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ANTIOCHE, PATR. SYRIEN-CATH.

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les couvents du vilayet de Mossoul, où le clergé reçoit une formation supérieure ; mais, hélas ! ces asiles de la science se changent trop souvent en foyers d’opposition irréductible à toute entente avec Rome.

Il importe de mentionner une autre cause de division, laissée jusqu’ici dans l’ombre, et qu’on ne doit pas négliger si l’on veut se rendre bien compte de la constitution interne de l’Église jacobite. Le patriarche grec d’Antioche, nous l’avons vu plus haut, était, dans les premières années du christianisme, représenté en Perse par le catholicos de Séleucie-Ctésiphon qui proclama son autonomie en se déclarant nestorien, à la fin du Ve siècle. Les jacobites voulurent avoir, eux aussi, leur catholicos pour les monopbysites persans. Ils accordèrent donc à un des leurs la dignité de maphrian, identique à celle du catholicos nestorien. On ne connaît pas la date précise de cette institution. Le Quien, Oriens christianus, t. ii col. 1533, la fait remonter aux origines mêmes de cette Église ; d’après Silbernagl, Ver f assung der Kirc lien des Orients, p. 258, elle daterait du VIIe siècle. Maruthas, le premier maphrian connu, fixa sa résidence à Tagrit en Mésopotamie, en 629. Cette ville fut détruite par les Arabes en 1089 et le siège transféré à Mossoul. En 1155, Ignace Lazare obtint du patriarche Athanase de joindre à son diocèse, comprenant Mossoul, Tagrit et Ninive, le couvent de Saint-Mathieu qui est devenu la résidence habituelle des maphrians. Jusqu’au XVIe siècle, ce dignitaire jouissait du pouvoir patriarcal sur un grand nombre d’évêchés soumis directement à son autorité, 12 à 18 dès le début, une trentaine plus tard ; il avait aussi le droit de confirmer le patriarche. Aujourd’hui, cette charge a perdu tout son prestige, et le maphrian n’a plus que le privilège de siéger à la droite du patriarche et de le remplacer en cas de vacance.

Il resterait encore à parler des jacobites du Malabar ou chrétiens de Saint-Thomas qui, négligés pendant des siècles, reçurent en 1653 du patriarche de Mardin le métropolite de Jérusalem, Grégoire, et se rangèrent sous sa juridiction. Grégoire institua une hiérarchie locale dont les chefs, sous le nom de Mar Thoma, gouvernèrent l’Église jacobite de ces contrées et revendiquèrent avec le temps leur autonomie complète.

III. Situation actuelle et statistique.

Le nombre des métropoles et des évèchés, qui dépendaient primitivement du patriarcat jacobite, n’est pas facile à déterminer. Du viie au xie siècle, les sièges épiscopaux augmentèrent et, au xiie siècle, il y avait bien 20 métropoles et 100 évèchés disséminés en Syrie, Mésopotamie, Asie Mineure et dans l’île de Chypre.

En 1237, le dominicain Philippe assurait que le patriarche commandait encore à 70 prélats. L’évêque de Sidon lui attribue, en 1583, deux métropoles, dix archevêchés, onze évèchés, sans compter les évêques titulaires. Bévue de l’Orient chrétien, t. ni (1898), p. 214. Les jacobites possédaient alors 50000 familles répandues en Syrie, en Mésopotamie et en Babylonie, et dont la plus grande partie s’adonnait à l’agriculture. A la fin du xviie siècle, Faustus Nairon, Evoplia, p. 44, énumère cinq métropoles : Diarbékir, Mossoul, Alep, Jérusalem et Maada, et vingt évèchés. Actuellement, il y a 8 métropolites et 3 évêques qui dirigent environ 80 000 habitants : 1° le métropolite de Jérusalem qui réside à Zafaran et se fait remplacer par un délégué dans la Ville sainte ; 2° le métropolite de Mossoul ; 3° le métropolite de Mardin ; 4 ? le métropolite d’Fdesse ; 5° le métropolite de Kharpout avec résidence à Mezraa, près de cette ville ; 6° le métropolite et abbé de Mar Mat lai, couvent près de Mossoul ; 1° et 8° deux métropolites sans diocèse, qui restent près du patriarche ; 9°, 10° et 11° trois évêques qui demeurent dans les monastères du district de Tour Abdin, où se trouvent 150 villages habités par les jacobites.

Les 150 familles jacobites de Diarbékir n’ont pas d’évêque, elles relèvent du patriarche qui y délègue un

évëque. Il y a, de même, un évêque délégué à Jérusalem, et un autre à Constantinople. Plusieurs colonies sont établies en Egypte, d’autres ont émigré dans plusieurs villes des États-Unis, comme New-York, Boston, Detham, Springfield etc. ; l’archimandrite Raphaël est à leur tête.

En dehors de Le Quien, Oriens christianus, Paris, 1740, t. ii, col. 1357 sq., on peut consulter Silbernagl, Verfassung der Kirchen des Orients, p. 253-205.

S. Vailhé.

V. ANTIOCHE, patriarcat syrien-catholique. — I. Histoire du patriarcat. II Situation actuelle et statistique.

I. Histoire du patriarcat syrien.

On appelle syriens purs ceux qui ont abandonné l’hérésie jacobite pour se soumettre à l’Église romaine et reconnaître l’autorité du patriarche catholique qui réside à Mardin. Cette Église syrienne date en grande partie du xviiie siècle, bien qu’il y ait eu, à diverses reprises, depuis le moyen âge, plusieurs tentatives d’union. Déjà, à l’époque des croisades, les princes latins de Syrie et de Palestine s’efforçaient d’user de bienveillance envers les jacobites afin de les attirer par ces marques de sympathie à partager la même foi ; mais ces Orientaux, le haut clergé surtout, se tenaient à l’écart dans une réserve jalouse, et le maphrian Denys Bar-Salibi envoyait en 1169 une explication de la messe à l’évêque jacobite de Jérusalem afin de le défendre contre les Francs. Assémani, Bibliotheca orientalis, t. ii, p. 156. En l’an 1237, le P. Philippe, prieur des dominicains de Palestine, écrivait à Grégoire IX que le patriarche des jacobites était arrivé à Jérusalem avec un grand nombre d’évêques et de moines, qu’il avait promis obéissance au pape et abjuré toute hérésie. Cette conversion subite était le fait de l’invasion tartare ; le danger passé, tous retournèrent au schisme. Dix ans plus tard, le même patriarche Ignace reconnut la suprématie de Rome et le maphrian Jean Bar-Muadan déclara que l’Église romaine est la mère et la tête de toutes les Églises, mais l’union n’en fut ni plus sincère ni plus durable. L’archevêque d’Édesse, Abdallah, délégué du’patriarche syrien Ignace, arriva à Rome en 1444. L’accord se fit, dans une congrégation de cardinaux et de théologiens nommés par le pape, sur les trois questions de la procession du Saint-Esprit, des deux natures et des deux volontés en Jésus-Christ. Abdallah adhéra, en outre, au contenu des décrets d’union publiés pour les grecs, les arméniens et les coptes ; puis, dans la première session du concile de Florence transféré à Latran, 30 septembre 1444, il renouvela solennellement les mêmes déclarations, et l’union fut formellement conclue. Hefele, Histoire des conciles, § 827, trad. Leclercq, Paris, 1908 sq., t. vu. Il ne paraît pas que cette entente ait eu des conséquences pratiques.

En 1555, le patriarche jacobite Ignace-Jacob IV envoya à Rome le prêtre Moussa pour y faire imprimer des livres en syriaque ; Moussa prononça devant Jules III, au nom de sa nation, une profession de foi catholique que son patriarche désapprouva. Vers l’an 1560, sous le patriarche Néhémétallah, l’évêque Jean Cacha partit pour Rome afin d’arriver à s’unir avec le saint-siège. Le pape Pie IV le reçut avec bienveillance et encouragea ses efforts, lui remettant même une lettre pour son patriarche ; mais celui-ci éprouva de telles difficultés de la part du gouvernement et de ses fidèles qu’il finit par se faire musulman. Ensuite, pris de remords, il s’enfuit à Rome et y mourut bon catholique. Ce fut lui qui obtint en 1583 l’envoi du délégué apostolique, Léonard -Abel, évêque de Sidon, auprès de son frère et successeur, le patriarche David ; mission qui, d’ailleurs, échoua complètement. Voir la relation de cette mission dans la Revue do l’Orient chrétien, 1898, p. 201-216. Vers le milieu du xviie siècle, sous le patriarcat d’Ignace-Siméon, les missionnaires capucins parvinrent à ramener au catholicisme la plus grande partie des jacobites d’Alep et le