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13’ABSOLU — ABSOLUMENT

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Presque tous peuvent se ramener à l’un ou à l’autre des sens que nous venons de définir. Les théories sur l’absolu sont pareillement très variées et pèchent les unes par excès, les autres par défaut. — 1° Parmi les premières, il faut ranger le panthéisme qui exagère la réalité de l’absolu en identifiant, à l’exemple des anciens Éléates, toutes choses avec l’Un et avec l’Absolu. Qu’il soit le moi-sujet (Fichte), ou le moi-objet (Schelling), qu’il se confonde avec l’être transcendantal (Hegel), l’absolu est partout, il est tout, lui seul possède véritablement l’être, le reste n’est qu’apparence et mobilité. A la suite de Malebranche, les ontologistes exagèrent la connaissance de l’absolu, lorsqu’ils nous en concèdent l’intuition directe et immédiate. — 2° Mais les opinions les plus répandues sont celles qui s’attaquent à la notion de l’absolu pour en vider le contenu et en restreindre ou nier même la réalité. Pour les phénoménistes et les associationistes, toutes choses doivent être ramenées à des faits et à leurs lois : l’absolu-substance n’existe pas ; les plus téméraires vont jusqu’à nier l’absolu-Dieu ; nous vivons au milieu de pures apparences et dans la continuelle mobilité. Les agnostiques et les positivistes, s’ils ne vont pas toujours jusqu’à nier l’existence de l’absolu, la déclarent indémontrable. Kant affirme l’impossibilité du passage de l’idée de l’absolu à l’existence de l’absolu ; Herbert Spencer relègue l’absolu dans la régioD de Yinconnaissable. Avant lui Hamilton, voulant « exorciser le fantôme de l’absolu », avait essayé de montrer qu’il est inconcevable et que son idée, enveloppant la contradiction, est une pseudo-idée.

III. Existence.

L’existence de l’absolu total n’étant objet ni d’intuition, ni de conscience, se démontre par le raisonnement. Ceux qui définissent l’absolu par opposition au relatif, ont été amenés à douter de son existence ou à la nier. En effet, le relatif ne suppose l’absolu que comme terme d’une relation. Le mobile prouve le premier moteur, l’effet prouve la cause, les moyens prouvent la fin, l’ordre prouve le principe, etc. Or, ces idées de moteur, de cause, de fin, de principe enveloppent une relation. L’existence de l’absolu se déduit directement de l’existence du dépendant. L’être dépendant exige un principe d’où il dépend et qui ne soit pas dépendant lui-même ; ce principe, c’est l’absolu. L’existence de l’absolu se prouve aussi par tous les arguments qui démontrent l’existence de Dieu, car ils démontrent que Dieu existe comme absolu.

Hamilton, Fragments de philosophie, La philosophie de l’absolu, Paris, 1840 ; Stuai’t Mill, La pliilosophie de Hamilton, c. ii-iv, Paris, 1869 ; Herber Spencer, Les premiers principes, 1° part., Paris, 1871 ; Ravaisson, La philosophie en France au MXe siècle, Paris, 1808 ; A. Fouillée, La philosophie de Platon, III* part., l. I, c. i, Paris, 1859 ; Le mouvement idéaliste, Paris, 1897 ; Le mouvement positiviste, Paris, 1897 ; P. Kleutgen, Die Philosophie der Vorzeit, n. 554 sq., 944 sq.. Inspruck, 1860 ; Edm. Braun.La logique de l’absolu, Paris, 1887 ; Louis Liard, La science positive et la métaphysique, l. I, c. ix sq., Paris, 1883 ; Paul Janet, Principes de métaphysique, etc., l. IV, leçon 2°, Paris, 1897 ; Cyrille Blondeau, L’absolu et sa loi constitutive, Paris, 1897 ; E. Boirac, L’idée du phénomène, Paris, 1894 ; Jaugey, Dictionnaire apologétique, Paris, 1889, articles Dieu, Panthéisme.

A. ClIOLLET.

ABSOLUMENT, absolute, adverbe employé fréquemment dans le langage théologique. Il a plusieurs sens suivant qu’il concerne les qualités des êtres, leurs différences, ou leur nécessité.

I. Qualités.

Les qualités des êtres : 1° leur conviennent essentiellement et par elles-mêmes, ou bien ne leur sont attribuées qu’en vertu d’une comparaison établie entre eux et d’autres êtres. Dans le premier ras. on les affirme absolument ; dans le second cas, elles sont fies attributs relatifs. — Pierre est « homme », il est « prince des apôtres ». Pris en lui-même, il est « homme », il l’est absolument ; il n’est « prince des apôtres » que

comparativement, puisque ce titre ne lui appartient que par suite d’un rapport avec les autres apôtres.

2° Les théologiens prennent l’adverbe absolute dans ce sens, quand ils disent que les créatures sont absolument des êtres et relativement des non-êtres. Prise absolument et en soi, toute créature est un être, puisqu’elle a son essence, son existence, ses propriétés à elle. Saint Thomas l’affirme en montrant que l’être, que la vérité ou la bonté de Dieu est le principe et la cause de l’être, de la vérité ou de la bonté des créatures, mais n’est formellement ni cet être, ni cette vérité, ni cette bonté. Sum. theoh, I a, q. vi, a. 4 ; q. xvi, a. 5, 6 ; In IV Sent., 1. 1. dist. VIII, q. I, a. i ; Quzest. disp., Deverit., q.i, a. 4.

— Comparativement, la créature est plutôt un non-être. Si on la compare à Dieu, qui seul possède l’être dans toute sa plénitude, elle n’est qu’une participation lointaine, un néant à côté de cet Être par essence. Si on la compare à l’existence, elle est encore un non-être, car elle est contingente, c’est-à-dire n’est pas par elle-même, est indifférente à être ou à n’être pas. Enfin, si on la compare à toutes les autres créatures existantes ou possibles, elle est tellement limitée, on doit nier d’elle tant de perfections qu’elle n’a pas, tant de natures qu’elle n’est pas, que les philosophes ont pu l’appeler un être fini et un non-être infini. Elle est donc un non-être au triple titre de participée, de contingente et de finie. Cf. Kleutgen, Die Pliilosoplne der Vorzeit, Inspruck, 18(30, . n. 514.

3° La théologie distingue encore avec soin, et dans un. sens analogue, ce qui convient absolument à la divinité et ce qui ne lui convient que relativement ; d’où la nécessaire distinction, en Dieu, de l’absolu et du relatif, correspondant à la distinction de la nature et des personnes, de l’Unité et de la Trinité. Il convient absolument à la divinité d’être, de penser, de vouloir, d’être infinie, nécessaire, parfaite, toute-puissante ; il lui convient relativement d’engendrer et d’être engendrée. Si on la considère absolument, elle est un seul Dieu ; sous l’aspect relatif, elle est trois personnes, le Père, le Fils et le Saint-Esprit, et cette distinction du relatif et de l’absolu permet de comprendre, autant que cela se peut dans un mystère, pourquoi il n’y a pas contradiction à placer simultanément l’Unité et la Trinité en Dieu. Cf. Petau, De Deo, l. I, c. vu-xi ; De Trinit., l. V, c. i-m ; Franzelin, De Deo trino, th. xxi.

Parfois les théologiens donnent un autre sens au mot « absolument » et requièrent d’autres conditions des qualités pour les affirmer d’une manière absolue. « Absolument » est alors pris pour « purement et simplement ».

1° La blancheur, disent-ils avec les philosophes scolastiques, convient absolument à l’Européen, qui est blanc par toute sa personne ; elle ne convient pas absolument, mais partiellement, à l’Africain dont les dents seules sont blanches. Dans ce cas, absolument est opposé à partiellement ; le sens absolu est opposé à un sens restrictif dans lequel la blancheur n’est plus affirmée absolument parce qu’elle n’est la qualité que d’une portion du corps.

2° Dans d’autres cas, le sens absolu est opposé à un sens amplialif, et absolument opposé à complètement : exemple : les richesses sont dites absolument, c’est-à-dire purement et simplement bonnes, bien qu’elles ne le soient pas dans certaines circonstances spéciales ; au contraire, les vertus sont complètement bonnes, parce qu’elles le sont toujours et dans quelque circonstance que l’on se trouve. Sum. theol., II a II æ, q. lviii, a. 10, ad 2um. Saint Thomas emploie encore le mot absolument dans cette acception, quand il dil que le corps vivant de Notre-Seigneur était le même que son corps mort, si on prend la chose absolument, c’est-à-dire si l’on envisage purement et simplement son individualité hypostatique ; mais qu’il n’était pas le même, si au lieu de cette indi-