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APOCALYPSE

sation qu’à la fin du monde qui sera précédée de la venue de l’Antéchrist. Viégas, In Apoc. Joannis apost. comment, exegetici, Cologne, 1613 ; d’autres jésuites, Benoît Pereira, Corneille de la Pierre, Ménochius, Gordon, Tirin, Mariana, de Mendoza, adoptèrent avec de légères variations la même interprétation. Elle a été acceptée au xixe siècle par des catholiques : Bisping, Erklärung der Apoc., dans son Exegetisches Handbuch, Munster, 1876, t. ix ; Krementz, Die Offenbarung des heil. Johannes in Lichte des Evangeliums nach Johannes, Fribourg-en-Brisgau, 1883 ; Gallois, L’Apocalypse de saint Jean, Paris, 1895 (extrait de la Revue biblique) ; Tiefenthal, Die Apokalypse des hl. Johannes erklärt, Paderborn, 1892 ; Mémain, L’Apocalypse de saint Jean et le septième chapitre de Daniel avec leur interprétation, Paris, 1898 ; et par des protestants, Kliefoth, Die Offenbarung Johannes, 1874, etc. D’autres interprètes étendirent davantage l’annonce prophétique des événements de la première Église, de ses combats contre la synagogue et le polythéisme et appliquèrent les deux derniers chapitres seulement à la fin des temps. Salmeron, In Apoc. præludia, dans ses Opera, Cologne, 1615, t. xvi, ouvrit la voie, qui fut suivie par Louis de Alcazar, Investigatio arcani sensus in Apoc., Anvers, 1614. Des protestants, Grotius, Hammond, Le Clerc et Wetstein y entrèrent. Bossuet a rendu célèbre cette interprétation. L’Apocalypse avec une explication, Paris, 1689. Dupin, Analyse de l’Apocalypse, Paris, 1712 ; Calmet, Commentaire littéral, 2e édit., Paris, 1726, t. viii, p. 910-1026 ; Lallemant, Réflexions morales avec des notes sur le N. T., Paris, 1725, t. xii ; Guyaux, Comment. in Apoc., Louvain, 1781, l’adoptèrent, en la modifiant pour les détails. Au xixe siècle, elle a été acceptée par Mgr  de Bovet, L’esprit de l’Apocalypse, Paris, 1840 ; par Stern, Comment. über die Offenbarung, Schaffouse, 1854 ; par Ailloli dans sa version allemande de la Bible et par Beelen dans sa traduction néerlandaise.

6. Dès la seconde moitié du xviiie siècle, les rationalistes ont cessé de voir dans l’Apocalypse une prophétie de l’avenir ; ils y ont reconnu une histoire, écrite sous forme symbolique et apocalyptique. L’auteur parle donc exclusivement de son temps, par conséquent de la lutte de l’Église contre l’empire païen de Borne, figuré par Babylone et la bête. Les sept têtes de cette dernière sont sept empereurs, et l’Antéchrist est Néron, le grand persécuteur des chrétiens. L’auteur a pour but de consoler et d’encourager les persécutés ; il leur annonce le triomphe de l’Église et le retour prochain de Jésus-Christ. Nombreux sont les commentaires qui développent cette idée, nombreuses les variantes de détail. Citons seulement Eichhorn, Comment, in Apoc. Joannis, 1791 ; Ewald, Comment, in Apoc. Joannis, 1828 ; de Wette, Kurze Erklärung der Offenbarung Johannis, 1848 ; Volkmar, Kommentar zur Offenb. Joh., 1862 ; Kienlen, Commentaire historique et critique sur l’Apocalypse de Jean, 1870.

7. Au dernier stade de cette longue évolution, on a recherché les sources de l’Apocalypse. On s’est mis récemment à faire la critique littéraire de ce livre si discuté pour y trouver des principes nouveaux d’interprétation. Trois systèmes différents ont déjà vu le jour : le système des remaniements, celui des sources et celui des fragments. — 1° Le système des remaniements fut proposé par Völter, Die Entzlehung des Apok., Fribourg-en-Brisgau, 1882. L’Apocalypse était un écrit fondamental de l’année 65 ou 66, remanié par trois mains différentes, sous Trajan, sous Adrien et en l’an 140. E. Vischer, Die Offenbarung Johannis, dans Texte und Untersuchungen, Leipzig, 1886, t. ii, 3, découvrit dans le livre de saint Jean une apocalypse juive remaniée et développée plus tard par une main chrétienne. Il reconnaissait le texte primitif aux idées juives qui y étaient exprimées, et les retouches chrétiennes à leur caractère universaliste. Le professeur Harnack, de Berlin, accepta ces vues. Cf. Bulletin critique, t. viii, 1887, p. 1-5. — 2° Le théorie des sources fut. imaginée par Weyland, Omwerkings en compilatie-hypothese toegepast op de Apok. von Joh., 1888. Un rédacteur chrétien a mis en œuvre et compilé deux sources juives, l’une écrite sous Titus et l’autre sous Néron. Spitta, Offenbarung des Johannes, 1889, a découvert trois sources : celle à laquelle appartient la vision des sept sceaux, écrite après l’an 60, est d’origine chrétienne ; les deux autres sont juives ; celle dont faisait partie la vision des trompettes est du temps de Caligula ; à la troisième appartenait la vision des coupes. E. de Faye, Les Apocalypses juives, Paris, 1892, p. 45-67, 166-191, a adopté les principales conclusions de Spitta. Schmidt, Anmerkungen über die Komposition der Offenbarung Johannis, 1891, prétendit que l’Apocalypse, aussi bien que le IVe livre d’Esdras et l’Apocalypse de Baruch, était un conglomérat de visions différentes. — 3° Weizsäcker, Apostolisches Zeitalter, 1886, préféra la théorie des fragments. Considérant l’harmonieuse construction de l’Apocalypse, il y reconnut un ouvrage bien composé auquel on a ajouté plus tard, des fragments apocalyptiques plus anciens, de dates différentes. Sabatier, Les origines littéraires et la composition de l’Apocalypse de saint Jean, Paris, 1887, tient l’Apocalypse pour un ouvrage chrétien, auquel on a cousu des fragments juifs. Schön, L’origine de l’Apocalypse, 1887, a admis les mêmes conclusions. Bousset, Die Offenbarung Johannis, 1896, p. 127-152, après l’exposé et la discussion des deux systèmes précédents, se rallie à la théorie des fragments, et admet que l’auteur de l’Apocalypse a introduit dans son œuvre des traditions et des morceaux apocalyptiques antérieurs. Hirscht, Die Apokalypse und ihre neueste Kritik, Leipzig, 1896, a critiqué avec bon sens et succès ces théories contraires à l’unité littéraire de l’Apocalypse.

S’il fallait choisir entre un si grand nombre d’interprétations ou simplement indiquer nos préférences, nous serions fort empêché. Sans fixer notre choix, nous écarterions toute explication qui est inconciliable avec le caractère prophétique, que la tradition constante de l’Église a reconnu à l’Apocalypse. Les commentateurs catholiques n’étant pas d’accord sur le sens précis à donner aux visions de saint Jean, c’est à chacun à examiner, dans la grande variété des interprétations orthodoxes, celle qui répond le mieux au texte sacré, scientifiquement étudié.

VI. Enseignements doctrinaux.

L’Apocalypse est un livre spécifiquement chrétien, écrit tout entier pour des chrétiens afin de ranimer leur courage par la description vive des espérances chrétiennes. Son auteur n’est ni un juif, ni un judéo-chrétien, mais un apôtre de Jésus-Christ, né dans le judaïsme, versé dans la tradition juive, nourri des prophètes, entièrement détaché du judaïsme par l’amour de Jésus. Sa doctrine est donc la doctrine chrétienne ; toutefois, elle est exposée au moyen d’images et de symboles familiers aux prophètes de l’Ancien-Testament. Si les commentateurs discutent le sens de ses visions symboliques, ils sont d’accord pour y reconnaître des enseignements précis sur Dieu, Jésus-Christ, l’Église, les anges et la fin des temps.

I. DIEU.

Dieu est décrit avec ses perfections. Il est éternel, comprenant dans son existence toutes les parties de la durée, le passé, le présent et l’avenir ; il est l’alpha et l’oméga, le principe et la fin de tout, le tout-puissant, i, 4, 8 ; iv, 8 ; xi, 17 ; xxi, 6. Il est le créateur du ciel, de la terre, de la mer et de tout ce qu’ils contiennent, x, 6. Ses œuvres sont grandes et merveilleuses, et ses voies justes et véritables, xv, 3, comme ses jugements, xvi, 7 ; xix, 2. Il est juste et rend justice, surtout en punissant les persécuteurs de ses saints, parce qu’il est saint lui-même, vi, 10 ; xv, 4 ; xvi, 5-7 ; xix, 2, Quand il châtie, sa justice est animée par sa colère, ix,