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ANTIST — ANTOINE

traduction française d’Antoine Thomas a été publiée à Paris, 1706, 1 vol. in-12.

Quétif-Echard, Scriptores ordinis prædicatorum, t. ii, p. 325.

P. Mandonnet.

ANTITACTES, secte gnostique du iie siècle. Clément d’Alexandrie, dans ses Stromates, défend le mariage contre les attaques dont il était l’objet de la part des hérétiques, disciples de Valentin, de Basilide, d’Isidore, d’Épiphane, de Marcion et de Prodicus, c’est-à-dire contre la fine fleur du gnosticisme. A ce sujet, il nomme les Antitactes, caractérise leur genre d’opposition et les réfute. Strom., iii, 4, P. G., t. viii, col. 1137 sq.

Voici le point de départ, l’idée fondamentale de leur système. Le Dieu de l’univers est notre père par nature ; tout ce qu’il a fait est bon. Or l’une de ses créatures a semé la zizanie dans l’œuvre du Dieu bon et a donné ainsi naissance au mal, dans lequel il nous implique pour nous mettre en opposition avec le Père. Notre devoir est donc de venger le Père, en contrecarrant les ordres de l’auteur du mal. Celui-ci a dit : non mœchaberis. Il faut réduire à néant sa défense. On retrouve là l’idée des deux dieux, introduite dans la gnose par Cerdon et que Marcion devait systématiser, le dieu bon et suprême et l’organisateur du monde, ou le démiurge, dans lequel on verra le Dieu des Juifs, le Dieu de la Bible. Le système aboutit en dernière analyse, comme chez la plupart des gnostiques, à l’émancipation de la chair, au libertinage. C’est d’abord faire abus d’hypothèse que de mettre en opposition le Dieu bon et le démiurge et d’exalter l’un pour se débarrasser de l’autre. Mais c’est surtout se mettre en contradiction avec soi-même. Car le démiurge a porté plusieurs prescriptions. Or on ne vise que celle qui condamne la luxure sous toutes ses formes, et on néglige les autres. S’il a dit : non mœchaberis, il a dit également : crescite et multiplicamini. Pourquoi ce choix exclusif, cette désobéissance d’une part et cette docilité de l’autre ?

Les antitactes, à l’exemple des autres gnostiques, appelaient la Bible à leur aide. Il est vrai que, pour y trouver l’excuse et mieux la légitimation de leurs excès, ils lui faisaient dire ce qu’ils voulaient. C’est ainsi que ce passage de Malachie, iii, 15 : Deo restiterunt et salvi facti sunt, se transformait en cet autre : Deo restiterunt impudenti, et constituait ce principe, inattaquable à leurs yeux : résister au dieu impudent, c’est se sauver. Ils ne remarquaient pas que la phrase, rapportée par le prophète, n’est qu’une expression de mécontentement contre la providence, de la part des gens du peuple qui murmurent parce qu’ils sont châtiés pour leurs péchés, alors que d’autres, qui se conduisent aussi mal, sont laissés indemnes. Et c’est ce blasphème qu’ils alléguaient comme une règle de conduite, comme un principe de salut. Du reste, pour légitimer leurs immoralités, ils employaient des procédés d’exégèse (lecture fantaisiste, transposition d’accents et de points) qui défiguraient complètement le texte sacré et l’escamotaient en leur faveur. Les antitactes sont clignes de prendre place à côté des adamites et des ophites. Ils ont vécu dans un même milieu de dégradation et de perversité.

Clément d’Alexandrie, Strom., iii, 4, P. G., t. viii, col. 1137 sq. ; Théodoret, Hæret. fab., i, 16, P. G., t. lxxxiii, col. 368.

G. Bareille.

ANTITRINITAIRES. Voy. Sociniens.

1. ANTOINE (Saint). — I. Vie. II. Règle qui porte son nom. III. Ouvrages.

I. Vie. — Né à Comon (251), dans l’Égypte supérieure, Antoine embrassa la vie religieuse à l’âge de dix-huit ou vingt ans. Des ascètes, qui s’étaient depuis longtemps exercés dans ce genre de vie, lui servirent de modèle. Il avait trente-cinq ans lorsqu’il s’enfonça dans le désert, où un vieux château abandonné sur une montagne lui servit de retraite pendant une vingtaine d’années. Vers 305, en pleine persécution, des disciples commencèrent à se réunir autour de lui. Leur nombre s’accrut promptement ; il se serait élevé jusqu’à 6000 d’après Rufin ; ils se répandirent dans les déserts et sur les montagnes de la contrée. Phaïum était le nom de ce premier centre monastique. Quelques-uns allèrent plus loin en Thébaïde et en Égypte ; saint Hilarion se rendit en Palestine, sa patrie. Antoine s’était relire, après la fin de la persécution, sur le mont Colzim, en plein désert, dans la direction de la mer Rouge. Il y recevait de nombreuses visites et continuait à exercer sur les moines une salutaire influence. Il allait de temps à autre visiter ceux qui habitaient plus près du Nil. A tous il donnait sur la vie spirituelle et sur la vie religieuse des enseignements qui se transmettaient de solitude en solitude. Les laïques profitaient de sa doctrine. Sous le feu de la persécution (311), il n’avait pas craint d’aller s’exposer au martyre, dans la ville d’Alexandrie, pour ranimer le courage des chrétiens. Plus tard, lorsque l’arianisme parut triompher, il alla de nouveau à Alexandrie faire publiquement profession de sa foi à la consubstantialité du Verbe (vers 355). L’aversion pour l’arianisme qu’il montra en toutes circonstances, et la constance de son amitié pour saint Athanase furent pour beaucoup dans le triomphe de l’orthodoxie. Il mourut en 356, âgé de cent cinq ans.

C’était un honneur dans les solitudes égyptiennes de passer pour un disciple de saint Antoine. Les deux Macaire, Isidore, Héraclide, Pambon, Chronios que les solitaires de Nitrie et de Scété vénéraient comme leurs chefs et leurs pères, disaient avoir reçu ses leçons. Macaire, d’Alexandrie, eut même recours à des faits merveilleux pour montrer qu’il était vraiment l’héritier de ses vertus et de son esprit. [Saint Antoine ne chercha jamais à établir parmi les ermites, dont il l’ut le patriarche, une hiérarchie, une organisation quelconque. Former ses disciples à son image, leur tracer une ligne de conduite conforme à la sienne, telle fut son œuvre. Ses actions, sa vie tout entière inculquaient à ceux qui le voyaient ou entendaient parler de lui les saines notions de la vie religieuse avec plus de force que tous les discours. Saint Athanase écrivit sa vie. Il voulait faire autre chose qu’une simple biographie. Il la dédia à des religieux italiens : « Je sais, leur écrivit-il, que, après avoir conçu pour cet homme une vive admiration, vous désirez imiter son genre de vie. Sa vie est en effet un modèle que l’on peut proposer à l’imitation des moines. Lisez-la donc à d’autres frères, ajoutait-il, afin qu’ils apprennent ce que doit être la vie des moines. » Ce sont les préceptes de la vie religieuse que le patriarche d’Alexandrie a promulgués sous une forme narrative. La vie de saint Antoine fut comme l’Évangile du monachisme, un code en action, une règle dans le sens large qu’on donnait alors à ce mot.

II. Règle qui porte son nom.

Nous avons, en outre, une règle qui porte le nom de saint Antoine. Elle ne saurait être de lui. C’est l’œuvre d’un moine d’une époque postérieure, qui en a pris les éléments dans la vie du saint, dans les écrits qui lui sont attribués et dans les sermons de l’abbé Isaïe. L’auteur entend bien intimer des ordres dans ses phrases courtes comme des sentences. Il s’adresse à des religieux vivant séparés dans leurs cellules, se réunissant à l’église et pouvant avoir des disciples. Il cherche moins à donner un règlement pratique qu’à émettre des principes capables d’imprimer au cœur et à l’esprit une direction ferme. Le moine trouve dans ces formules concises la lumière dont il a besoin pour se conduire dans tous les exercices qui remplissent sa vie.

S. Athanase, Vita S. Antonii, P. G. t. xxvi, col. 867-908 ; Tillemont, I, vii, 101-144 ; Regulæ S. Antonii, P. L., t. ciii,