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ANTIOCHE, PATR. JACOBITE


vue de Hiérapolis, avoir agi sur la volonté mobile d’Héraclius pour le pousser vers le monothélisme, conséquence logique du monophysisme.

On trouvera la liste des titulaires jacobites d’Antioche dans Le Quien, Oriens christianus, t. ii col. 1357-1408, qui a résumé les travaux d’Assémani lequel, à son tour, avait déjà reproduit les recherches de Bar-Hébrceus et d’autres chroniqueurs monophysites. Voir aussi B.Meissner, Eine synische Liste antiochenischer Patriarchen, dans Wiener Zeitsclirift fur die Kunde des Morgent andes, t. iivi p. 295-317. M. l’abbé Chabot a publié dans la Revue de l’Orient chrétien, 1899, t. iv, p. 444-451, 495511 ; t. v, p. 605-636, la liste des patriarches jacobites depuis Sévère jusqu’à Michel I er (513-1199). A partir de l’année 793, cette liste comprend les noms de tous les évêques ordonnés par chaque patriarche. Elle nous présente donc « le tableau le plus complet que nous ayons de la hiérarchie de l’Église jacobite, depuis la fin du vme jusqu’à la fin du xiie siècle », soit plus de 900 noms nouveaux.

II. Histoire du patriarcat.

Durant de longues années, les patriarches jacobites n’eurent pas de siège fixe, résidant de préférence à Diarbékir ou au couvent de Barsumas, près de Mélitène.

Au viiie siècle, Élie (709-724) obtint du calife l’autorisation de construire la première église de la secte dans la ville d’Antioche, sans qu’il pût toutefois y établir le centre de son patriarcat. Athanase III contracta, en 726, l’union avec les Arméniens dans le synode de Tofin. Denys de Tell-Mahré (818-845) eut à soutenir des luttes incessantes contre ses adversaires et contre les gouverneurs musulmans ; il composa une histoire des Syriens qui est aujourd’hui perdue, tandis que la chronique syriaque que lui attribue Assémani n’est point de lui.

Favorisés au début par les princes arabes qui étaient heureux de les opposer aux grecs, les jacobites, malgré de nombreux évêchés en Syrie, ne constituèrent jamais qu’une petite fraction de la population. Ils soutinrent beaucoup des schismes locaux que faisait naître presque chaque élection de patriarche, et vécurent, d’ordinaire, dans une situation misérable ; en outre, ils furent souvent opprimés par les grecs qui employaient tous les moyens, la douceur et la persuasion exceptées, pour les attirer dans leurs rangs. C’est ainsi qu’après la prise d’Antioche par Nicéphore Phocas en 969, le patriarche Jean fut conduit avec plusieurs évêques à Constantinople, où le patriarche grec Polyeucte discuta inutilement avec lui ; enfermé dans un cachot, Jean ne dut sa délivrance qu’à l’avènement d’un nouvel empereur, Tzimiscès. De même, sous Romain Argyre, 1028-1034, Jean VIII, qui résidait dans un couvent de Mélitène d’Arménie, fut accusé par l’évêque grec de l’endroit de propager les erreurs monophysites, trainé à Constantinople avec six évêques, quelques prêtres et plusieurs moines, et finalement exilé dans un monastère dont les religieux le couvrirent d’outrages. Il y mourut après quatre années de captivité, laissant comme testament à ses amis de ne plus fixer le siège du patriarcat sur le territoire byzantin, mais de le transporter au plus tôt à Diarbékir ; ce qui eut lieu immédiatement. Les jacobites possédaient alors dans cette région 56 villages et 60000 hommes en état de porter les armes. Michel I e’le Grand ou le Syrien 1 1 1 « >< î — 1 199) transféra, dés la première année de sa nomination, le patriarcat syrien dans la ville de Mardin ; il écrivit une célèbre chronique, allant de la création à la mort de Saladin, et dont M. Chabot vient d’entreprendre la publication. D’après la chronique d’Albéric, ad annum iW5, Jean XIV se serait converti au catholicisme et aurait ensuite assisté au concile de Latran, en 1215. Sous les papes Grégoire IX et Innocent IV, les patriarches essayèrent des rapprochements avec les latins, mais il n’y eut pas de réunion effective. Les jacobites avaient, vers cette époque, deux hommes

d’un mérite rare, Denys Bar Salibi, évêque de Diarbékir, mort en 1171, versé dans le dogme et l’exégèse, et Grégoire Abou’l Faradj, plus connu sous le nom de Bar-IIébræus, historien, philosophe et théologien, maphrian de 1264 à 1286, date de sa mort. Rubens Duval, La littérature sxjriaque, Paris, 1899, passini, surtout p. 409-411.

Le pouvoir des patriaches diminuait chaque jour, au point que le maphrian Bar-IIébra ? us déclarait qu’il n’échangerait pas avec lui sa dignité. Cet affaiblissement d’autorité provenait des divisions et des schismes presque autant que des persécutions du gouvernement local. Joseph, évêque de Mardin, élu en 1293, prit le nom d’Ignace comme ses deux prédécesseurs, et depuis lors s’introduisit la coutume pour tous les patriarches d’ajouter à leur nom celui d’Ignace, qui devint pour ainsi dire le nom patronymique, attaché à la dignité. En même temps, les prélats syriens occidentaux, réunis à Sis et en Cilicie, nommaient le moine Barsumas qui prit le nom d’Ignace et de Michel, et fut reconnu par le roi d’Arménie. De son coté, Constantin, évêque de Mélitène, s’arrogeait le titre de patriarche avec le nom d’Ignace également ; il y avait donc, en 1293, trois chefs de l’Église syrienne, chefs que suivaient des évêques et des fidèles. Ignace Michel I er, titulaire de Sis, eut comme remplaçant Michel II, mort en 1349. Ignace Constantin fut massacré par les Kurdes. Ses suffragants de Chypre, d’Alep, de Jérusalem, de Damas et de Cargar lui donnèrent pour successeur Philoxène de Damas qui réunit bientôt sur sa tête les deux patriarcats de Sis et de Mélitène. Le patriarcat syrien de Sis, inauguré en 1293, dura jusqu’en 1445 ; ce fut le patriarche de Mardin, Ignace IX, qui le supprima. Pendant que ce premier schisme prenait fin, un second commencé depuis longtemps était plus vivace que jamais. Pour avoir sans aucun motif excommunié Sabas, évêque de Salacha, Ignace VI avait vu son subordonné et tous les prélats de la contrée de Tour-Abdin en Mésopotamie se révolter contre lui en 1364 et ériger le patriarcat de Tourvbdin en rival de celui de Mardin. Sabas, comme il convenait, en fut le premier titulaire. Son neuvième successeur, Ignace Massoud, ordonna à ses fidèles de se soumettre au patriarche de Mardin, le seul légitime ; ce qui arriva après sa mort en 1494.

Je parlerai plus loin, au sujet du patriarcat syrien, des divers essais d’union que tentèrent les patriarches jacobites ou les délégués de Rome. On sait que, le 30 septembre 1444, l’ambassadeur d’Ignace IX, Abdallah, métropolitain d’Édesse, accepta la suprématie religieuse d’Eugène IV au nom des monophysites qui habitaient entre le Tigre et l’Euphrate. Il y eut, à plusieurs reprises, d’autres velléités d’union, surtout en 1583, sous le pape Grégoire XII* lors de la fameuse mission de Léonard Abel, évêque de Sidon. Dès le xviie siècle, l’Église syrienne catholique se constitua régulièrement et, durant trois siècles, les jacobites ont borné leur activité à empêcher leurs fidèles d’aller grossir le nombre des partisans de Rome. Pour cela, ils n’ont épargné ni les flatteries, ni les violences, usant envers leurs frères de race et de langue, des mêmes procédés barbares qu’ils reprochent aux Byzantins avec tant d’acrimonie. Mais, sous le souflle de la charité, la barrière des préjugés a cédé peu à peu, des milliers de Syriens ont embrassé la vraie foi, d’autres l’embrassent chaque jour et, confiné dans son monastère de Deir-Zafaran, le patriarche jacobite voit de plus en plusse rétrécir le cercle autrefois si étendu de son influence. Pour éviter les soi-disant séductions latines, des jacobites, surtout dans la région d’Ardahan et de l’Ararat, sont passés à l’Église moscovite, reniant les croyances de leurs aïeux dont ils. n’avaient, d’ailleurs, qu’une conscience assez vague, renonçant même à leurs rites qui autrefois leur tenaient tant à cœur, Il reste pourtant encore des asiles pour la science et l’indépendance nationale dans