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ANTIOCHE, PATR. SYRIEN-CATH.


patriarche lui-même. On donna à ces fidèles pour évêque André Akidjan, ancien élève de la Propagande. A la mort d’Ignace-Siméon, les catholiques syriens d’Alep choisirent comme patriarche Msr Akidjan qui adressa sa profession de foi au saint-siège en 1665. Les jacobites voulurent enrayer le mouvement vers Rome qui se dessinait de plus en plus et réussirent, avec l’appui de l’autorité turque, à s’emparer de l’église catholique et à persécuter les syriens de toutes les manières. Ceux-ci ne se laissèrent point éhranler, ils appelèrent à leur aide les capucins et les jésuites et nommèrent après Akidjan comme patriarche Grégoire de Jérusalem qui prit le nom d’Ignace. Peu après, ils obtenaient de Constantinople un firman impérial qui ordonnait de leur restituer l’église volée, tandis que le patriarche recevait la confirmation de Rome et consacrait deux nouveaux évêques. Les jacobites reprirent l’église d’Alep et recommencèrent leurs vexations contre les syriens-unis ; le patriarche catholique Etienne et trois évoques de sa communion moururent en 1706 dans les cachots d’Adana. Il faut lire dans la Revue de l’Orient chrétien, 1896, p. 43-87, Une page de l’histoire de l’Eglise de Mardin au commencement, du xviiie siècle, écrite par un témoin oculaire, pour avoir une idée des violences inouïes auxquelles étaient en butte les syriens de la part de leurs ennemis. Et ce que le chammas Elias nous raconte de Mardin, en 1708, se reproduisait alors un peu partout.

Durant tout le xviiie siècle, les persécutions des jacobites furent telles que l’Église syrienne en fut presque anéantie et la série des patriarches interrompue jusqu’en 1783. Cette année-là, le patriarcat catholique fut rétabli, non plus avec le titre d’Alep qu’il avait auparavant, mais avec celui d’Antioche. Voici à quelle occasion : quelques années avant 1783, le patriarche jacobite Grégoire III, persécuteur acharné des syriens, avait réuni tous ses évêques dans un synode ; l’archevêque d’Alep, Michel Jarvé, secrètement converti, profita de ce concours pour semer les idées de l’union qui furent acceptées par l’évêque de Mossoul. Les deux prélats, une fois de retour dans leurs diocèses, cherchèrent à gagner les prêtres et les fidèles. Alep se rendit facilement ; à Mossoul, deux prêtres et quelques laïques seulement désertèrent les jacobites. La providence ménageait une grâce tout à fait inattendue. Le patriarche Grégoire III, sur le point de paraître devant Dieu, convoqua ses suffragants autour de son lit de mort et les pria de lui donner pour successeur Michel Jarvé, archevêque catholique d’Alep. Jarvé, prévenu de ces bonnes dispositions, se rendit aussitôt à Mardin, gagna à sa cause le clergé du lieu, de nombreux fidèles, quatre évêques et l’archevêque de Jérusalem. Ces prélats se réunirent, à la mort du patriarche Grégoire III, et élurent Jarvé comme patriarche syrien d’Antioche. Celui-ci prit le nom d’Ignace IV, fit de la ville de Mardin le siège de son Église et demanda la confirmation à Rome, se préparant ensuite à réclamer de la Porte le firman d’investiture. Durant ces délais, les jacobites un instant décontenancés s’étaient ressaisis ; ils nommèrent patriarche Mathieu, évêque de Mossoul, qui s’empressa de courir à Constantinople pour obtenir l’approbation du gouvernement. Il en revint avec tous les pouvoirs nécessaires, fut reconnu sans résistance par la masse de la population et chercha à se débarrasser de son rival. Jarvé n’échappa à la mort qu’au prix de mille dangers, il s’enfuit à Bagdad, puis au mont Liban où il trouva près des maronites un asile assuré. Il y jeta les fondements du monastère de Charfé, dans le district du Kesrouan, et y établit le siège patriarcal, à l’abri des persécutions. Lorsqu’il mourut, en 1801, en odeur de sainteté, le nombre des catholiques avait augmenté cl l’Église syrienne catholique se trouvait reconstituée,

A Jarvé succéda Daher, curé d’Alep, élu le 20 décembre 1802 et que Pie VII dut réprimander en 1808 à « ause de son despotisme. Deux ans après, il donna sa

démission et fut remplacé par Ignace-Siméon Huidi, qui abdiqua, à son tour, le 1 er juin 1818. Jusqu’en 1828, le patriarcat fut administré par un vicaire. Denys Hadaïa, évêque d’Alep, ou, pour mieux dire, Pierre Jarvé, neveu du patriarche de ce nom et archevêque de Jérusalem, fut élu en 1820. mais il ne reçut sa confirmation de Rome que le 28 janvier 1828. En 1830, la Porte accorda définitivement le firman qui consacrait la séparation civile et religieuse des syriens catholiques d’avec les jacobites. L’année suivante, Jarvé transportait sa résidence de Dharfé à Alep. Sous son patriarcat se convertirent cinq évêques jacobites inlluents, parmi lesquels Antoine Semhiri, vicaire général des jacobites ; ces conversions décidèrent un grand mouvement de retour vers le catholicisme, tout en attirant de nouvelles persécutions du coté des hérétiques et des Turcs. Plusieurs furent emprisonnés et roués de coups de bâton, d’autres précipités du haut des terrasses ; ces violences ne cessèrent qu’en 1847 à la mort du patriarche Élie, adversaire haineux des catholiques, grâce surtout à l’intervention des consuls européens. Jarvé mourut le 30 novembre 1853 et Antoine Semhiri lui succéda l’année d’après. Celui-ci transporta le siège patriarcal à Mardin et se rendit à Rome et en France afin de recueillir des aumônes qui lui permirent de rebâtir l’église, la bibliothèque et la. résidence patriarcale brûlées par les Turcs en 1850. A sa mort, survenue le 14 mars 1864, le saint-siège désigna comme locum tenens M9 r Schelhat, archevêque d’Alep, qui remplit cette charge jusqu’à l’élection deMa r Arcous, évêque de Diarbékir, 6 août 1866.

Ce fut Mor Arcous qui représenta sa nation au concile du Vatican. Il mourut le 7 mars 1874 et eut pour successeur M9 r Georges Schelhat. Sous ce dernier patriarche, 8 000 jacobites environ rentrèrent dans le giron de l’Église ; parmi eux on remarquait un archevêque et deux évêques. Pour suppléer au manque de prêtres, Mo r Schelhat réorganisa la congrégation des frères de Saint-Éphrem, leur construisit un couvent à Mardin et les appliqua, sous sa direction, aux études sérieuses. Malheureusement, cette congrégation indigène n’a pas encore donné tous les résultats qu’on pouvait en attendre ; elle se compose d’une maison à Mardin où vivent quelques religieux et de quatre autres maisons où des séculiers non mariés, plutôt que des moines, se livrent à l’instruction de la jeunesse. M9 r Schelhat mourut le 8 décembre 1892, et Ma r Benham Benni, le savant archevêque de Mossoul, lui succéda le 12 octobre 1893. Il se rendit à Constantinople, puis à Rome où il fit partie de la réunion des patriarches orientaux, en octobre 1891. Il est mort le 13 septembre 1897, et Ma r Éphrem Rahmani, précédemment archevêque d’Alep, a été appelé à le remplacer le 9 octobre 1898 ; il a été confirmé dans le consistoire du 28 novembre 1898. Le patriarche actuel s’est acquis en Europe une juste réputation de savant ; ses vertus et son zèle ne sont pas au-dessous de son talent. Déjà, l’évêque jacobite de Homs et Hama s’est rendu à la voix de la grâce, comme l’avait fait, sous Mo r Benham Benni, Mo r Abdoullah, évêque de Diarbékir. Partout, en Mésopotamie et dans la haute Syrie, les âmes simples s’ébranlent et viennent grossir le petit troupeau des Syriens catholiques ; le vide commence à se faire sentir au couvent de Deir-Zafaran autour du patriarche jacobite qui se considère, nous disait récemment Mo r Rahmani, comme le dernier titulaire jacobite d’Antioche.

II. Situation actuelle et statistique.

D’après les Missiones catholicx de 1898, les syriens sont 22 700, répartis en neuf diocèses, comme on le verra plus bas. Depuis lors, ce chiffre a été accru de plusieurs centaines et peut-être de quelques milliers ; il nous manque une statistique officielle pour donner les résultats de ces dernières années. Les syriens sont aides dans leur œuvre d’évangélisalion par les communautés européennes