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ANTIOCHE, PATR. GREC-MELKlTE

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I. Histoire du patriarcat.

Le terme melkite vient du mot sémitique mélek, roi, empereur. Il fut donné après 451, comme sobriquet, par les hérétiques monophysites, à la portion des fidèles des patriarcats d’Anlioche, d’Alexandrie et de Jérusalem, qui restèrent attachés au concile de Chalcédoine et à la cause de l’empereur Marcien. Comme les territoires de ces trois patriarcats tombèrent bientôt aux mains des musulmans, le terme n’a plus, dans sa première signification, qu’un intérêt historique ; il fut conservé néanmoins et porté par les patriarches de langue arabe, unis ou non à Rome, afin de distinguer leurs Églises de celles des nestoriens et des jacobites. Plus tard, le mot melkite a désigné exclusivement les fidèles syriens et égyptiens, de langue arabe et de religion grecque, en communion avec l’Église romaine.

Les origines de l’Église melkite, au sens actuel du mot, sont très obscures ; çà et là, à Antioche ou à Jérusalem, durant la période troublée des croisades ou peu après, des patriarches semblent s’être rapproohés de l’Église latine et même avoir reconnu la suprématie dogmatique du pape ; mais ces conversions sont des faits isolés et peu nombreux qui n’eurent pas de retentissement. En 1529, la destruction de la ville d’Antioche obligea le patriarche Michel VI à se réfugier à Damas qui, depuis 1531, est devenue le centre effectif et la résidence du patriarche d’Antioche. En 1583, Sixte-Quint envoya dans le Levant l’évéque latin de Sidon avec la double mission de conclure l’union et de faire accepter le calendrier grégorien. Le patriarche Joachim prodigua les bonnes paroles, mais rien de plus, et la mission échoua. Cependant, le prédécesseur de Joachim, Michel, alors démissionnaire, accepta une profession de foi catholique et la signa, sans que son exemple fût le moins du monde suivi par ses compatriotes. Voir A. d’Avril, Une mission religieuse en Orient au XVIe siècle, Paris, ïn-8°, 45 p. Un siècle plus tard, en 1686, le siège d’Antioche était occupé simultanément par deux patriarches : Athanase qui résidait à Damas, et Cyrille qui habitait à Alep ; l’un et l’autre avaient d’excellentes dispositions pour mettre un terme à la séparation d’avec Rome. Les projets d’Athanase ne semblent pas avoir abouti ; Cyrille, au contraire, reconnut formellement, en 1709, l’autorité du pape et envoya à Rome une profession de foi catholique, mais à sa mort, survenue en 1720, le petit troupeau confié à ses soins se dispersa ou retourna au schisme. Athanase, resté seul en possession du trône patriarcal, refusa à son lit de mort de se déclarer catholique et l’union ne persista que dans le diocèse de Tyr et Sidon, dont l’évéque Euthyme souffrit de cruelles persécutions de la part des orthodoxes. Le successeur d’Athanase en 1721, Cyrille, était uni à Rome.

En 1728, les grecs du Phanar imposèrent à l’Église d’Antioche les principaux articles du schisme et tirent reconnaître par la Porte comme patriarche un certain Sylvestre, moine fanatique du mont Athos. Ce misérable défendit aux sujets du sultan d’embrasser le catholicisme dans toutes les villes qui n’auraient pas de consul français. Comme Damas se trouvait dans ce cas, le patriarche melkite Cyrille fut contraint de se réfugier au Liban auprès des maronites ; il essaya vainement en 1743 de recouvrer son siège, cette tentative avorta et ne réussit qu’à lui faire perdre l’église catholique d’Alep. Il mourut à Damas en 1760, un an après son abdication, laissant le trône patriarcal à son neveu Ignace Giauhar qu’il avait, de sa propre autorité » consacré sous le nom d’Athanase. Clément XIII, informé de cette irrégularité, cassa la décision et désigna lui-même Maxime, évêque d’Alep, comme patriarche. Vinrent ensuite Théodore († 1788), Athanase, élu de nouveau († 1794), Cyrille († 1796), Agapios Matar qui fonda en 1811 le collège d’Aïn-Traz dans le Liban où il établit sa résidence et mourut le 31 janvier 1812, Ignace Sarouf († 6 novembre 1812), Athanase

Matar (1813), Macaire Taoul (1813-1815) et Ignace Kaltan († 1833).

Sous ce dernier patriarche, les persécutions infligées aux melkites par leurs pires ennemis ne cessèrent pas. En 1816, il y avait à Damas 10000 grecs-unis sans église, au rapport d’un consul français. A Damas et au Caire, les prêtres catholiques ne pouvaient revêtir le costume ecclésiastique et l’on a gardé souvenir des ridicules tracasseries de l’ambassade russe et des consulats hellènes qui empêchèrent jusqu’en 1840 le clergé melkite de porter le kalymafki, le bonnet traditionnel, comme les prêtres orthodoxes. Parfois même le sang fut répandu, comme à Alep, où les Grecs obtinrent, en 1818, un lirman de la Porte qui obligeait sous peine de mort les melkites à reconnaître pour leurs chefs spirituels les prélats schisma tiques ; comme à Tripoli, en 1820, où l’évéque Zacharie punissait d’exil tous les prêtres catholiques ; comme à Damas et en beaucoup d’autres lieux. A la suite d’une violente persécution contre les Arméniens catholiques en 1828, tous les catholiques orientaux de l’empire ottoman furent placés sous la juridiction du patriarche arménien catholique. C’était échapper à une sujétion pour en retrouver une autre ; aussi, dès 1840, les melkites et les syriens obtinrent-ils l’autorisation de se faire inscrire à la chancellerie des raïas latins. Ce fut la gloire de Mar Mazloum, successeur de Kaltan, d’alïranchir son église et de l’ingérence orthodoxe et de l’influence arméno-catholique. Durant un séjour de six ans et demi à Constanlinople (1841-1848), l’audacieux prélat réussit à se faire reconnaître par le gouvernement turc comme patriarche d’Antioche, d’Alexandrie et de Jérusalem et chef unique, pour les affaires civiles, de la nation grecque melkite. Il avait, en 1841, transféré du Liban à Damas le siège du patriarcat et mourut à Alexandrie le 22 août 1856, après avoir rendu d’imminents services à son Église, malgré les nombreux différends que lui attira avec tout le monde son caractère despotique.

Le successeur de Ma r Mazloum, Clément Bahous, causa un schisme par la précipitation avec laquelle il substitua le calendrier grégorien au calendrier julien. Une partie des mécontents passa à l’orthodoxie, surtout dans le diocèse de Diarbékir, dont l’évéque Macaire avait trahi, en 1846, la cause catholique ; le plus grand nombre se constitua en une sorte de Petite-Église. L’ex-basilien Gibarra, à la tête des protestataires, organisa une nouvelle communion sous le nom de grecs orientaux, Cliarki, et, muni de la protection des Russes, ouvrit plusieurs chapelles de son culte. Les événements qui attristèrent la Syrie en 1860 ramenèrent bon nombre de dissidents ; le 2 février 1865 presque tous étaient rentrés dans le giron de l’Église. Gibarra continua à desservir une chapelle fondée à Beyrouth pour deux ou trois famitles qui lui restèrent attachées. Au mois d’octobre 1864, Ma r Clément Bahous donna sa démission et s’enferma dans le couvent de Saint-Sauveur ; il fut remplacé par Ma r Grégoire Youssef, précédemment évêque de Ptolémaïs. Dès son avènement, le nouveau patriarche obtint de la Porte le retrait d’une mesure répressive qui enlevait aux chefs des communions chrétiennes l’administration civile de leurs ouailles. Il prit part au concile du Vatican et se rangea parmi la minorité qui accepta l’infaillibilité du pape, une fois qu’elle fut votée. Il assista également au congrès eucharistique de Jérusalem en 1894, ainsi qu’aux conférences des patriarches présidées par le pape en vue de l’union des Églises. Peu après il recevait du sultan la juridiction civile sur tous les grecs melkites non seulement des trois patriarcats d’Alexandrie, d’Antioche et de Jérusalem, mais encore de tout l’empire ottoman. Mar Youssef mourut le 13 juillet 1897, après un patriarcat de 33 ans qui avait vu la fondation du collège de Beyrouth, la réorganisation du séminaire d’Aïn-Traz et surtout l’établissement du séminaire grec-melkile de Sainte-Anne à Jérusalem, dirigé par les Pères blancs et