Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 1.djvu/740

Cette page n’a pas encore été corrigée
1421
1422
ANTIOCHE, PATR. LATIN


seurs grecs, afin de bien montrer son indépendance vis-à-vis du saint-siège ; mais Innocent II l’appela à Rome pour l’en revêtir lui-même, tout en dépouillant son patriarcat de la province ecclésiastique de Tyr au profit de Jérusalem. Ni les remontrances ni les lettres affectueuses du pape ne purent apaiser le mécontentement de Raoul ; une lutte violente éclata. Déposé en 1141 dans un concile présidé par le cardinal-évêque d’Ostie et jeté en prison, Raoul réussit à s’enfuir à Rome dans l’espoir d’être rétabli sur son siège ; il y mourut en 1142, vraisemblablement empoisonné.

Aimeric ou Amaury de Limoges, doyen du chapitre antiocbien, le remplaça en 1142. Il eut de graves démêlés avec Renaud de Chàtillon, régent d’Antioche, qui le fit, en 1153, cruellement fustiger, puis attacher tout nu sur le sommet d’une tour. Par les ordres du prince, la tête et les blessures du malheureux prélat furent auparavant enduites de miel et livrées aux morsures des mouches et des guêpes ainsi qu’aux ardeurs de la canicule. Dès qu’il fut délivré, Amaury courut chercher un refuge à Jérusalem, où il demeura plusieurs années auprès du roi et de la reine-mère Mélisende. G. Schlumberger, Renaud de Chàtillon, prince d’Antioche, Paris, 1898, p. 51-55.

Lorsque Renaud fut pris, le 21 novembre 1160, par l’émir d’Alep, le roi Baudouin III confia la baillie d’Antioche au patriarche Amaury. C’est alors qu’à l’instigation de l’empereur de Constantinople, Bohémond III, prince d’Antioche, ramena et installa dans sa capitale le patriarche grec Athanase qui, le jour de Noël 1161, bénit le mariage de Manuel avec Marie, sœur cadette de Bohémond. Froissé de ce manque d’égards, le patriarche latin se retira au château de Cursat, mettant la ville en interdit. Cet état de choses se prolongea jusqu’en 1170. Le 29 juin de cette année, se produisit un violent tremblement de terre ; tous les prêtres grecs périrent écrasés dans leurs églises et le patriarche Athanase fut mortellement blessé par une pierre dans la cathédrale Saint-Pierre où il officiait. Après de nouveaux différends avec le prince Bohémond III pour ses multiples mariages et ses relations avec le clergé grec, Amaury mourut en 1196 et eut comme successeur Pierre d’Angoulèrne, évêque de Tripoli. Pierre de Capoue, dit aussi d’Amalli, fut choisi vers l’an 1201, après avoir, en tant que légat, procédé à l’élection de Baudoin I", comte de Flandre, comme premier empereur latin de Constantinople. En 1207, le roi d’Arménie, Léon I er, appuya les prétentions de son neveu Raymond Roupen à la possession de la principauté d’Antioche contre Bohémond, comte de Tripoli. Le pape Innocent III recommanda le prince arménien que soutenaient encore le patriarche latin et l’ordre des Hospitaliers. Par dépit et par politique, le comte de Tripoli, devenu Bohémond IV, s’abandonna à l’influence des grecs et autorisa l’intronisation de leur patriarche Siméon III, dit Julien, espérant se concilier ainsi les sympathies et le dévouement de la majeure partie de ses sujets. Cette condescendance lui aliéna complètement le clergé latin, et Pierre de Capoue le frappa d’excommunication. Peu après, le roi arménien réussit, avec l’aide du patriarche latin, à provoquer un soulèvement de la commune d’Antioche (1208) et à occuper la ville basse durant trois jours, mais Bohémond IV reprit l’offensive et, la victoire obtenue, il fit emprisonner et mourir le patriarche dans un cachot, 8 juillet 1208. Le 4 mars de l’année suivante, Innocent III chargeait l’évêque de Jérusalem de menacer d’excommunication la commune d’Antioche, si le patriarche schismatique n’était pas expulsé sur-le-champ.

Le 26 mai 1209, le pape lui-même conjurait sous les plus terribles menaces, le prince Bohémond de recevoir le nouveau patriarche latin, qui était Pierre de Capoue, neveu du précédent et abbé de Lacédio, dans le diocèse de Verceil. Toutefois, malgré les redoutables objurgations

du pape, la présence à Antioche du patriarche Siméon semble s’être prolongée jusqu’en 1214 ; il se réfugia alors à la cour de Nicée, où il mourut. En 1216, durant une absence de Bohémond IV, retenu à Tripoli, Raymond Roupen et le roi d’Arménie se rendirent maîtres d’Antioche sans coup férir ; aussitôt le patriarche Pierre II de Lacédio sacra en grande pompe, dans la basilique Saint-Pierre, Raymond Roupen, prince d’Antioche. Au mois de mars 1219, l’arrogance des Arméniens et l’incapacité de leur prince soulevèrent de vifs mécontentements parmi la population qui rappela Bohémond. Le patriarche Pierre, compromis, fut nommé cardinal-prêtre du titre de Sainte-Croix de Jérusalem et eut pour successeur le Toscan Rainier, promu en 1219 et mort en 1226.

Albert Rezato, évêque de Brescia, fut élu patriarche en 1228 et réconcilia, en 1231, les églises de Jérusalem rendues aux chrétiens par le sultan d’Egypte. Il était encore en Terre-Sainte en 1232 comme légat apostolique, lorsque l’empereur Frédéric II lui contesta ce titre ; Albert en référa à Rome qui déclara que ce titre serait à perpétuité attaché au siège d’Antioche. Albert assista au premier concile général de Lyon, ouvert le 28 juin 1215, et mourut peu de temps après. Vers 1 242, David, patriarche grec, était rentré dans le giron de l’Église catholique et avait été autorisé par le pape et le prince à s’établir à Antioche, où il avait pris bientôt un tel ascendant que la personne du patriarche latin en fut tout effacée. La population indigène, grecque aux trois quarts, afficha si bien ses préférences pour le prélat oriental que le patriarche latin se retira en Europe, laissant un vicaire pour le suppléer. En 1260, le patriarche grec Euthyme, plusieurs fois excommunié par son rival latin et banni par l’autorité séculière, rentra à la suite de Houlagou, Khan des Tartares, et reprit possession de son siège patriarcal. Lettre des chrétiens de Terre-Sainte à Charles d’Anjou, dans la Revue de l’Orient lalm, 1894, p. 321. Après la retraite des envahisseurs, de graves difficultés surgirent entre le roi d’Arménie, Héthoum I er, beau-père du prince Bohémond VI, et Euthyme qui, vers 1263, fut contraint de s’enfuir à Constantinople. Le 19 mai 1268, le sultan Bibars emportait d’assaut la capitale de la Syrie. Pendant deux jours, Antioche futrlivrée au pillage, les chroniqueurs estiment à 17000 le nombre des morts et à 100000 celui des prisonniers. Huit mille personnes, qui s’étaient réfugiées dans le château, vinrent bientôt grossir ce dernier chiffre. L’abbaye de SaintPaul, la basilique de Saint-Pierre et les autres églises furent démolies, la ville elle-même fut brûlée et complètement ruinée. Le patriarche latin, Chrétien, un ancien frère prêcheur, souffrit le martyre devant l’autel, en compagnie de plusieurs religieux de son ordre.

IL Patriarches titulaires d’Antioche ; sièges sufFRAGANTS. — A partir de 1268. la principauté d’Antioche n’exista plus que d’une façon nominale. Bohémond VI, réduit au comté de Tripoli, mourut le 11 mai 1275, laissant un fils, Bohémond VII, mort lui-même sans postérité en 1287. Bientôt après, la plupart, sinon tous les établissements chrétiens du patriarcat furent détruits irrémissiblement, et le pays se remit à gémir sous le joug des mécréants. Opizzo, de la famille génoise des Fieschi, succéda à Chrétien sur la chaire d’Antioche sans pouvoir l’occuper effectivement. Il assista au second concile général de Lyon (1274), et partit ensuite pour Saint-Jean-d’Acre. Ne voulant pas résider dans Antioche, reconquise par les infidèles, il se fit représenter par son vicaire Barthélémy, évêque de Tortose. Afin qu’Opizzo put suffire aux exigences de sa dignité, le pape lui conféra l’administration de l’archevêché de Trani, puis de Gènes en 1278. Finalement, il fut nommé en 1288 archevêque titulaire de cette dernière ville où il mourut en 1292. Le dominicain Isnard, archevêque de Thèbes, puis évêque de Pavie, le remplaça et assista au concile de Vienne en 1311. En 1319, comme il s’attribuait le titre