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ABRAXAS, NOM DE DIVINITÉ — ABRAXAS, NOM DE PIERRES


leil matériel n’était pas pour embarrasser un gnostique. La parenté entre Mitlira et Abraxas et l’introduction d’un mythe solaire dans un système qui tenait essentiellement à conserver les données chrétiennes, sauf à les défigurer et à les subtiliser, devait plaire à l’imagination fantastique de Basilide, d’autant plus que le culte de Mithra, avec l’ensemble de ses mystères et de ses initiations, se rapprochait suffisamment du culte chrétien pour surprendre des esprits simples et des âmes naïves. Du reste, rien d’étonnant à ce que Basilide ait emprunté à l’astronomie et au culte solaire le nom mystérieux de son dieu ; cartons les gnostiques, essentiellement syncrétistes, puisaient partout les éléments de leurs systèmes, cherchant à renchérir les uns sur les autres pour mieux éblouir les partisans de la Gnose. L’ensemble de son système est une preuve irrécusable de syncrétisme. Son Dieu-néant est dans la Cabale ; sa panspermie, d’un panthéisme si caractérisé, est d’origine indienne ; son plérome, avec l’émanation des éons qui le composent, appartient au courant gnostique ; sa triple ûiôtr) ; n’est qu’une transformation de l’"Eit(voi « de Simon, de l’"Ewoia de Ménandre ; son Abraxas est un emprunt aux cultes solaires de la Perse, mélangé d’éléments égyptiens, car il s’engendre un fils plus grand et plus puissant que lui, ce qui ne se voit que dans le mythe d’Osiris et d’Horus. La seule idée spécifiquement chrétienne est celle de la chute et de la rédemption ; encore faut-il remarquer que li chute est le fait d’Abraxas, c’est-à-dire d’un dieu.

A consulter : S. Irénée, Adv. h&r., l. I, P. G., t. vu ; Clément d’Alexandrie, P. G., t. viiietix, passim ; Philosophumena, . VII, édit. Cruice, Paris, 1860 et P. G., t. xvi, c ; S. Épiphane, Ado. hier., P. G., t. XLi ; Jacobi, Basilidis… sententix, Berlin, 1852 ; Matter, Histoire du gnosticisme, 3 vol., Paris, 1828 ; Renan, Hist. des orig. du christ., passim ; Wilkinson, Manners and Customs of the ancient Egyptians, 2e édit., 3vol., Londres, 1878 ; Ulhorn, Das Basilidianische System, Gœttingue, 1855 ; Jacobi, Das Basilidianische System, Gotha, 1877 ; Herzog-Hauck, Realencyclopadie, Leipzig, 1800 ; Amélineau, Essai sur le gnosticisme égyptien, Paris, 1887.

G. Bareille.

II. ABRAXAS, nom de pierres basilidiennes. Quelques Pères se sont occupés de Basilide et de son Abraxas ; mais ils n’ont pas prêté une égale attention à certaines pierres en usage parmi les basilidiens et les autres sectes

3. — Abraxas, d’après Montfaucon, Antiquité expliquée, t. il b, pl. cxx.

gnostiques. Ces pierres, que les fouilles ont fait découvrir en quantité considérable, se trouvent dispersées dans les

désignent sous le nom d’Abraxas, parce que la plupart portent ce nom gravé. Toutes ne sont pas des Abraxas ; maistoutes semblent avoir servi d’amulette ou de talisman. Le mot Abraxas n’est pas le seul qui soit gravé sur les pierres basilidiennes ; il en est d’autres, tous en caractères grecs, quoique d’origine étrangère à la Grèce : Iaw, écrit souvent Qai, SaSacoÛ, ASwvai ou AStovr), Avuëiç ou Kvovëiçet Kvjijuç, I<7tç, M16pa|ou Mtôpaç. Parfois AëpaÇa., ou Aêpaaa^ ou AëpaTa ; se trouve en compagnie d’un ou de deux autres noms : AS « ov/]-Agp « aaÇ, Aêpa<7a|-icu.> (voirfig. 3), Miôpaç-aëpaaaç-iaco (voir fig. 4), Iaw-AëpaaaÊ£aëaa>0, Iaw-SaSouoO-Aëpaa-a ; (voir fig. 5). Parfois encore ces pierres contiennent des séries de lettres — tantôt les voyelles grecques, a£r, io-ja>, écrites soit de gauche à droite, soit de droite à gauche ou même capricieusement mélangées et sans ordre, tantôt des consonnes sans signification connue. Parfois enfin ce sont des syllabes incompréhensibles ; des termes indéchiffrables à radicaux grecs, coptes, hébraïques, syriaques ; des mots entiers quon

4. — Abraxas, d’après Montfaucon, ibid., pl. cxlviii, fig. 3.

divers musées de l’Europe ainsi que dans des collections particulières. Les antiquaires les connaissent et ils les

5. — Abraxas, d’après Montfaucon, ibid., pl. cxlviii.

peut lire de la même manière dans les deux sens, tels que celui-ci : AëXavaOavaiêa ; et des phrases suivies, mais dont le sens ne se laisse guère deviner ou n’est qu’à moitié accessible.

Indépendamment des inscriptions, ces pierres renferment aussi très souvent des figures bizarres, des personnages symboliques, composés d’éléments étrangers les uns aux autres et réunis dans un dessein caché. Ainsi l’Abraxas à tête rayonnante de coq, avec les bras et le buste d’un homme, les jambes formées par deux serpents, un bouclier d’une main, un fouet de l’autre. L’Abraxas soleil, à figure humaine, radiée, sur un char. L’Abraxas avec le serpent tantôt

droit, tantôt se mordant la queue. L’Abraxas avec l’escarbot ou sca rabée, le disque du soleil, le

croissant de la lune, des étoiles. L’Abraxas monstrueux, etc.

Telles sont ces pierres énigma liqueset curieuses. Dès qu’elles

lurent connues, le monde savant

chercha à les lire, à les com prendre, à les expliquer. Depuis

Saumaise, Kircher, Macarius, en

passant par Chifllet, Gorlœus,

Mafféi, De Montfaucon, et tant

d’autres, jusqu’à Bellerman (1820), Matter (1826), Kopp (1829), Sti ckel (1848), du xvie siècle jusqu’à nos jours, chacun a cherché et proposé une explication. Mais outre qu’on a eu le tort de prendre souvent pour basilidiennes des pierres qui appartenaient à toute autre secte d’Asie, de Grèce, d’Egypte, on n’a hasardé la plupart du temps que des explications insuffisantes, invraisemblables ou fausses. Matter est peut-être celui qui a serré le problème de plus près, mais le problème est loin d’être résolu. Sans doute il est des rapprochements qui s’imposent, qu’on ne saurait nier, et qui sont la preuve manifeste du syncrétisme en usage parmi les gnostiques ; mais qu’il reste encore de points inconnus, de lectures indéchiffrables, d’interprétations difficiles ! Tant qu’une découverte probante ne vieii 6. — Abraxas, revers,

d’après Montfaucon,

ibid., pl. cxLVir, fig. 1.