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APOCALYPSE

1522 à sa traduction allemande de l’Apocalypse, déclare que ce n’est ni un livre apostolique, ni un livre prophétique ; il ne peut trouver qu’il ait été inspiré parle Saint-Esprit. Beaucoup de Pères l’ont autrefois rejeté. Mais cette préface, retranchée de l’édition de 1530, fut remplacée, en 1534, par une autre plus modérée et plus favorable à l’Apocalypse. Cf. S. Berger, La Bible au xvie siècle, Paris, 1879, p. 106-107. Zwingle ne pouvait voir dans l’Apocalypse un livre biblique. Dans son Institution, Calvin la cite comme Écriture. En 1546, le concile de Trente, sess. IV, De canonicis Script., définit que l’Apocalypse est un livre canonique. Les luthériens conservèrent longtemps encore les sentiments de leur chef. A partir de la seconde moitié du xviiie siècle, beaucoup de protestants ayant versé dans le rationalisme, nièrent l’inspiration de l’Apocalypse, que le concile du Vatican, en 1870, a de nouveau définie avec celle de tous les livres de la Bible.

Pour plus de détails, consulter les histoires du canon du Nouveau Testament, en particulier, Zahn, Geschichte des Neutestamentlichen Kanons, Erlangen, t. i, 1er  fasc, 1888, p. 220-262 ; t. i, 2e fasc., 1889, p. 560-562, 950-957 ; t. ii, 2e fasc., 1892, p. 967-973, 1021-1022, et W. Bousset, Die Offenbarung Johannis, Gœttingue, 1896, p. 11-33.

II. Authenticité.

Tous les critiques conviennent unanimement qu’à partir de la fin du iie siècle, la tradition ecclésiastique enseigne généralement que l’Apocalypse est l’œuvre de l’apôtre saint Jean. Il suffit de rappeler les témoignages de Tertullien, Adv. Marcion., iv, 5, P. L., t. ii, col. 306 ; d’Origène, dans Eusèbe, H. E., vi, 25, P. G., t. xx, col. 584 ; de saint Pamphile, Apologia pro Origene, P. G., t. xvii, col. 596 ; de Méthode de Tyr, Convivium, i, 5 ; viii, 4, P. G., t. xviii, col. 45, 144 ; de saint Athanase, Epist. ad Amunem monach., P. G., t. xxvi, col. 1177 ; de saint Cyrille d’Alexandrie, De adorat. in spiritu, vi, P. G., t. lxviii, col. 433 ; de saint Cyprien, Test., i, 20, P. L., t. iv, col. 689 ; de Rufin, Exposit. symbol., 37, P. L., t. xxi, col. 374 ; de saint Augustin, De doct. christ., ii, 12, P. L., t. xxxiv, col. 40, etc. Mais les rationalistes modernes attaquent le point de départ de cette tradition et prétendent qu’elle est le résultat d’une confusion entre l’apôtre Jean et le prêtre Jean, son contemporain, qui vivait à Éphèse. Longtemps, ils ont soutenu que l’Apocalypse et le quatrième Évangile ne pouvaient provenir du même auteur. Par un curieux revirement d’idées, beaucoup admettent maintenant l’identité d’auteur de tous les écrits, attribués à l’apôtre saint Jean. La plus ancienne tradition proclame que tous sont sortis de la même plume, et il existe, notamment entre l’Apocalypse et le quatrième évangile, une ressemblance de doctrine et d’expressions caractéristiques, telles que les noms de Λόγος ; et et d’Agneau, donnés à Jésus-Christ, l’image commune de « la source d’eau vive », etc., qui confirme la thèse de l’identité de leur auteur. Mais cet auteur, au lieu d’être, comme on l’a cru depuis des siècles, l’apôtre saint Jean, serait le prêtre Jean, le disciple bien-aimé qui a séjourné à Éphèse. Cf. Harnack, Die Chronologie der altchristlichen Literatur bis Eusebius, Leipzig, 1897, t. i, p. 656-680 ; W. Bousset, Die Offenbarung Johannis, p. 33-51. Sans traiter à fond la question dite « johannine », nous résumerons, au moins, ce qui concerne spécialement l’Apocalypse.

L’auteur de l’Apocalypse se nomme lui-même au début et à la lin de son livre. Il s’appelle Jean et il écrit aux sept Églises d’Asie ; il a vu et entendu les révélations que lui a faites Jésus, dont il est le serviteur. Apoc., i, 4, 9-11 ; xxii, 8. Son nom suffit à recommander son œuvre. Lui-même jouit d’une autorité incontestable sur les Églises d’Asie ; il connaît l’état de ces communautés et il est supérieur à leurs évoques. S’il ne se dit pas apôtre, c’est que ses titres à l’apostolat étaient suffisamment connus, et la manière dont il parle du collège apostolique. Apoc., xviii, 20 ; xxi, 14, ne laisse pas supposer qu’il n’en faisait pas partie. Il se donne certainement comme prophète. Or, dans ces mêmes passages, il loue les prophètes autant que les apôtres de l’Agneau. Si, dans le milieu où il a vécu, il avait existé un autre Jean, il se serait désigné par des caractères plus distinctifs et il aurait évité toute confusion avec son homonyme. Il ne l’a pas fait, parce que, dans les Églises auxquelles il adresse sa prophétie, on ne connaissait qu’un seul Jean, l’apôtre qui avait été exilé à Patmos et qui vivait à Éphèse, celui que la tradition a présenté comme le maître de saint Polycarpe et de saint Papias. D’ailleurs, l’Apocalypse est d’un auteur chrétien, israélite de race et d’éducation religieuse, trahissant à chaque page son origine par les hébraïsmes de sa langue, proclamant l’abolition de la loi mosaïque, l’universalité du règne du Messie et flétrissant l’obstination aveugle de la nation juive : caractères qui correspondent bien à tout ce que nous savons sur l’évangéliste et apôtre saint Jean.

Plusieurs témoignages indépendants d’écrivains ayant vécu dans l’Asie Mineure attribuent, dès le second siècle, l’Apocalypse à l’apôtre Jean. Ainsi, saint Justin, qui est devenu chrétien à Éphèse vers l’an 130, attribue plus tard, Dialog. cum Tryph., 81, P. G., t. vi, col. 670, l’Apocalypse à Jean l’apôtre. Cf. Eusèbe, H. E., iv, 18, P. G., t. xx, col. 376. Il est l’écho de la tradition de l’Asie et il ne parle pas du prêtre Jean. Si l’on tient compte de son témoignage, il faut admettre que saint Jean est l’auteur de l’Apocalypse ou prétendre que le changement du prêtre Jean en apôtre est antérieur à l’an 150. Or la confusion des deux personnages opérée à Éphèse à cette époque est peu vraisemblable. Le témoignage de saint Justin est corroboré par celui de Polycrate, évêque d’Éphèse. Eusèbe, H. E., v, 24, P. G., t. xx. col. 493-496. Saint Méliton, évêque de Sardes, avait fait un commentaire sur l’Apocalypse de Jean. Eusèbe, H. E., iv. 26, P. G., t. xx, col. 392. Saint Irénée a été l’auditeur de saint Polycarpe, qui fut disciple immédiat de saint Jean. Or, il attribue l’Apocalypse à l’apôtre. Cont. hær., iv, 20, P. G., t. vii, col. 1040. Malgré les insinuations de Harnack, son témoignage sur ce point reste valable. Cf. Labourt, De la valeur du témoignage de S. Irénée dans la question johannine, dans la Revue biblique, t. vii, 1898, p. 59-73.

Ces asiates ne connaissent pas le prêtre Jean. L’existence de ce dernier ne repose que sur le fameux texte de saint Papias, qui est devenu obscur à force d’avoir été étudié. Eusèbe, H. E., iii, 39, P. G., t. xx, col. 296-297. Le nom de Jean revient deux fois dans cette citation, d’abord dans une liste d’apôtres dont Papias a connu l’enseignement par l’intermédiaire de leurs disciples immédiats, puis associé au nom d’Aristion avec le surnom πρεσβύτερος et la qualité de disciple. Papias parle d’Aristion et du prêtre Jean comme étant ses contemporains. Eusèbe affirme que Papias les a connus personnellement, y a-t-il là deux catégories distinctes de personnages ? Beaucoup de critiques l’admettent. D’autres pensent que Jean, nommé deux fois, est l’apôtre dont Papias aurait été le disciple immédiat, d’après saint Irénée. Cont. hær., v, 33, P. G., t. vii, col. 1214. Eusèbe distingue les deux Jean ; mais son interprétation du fragment de Papias est accompagnée d’hésitations et implique une contradiction mal dissimulée. Dans sa Chronique, P. G., t. xix, col. 551, il affirme avec saint Irénée que Papias fut le disciple de l’apôtre Jean. De plus, André de Césarée, Anastase le Sinaïte, Maxime le confesseur, et peut-être Georges Ilamartolos, qui ont eu en mains l’ouvrage de Papias, s’accordent à dire que Jean d’Ephèse fut l’apôtre Jean. L’existence du prêtre Jean demeure donc très problématique. On peut soutenir que ce personnage est un être fictif, qui doit son existence supposée aux attaques dont l’Apocalypse a été