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APOCRYPHES (LIVRES)

apocryphes. A ses yeux, ces écrits sont non authentiques, puisqu’il les croit fabriqués par ces hérétiques, et apocryphes, parce qu’ils ne font pas partie des livres sacrés de l’Église. Au rapport d’Eusèbe, H. E., iv, 22, P. G., t. xx, col. 384, Hégésippe affirmait que quelques-uns des livres qu’on appelle apocryphes, avaient été composés de son temps par des hérétiques. Tertullien, De resurrections carnis, 63, P. L., t. ii, col. 886, reproche aux hérétiques, marcionites et valentiniens, d’ajouter aux altérations et aux fausses interprétations de l’Écriture « les enseignements secrets des apocryphes, des fables blasphématoires », arcana apocryphorum, blasphemiæ fabulas. Il rejette, De pudicitia, 10, ibid., col. 1000, le témoignage du Pasteur d’Hermas, qui, loin d’avoir l’honneur de faire partie de l’Écriture sainte, est placé par toutes les Églises au nombre des apocryphes, inter apocrypha et falsa. Clément d’Alexandrie, Strom., i, 15, P. G., t. viii, col. 773, rapporte que les disciples de l’hérétique Prodicus prétendaient posséder les livres apocryphes de Zoroastre, c’est-à-dire les écrits mystérieux de ce mage. Plus loin, Strom., iii, 4, ibid., col. 1133, il dit que les marcionites ont tiré leur erreur morale d’un apocryphe, ἐκ τίνος ἀποκρύφου, qu’ils avaient eux-mêmes composé, l’attribuant mensongèrement à Dieu, ou qu’ils avaient reçu d’autres mains, en l’interprétant mal. La notion des livres apocryphes, obscure encore en quelques-uns des témoignages précédents, se précise sous la plume d’Origène. Ils sont mis nettement en opposition avec les livres canoniques. Ainsi, selon lui, des traditions relatives à Isaïe et à Zacharie ont été cachées au peuple juif et sont conservées dans les apocryphes. Epist. ad Africanum, n. 9, P. G., t. xi, col. 65 ; Comment. in Matth., x, 18, P. G., t. xiii, col. 881. Elles ne se lisent pas dans les livres publics des Juifs, mais dans des écrits plus secrets qui ont cours parmi eux. In Matth. comment. series, 28, ibid., col. 1636, 1637. Plus loin, ibid., 46, col. 1667, il oppose aux Écritures canoniques que tout chrétien reçoit et croit les écrits secrets et non publics que les hérétiques proposent en faveur de leurs erreurs. Plus loin encore, ibid., 117, col. 1769, il appelle écrits « secrets » de Jérémie et d’Élie les apocalypses apocryphes attribuées à ces prophètes, et il oppose aux Écritures publiques le livre apocryphe de Jamné et de Mambré. Les Juifs n’ont pas les livres de Tobie et de Judith en hébreu, « même parmi les apocryphes ; » mais l’Église reçoit ces livres. Epist. ad Afric., n. 13, P. G., t. xi, col. 80. Pour expliquer le reproche d’ignorer les Écritures que Jésus adresse aux Sadducéens, Matth., xxii, 29, Origène, Com. in Matth., xvii, 35, P. G., t. xiii, col. 1593, dit qu’on pourrait recourir aux livres apocryphes des Juifs, distincts des Écritures saintes. D’après l’auteur des Philosophumena, vii, 20, P. G., t. xvi c, col. 3302, Basilide et son fils Isidore prétendaient connaître les discours apocryphes que le Sauveur avait adressés spécialement à saint Matthias. Saint Athanase, Epist. fest., xxxix, P. G., t. xxvi, col. 1436, 1440, distingue nettement les livres canoniques des apocryphes et il affirme que ceux de l’Ancien Testament que nous appelons deutérocanoniques, ne sont pas au nombre des apocryphes. Didyme, Fragmenta in Aclus apost., P. G., t. xxxix, col. 1669, oppose les apocryphes aux livres canoniques reçus dans le domaine public. Cf. Eusèbe, H. E., iii, 3, P. G., t. xx, col. 217 ; Théophile d’Alexandrie, Epist. pasch., traduite par S. Jérôme, Epist., xevi, 20, P. L., t. xxii, col. 789 ; Philastre, Hæres., 88, P.L., t. xii, col. 1199-1200 ; Rufin, Comment, in symbolum apost., n. 38, P. L., t. xxi, col. 374. Cette signification originelle du mot apocryphe s’est toujours conservée dans l’Église catholique dont les docteurs ont généralement tenu les apocryphes pour des livres exclus du canon biblique.

Les critiques modernes ne sont pas d’accord pour expliquer le point de départ et la raison d’être de cette signification de livres cachés, secrets, mystérieux, non admis à la lecture publique, et partant non canoniques. Les uns vont les chercher chez les Juifs, et ils pensent que le mot « apocryphe » est la traduction du mot chaldéen gdnûz, qui désigne, dans la langue des rabbins, un manuscrit mal copié, déchiré ou souillé et, par suite, hors d’usage et caché ou enfoui dans la genizah des synagogues. Cf. Talmud de Jérusalem, Schabbath, ix, 6, trad. Schwab, Paris, 1881, t. iv, p. 123 ; Sanhédrin, x, 6, ibid., 1889, t. xi. p. 44. Mais il est plus probable que, si l’idée est d’origine juive, elle provient de la tradition ancienne d’après laquelle les Juifs avaient, à côté des livres canoniques communiqués à tous, des ouvrages plus profonds, réservés aux sages de la nation. Hénoch, i, 2 ; cviii, 1 ; IV Esd., xii, 36-38 ; xiv, 18-48. Voir col. 1483, 1487. Il est certain qu’Origène a expliqué le mot « apocryphe » dans ce dernier sens. Cf. Épiphane, De rnensuris, 10, P. G., t. xliii, col. 253. D’autres critiques pensent que les Pères ont emprunté ce mot aus auteurs païens qui connaissaient l’existence d’ἀπόκρυφα βιβλία, de libri reconditi, contenant une doctrine théurgique et ésotérique, destinée aux seuls initiés. Cf. Arnobe, Adv. gentes, v, 5, P. L., t. v, col. 1088 ; Philastre, Hæres., 115, P. L., t. xii, col. 1239. Quoi qu’il en soit, les premiers hérétiques avaient certainement des livres de cette nature, des ouvrages secrets et mystérieux, soidisant d’origine divine, sur lesquels ils appuyaient leurs erreurs. Cf. Épiphane, Hæres., xlvii, 1, P. G., t. xli, col. 852 ; lxi, 1, col. 1010 ; lxiii, 2, col. 1064 ; Augustin, De actis cum Felice Maniehœo, ii, 6, P. L., t. xlii, col. 538, 539. Sauf meilleur avis, il nous semble que tous ces éléments divers ont concouru, dans l’ancienne littérature ecclésiastique, à former l’idée complète des écrits apocryphes. Cf. Zahn, Geschichte des Neutestamentlichen Kanons, Erlangen, 1888, t. 1, fasc. 1, p. 123139.

"2. Livres pseudépigraphes. Deutérocanoniques. — Quand le mot « apocryphe » fut universellement admis dans l’usage ecclésiastique avec la signification de non canonique, il reçut d’autres significations encore. Tout en maintenant la canonicilé des livres deutérocanoniques de l’Ancien Testament, saint Augustin entendait par apocryphes des écrits qui, comme le livre d’Enoch, étaient attribués aux prophètes et aux apôtres, mais dont l’origine était inconnue. Apocryphæ nuncupantur eo quod earum occulta origo non claruil patribus. De civit. Dei, XV, xxii, n. 4, P. L., t. xli, col. 470. Ces écrits, mis sous les noms des saints, ne sont pas reçus dans le canon, non quod eorum hominum, qui Deo placuerunt, reprobetur auctoritas, sed quod ista esse non credantur ipsorum. Ibid., XVIII, xxxviii, col. 598. Cf. Cont. Faustum, xi, 2, P. L., t. xlii, col. 245. Saint Jérôme définit aussi quelquefois les apocryphes des livres qui ne sont pas « de ceux dont le nom est marqué dans le titre ». Epist., cvii, ad Lsetam, n. 12, P. L., t. xxii, col. 877. Cependant, dans son Prologus galealus, P. L., t. xxviii, col. 556, il appelait apocryphes les livres de l’Ancien Testament qui ne sont pas dans les bibles hébraïques et qu’il n’admettait pas dans le canon, bien qu’il reconnût ailleurs, Præfatio in libros Salomonis, ibid., col. 1243, qu’ils étaient lus par l’Eglise pour l’édification du peuple. Il rangeait catégoriquement les deutérocanoniques de l’Ancien Testament au nombre de ces apocryphes, inter ἀπόκρυφα. Il les nommait encore apocryphes dans ses préfaces. In lib. Tobix, P. L, , t. XXIX, col. 24 ; In lib. Judith, ibid., col. 37. Le nom d’apocryphes, donné par saint Jérôme aux deutérocanoniques de l’Ancien Testament, a été répété par quelques écrivains du moyen âge qui admettaient néanmoins leur canonicité. Ainsi saint Isidore de Séville, Etym., VI, 1, n. 9, P. L., t. i.xxxii, col. 229-230. Alcuin avait des doutes sur la canonicité de l’Ecclésiastique, parce que saint Jérôme et saint Isidore ont rangé ce livre au nombre des