligée à celui qui reçoit ce sacrement ; dans la pénitence, au contraire, la rémission se fait au moyen d’une sentence judiciaire, et des peines peuvent et doivent être imposées, même à ceux qu’on absout.

b) S’il y avait identité entre le baptême et la rémission des péchés, le pouvoir donné par Jésus de retenir les péchés serait incompréhensible. Dire que les péchés sjnt retenus, à ceux à qui on ne donne pas le baptême s trait une locution très impropre. Déplus, Jésus a donné à ses ministres le droit de retenir les péchés, tandis qu’il l’ur a donné l’ordre de baptiser tout le monde : Eunles docete omnes gentes, baplizantes eos.

Ce pouvoir s’étend à tous les péchés commis après le baptême.

Les paroles de Notre-Seigneur sont absolument générales et sans aucune restriction : Quodcumque solveris… ; Qb.vcu aiqu h solveritis… ; Quohlm remiseritis (<xv Tivwv OUtivgç) ; « ceux, quels qu’ils soient, à qui vous remettrez les péchés. » Les péchés les plus graves ne sunt donc pas exceptés. Les péchés de rechute ne sont pas exceptés davantage. Saint Pierre ayant demandé à Jésus : Domine, quoties peccabit in me frotter métis ci dimittam a f usque septies ? en reçut la réponse : Non