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APELLES — APHRAATE

Anthropologie. — L’anthropologie d’Apelles tranche un peu sur celle de la gnose. Nous ne savons pas si elle distinguait les hommes en pneumatiques, psychiques et hyliques ; il est pourtant probable que non. Car Apelles se contente d’affirmer la préexistence des âmes, sans nous dire, il est vrai, qui les a créées, si c’est le Dieu bon ou le créateur. Il tient de Philumène qu’elles ont un sexe qui détermine le sexe du corps auquel elles sont associées. Tertullien, De anim., 36, P. L., t. ii, col. 712. Or, avant d’animer un corps, elles vivaient dans une demeure supra-céleste. Mais là elles ont été tentées grossièrement par l’ange de feu, le Dieu d’Israël ou le démiurge, et elles ont misérablement succombé. Aussi, pour les punir, le créateur les a-t-il revêtues de chair. Tertullien, De anim., 23, P. L., t. ii, col. 686. Le corps n’est donc qu’une prison. La mort sera une délivrance pour l’âme ; le corps restera sur terre, il ne ressuscitera pas. Saint Épiphane, loc. cit., col. 825. Reste la question de savoir si toutes les âmes sans distinction seront sauvées. Une réponse affirmative semble la résoudre à première vue. Cependant, dans sa réponse à Rhodon, Apelles exige, au moins pour les chrétiens, que les bonnes œuvres accompagnent la foi dans le Christ. Mais qu’en est-il des autres hommes ? Apparemment, ils avaient toutes les chances d’être sauvés, puisque, d’après Apelles, le mieux pour chacun est de rester dans la croyance dans laquelle il se trouve. Et si Apelles, sur ce point particulier, ne s’écartait pas de la théorie gnostique (ce que nous ignorons, mais est fort vraisemblable), il y a lieu de croire que tous ses partisans étaient assurés de leur salut par le fait même qu’ils étaient ses partisans. Quant aux conséquences pratiques découlant de tels principes, on ne sait si, comme chez la grande majorité des gnostiques, elles revêtaient un caractère d’immoralité révoltante ; car les auteurs se taisent sur ce point.

III. Réfutations. — Le système d’Apelles a fixé l’attention de ses contemporains et a suscité d’énergiques répliques de la part des chrétiens. Tertullien, toutes les fois que l’occasion se présente, ne cesse de relever dans ses ouvrages les contradictions ou les faux principes d’Apelles. Rhodon, un disciple de Tatien, est également entré en lice. Il a combattu Apelles de vive voix, l’a réduit à un aveu d’ignorance et s’est étonné que, dans ces conditions, il ait pu se faire le docteur des autres. Dans un ouvrage adressé à Callistion, il a aussi consigné par écrit le résultat de sa conférence. Eusèbe, H. E., v, 13, P. G., t. xx, col. 461.

Tillemont, Hist. eccles., t. ii, p. 281-284 ; Harnack, De Apellis gnosi monarchica, Leipzig, 1874 ; Syllogismes d’Apelles, Sieben neue Bruchstücke der Syllogismen des Apelles, dans Text. und Untersuch., t. vi, fasc. 3, Leipzig, 1890 ; Dictionnary of Christian biography, Londres, 1877-1887, art. Apelles.

G. Bareille.

APHRAATE ou PHARHAD, surnommé le « Sage Perse » par les écrivains syriaques postérieurs, écrivit, entre 336 et 345, vingt-trois démonstrations ou traités, qui constituent l’œuvre la plus ancienne que nous possédions intégralement en syriaque, et nous sont parvenues dans trois manuscrits (ve-vie siècles) du Musée britannique. Avant leur découverte, en 1855, par W. Cureton, on en connaissait une version arménienne incomplète, œuvre du ve ou du vie siècle, publiée à Rome (1756) et à Venise (1765 et 1788) sous le nom de saint Jacques de Nisibe, avec une traduction latine inexacte et fautive. — I. Vie. II. Œuvres. III. Doctrine.

I. Vie d’Aphraate. — Nous savons peu de chose de la vie d’Aphraate. Il ressort seulement de la lecture de ses écrits qu’il naquit dans le paganisme, et qu’après sa conversion, il embrassa la vie religieuse ou ascétique. Il apparaît ensuite comme un personnage constitué en dignité dans l’Église et très vraisemblablement revêtu de la dignité épiscopale.

Aphraate adopta le nom de Jacques, soit lors de son baptême, soit, conformément à l’usage oriental, non pas à son entrée dans les ordres, mais à la réception de l’épiscopat. Ce second nom, qui se trouve déjà dans une note d’un manuscrit du Musée britannique (Addit. 17182) daté de 510, peut expliquer la confusion que Gennade et l’auteur de la version arménienne ont faite de notre auteur avec Jacques de Nisibe. Celui-ci mourut en 338, antérieurement à la rédaction des treize dernières démonstrations.

On ignore dans quel endroit de la Perse notre auteur composa ses ouvrages. Il était sujet du roi Sapor ; d’autre part, la pureté de son style montre qu’il appartenait aux provinces syriennes soumises au roi de Perse, et voisines des frontières de l’empire romain. On peut ainsi accepter en quelque manière l’indication fournie par la note marginale d’un manuscrit du xive siècle (British Museum, Orient, 1017) : qu’il aurait vécu dans le monastère de Mar-Mattai, au nord est de Mossoul ; mais il n’est rien moins que certain que ce couvent existât comme siège épiscopal, dès cette époque.

Sur la durée de la vie et la date de la mort d’Aphraate, nous ne possédons non plus aucune donnée précise. Mais si nous avons égard à la science dont il fait preuve, à sa connaissance des Écritures, à son expérience et à la considération dont il a joui, nous pouvons admettre qu’il était d’un âge avancé au début de la persécution de Sapor (340). Au surplus, Bar-Hébrœus présente Aphraate comme le contemporain de Papas, évêque de Séleucie-Ctésiphon. Cltronicon ecclesiasticum, ii, 2, c. x, Louvain, 1872, t. i, p. 85. Papas, qui lut l’occasion de grands troubles dans les églises de Mésopotamie, mourut en 335, d’après la chronologie de Bar-Hébræus, ou en 326, selon Amru. Assémani, Bibliot/teca orientalis, t. m a, p. 612. Ces dates répondent à celles qu’Aphraate a lui-même données à ses démonstrations (336-345). En outre, la démonstration xiv, adressée sous forme d’exhortation au clergé et au peuple de Séleucie-Ctésiphon, fait une allusion expresse à ces troubles (février-mars 344), et peut-être est-ce de Papas lui-même que parle l’auteur, quand il dit au § 8 de ce traité : « Il s’est trouvé parmi vous l’un de nos frères, orné de la tiare, que ceux de sa région ne voulurent point reconnaître… Il alla donc trouver au loin des rois étrangers, leur demandant des fers et des chaînes qu’il se mit à distribuer dans sa région et dans sa ville… » Patrologia syriaca, Paris, 1894, t. i, Aphraalis Demonstrationes, p. 587. En ce cas, Aphraate n’aurait pas été favorable à cet évêque. Aussi est-ce peut-être Aphraate qui est visé dans le discours d’Agapil au concile de Dadjésu (430) : « Des évêques audacieux et indociles, y est-il dit, réprimandés sévèrement par le saint et illustre grand prêtre, le fidèle Mar Papas, catholicos, s’en allèrent auprès de Mar Miles et des vertueux évêques comme lui, dont ils troublèrent la conscience. Dans leur simplicité, ceux-ci se laissèrent entraîner à leur suite, sans le savoir, par un vain zèle, … reçurent le témoignagne de ces rebelles en qualité de juges, et déposèrent Papas sans en avoir le droit. Quant aux vertueux évêques qui étaient dans l’assemblée tenue contre Mar Papas, quelques-uns sont sortis de ce monde honorés du martyre ; d’autres sont morts avec une bonne réputation ; ceux qui vivent encore furent laissés, non à cause de leurs œuvres, mais parce qu’ils furent reconnus naïfs et simples, et que pour cela les pervers les avaient trompés. » J.-B. Chabot, Conciles nestoriens, Paris, 1901, p. 45.

A ce document il faut joindre un ancien martyrologe syrien. De Rossi et L. Duchesne, Martyrologum hieronymianum, Acta sanctorum, t. il nov., p. flxiii, Ixiv). Cf. W. Wright, An ancient syrian martyrology, dans Journal of sacred literature, 1866, t. viii, p. [10] et 431 ; où est mentionné, avec Abbas. Dali, Miles et d autres évêques, le confesseur Aphraate. Il est possible