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ANTIOCHE, PATRIARCAT GREC


la plupart, ils eurent à dépenser, à défaut de talent, beaucoup de souplesse et d’énergie pour se maintenir au pouvoir, que leur disputaient des rivaux en faveur auprès des officiers de la Porte, et pour retenir leurs fidèles attirés chaque jour à l’Église melkite. L’un d’eux, Macaire, patriarche durant la seconde moitié du xviie siècle, approuva la Confession orthodoxe de Pierre Mohila, condamna l’hérésie calviniste sur la présence réelle et entreprit en Géorgie et en Russie de longues pérégrinations qui lui rapportèrent force honneurs et beaucoup de profit. On trouvera la liste de ces patriarches dans Le Quien, Oriens christianus, t. H, col. 757-776, et dans Constance Byzantios, Ilept tô>v èv’Avcioysix TtatptapxeycâvToJv y.éyç/i —cri ; o^ixepov, dans la KtovcrTavriou A’Btoyctpyix, Constantinople, 1866, p. 131-140.

Il nous est resté deux catalogues épiscopaux pour le patriarcat d’Antioche durant cette période troublée du moyen âge et des temps modernes. Le premier remonte à la fin du xive siècle, lors de l’élection de Pachome ; il énumère le siège du catholicos de Romagyris, exarque de l’Ibérie, et les sièges épiscopaux d’Apamée, Pompéiopolis, Héliopolis ou Baalbeck, Bostra, Mopsueste, Émèse ou Homs, Tripoli, Edesse, Beyrouth et quelques autres évêchés dont les titulaires ont signé en syriaque. Milkosich et Mûller, Acta patriarchatus Constantinopolilani mcccxv-mccccii, Vienne, t. i, p. 465. Le second est du début du xviii c siècle ; il cite les métropoles d’Alep, Laodicée, Tripoli, Panéas, Beyrouth, Tyr et Sidon, Akkar, Sednaïa, Erzéroum ou Théodosioupolis. AeXtJov tt, ç îotopi-LT|ç xat è8voXoY’xr| ; ÉTaipta ; tt, c’EXÀâSo ; , Athènes, 1891, p. 474.

XI. De 1728 a nos jours. — A la mort d’Athanase, le dernier patriarche indigène, les évêques syriens s’adressèrent à Constantinople pour le choix de son successeur. Sachant que les diplômes impériaux, accordés aux patriarches œcuméniques, reconnaissaient à ces derniers des pouvoirs civils et ecclésiastiques beaucoup plus étendus qu’aux autres patriarches, ils se flattaient d’obtenir, eux aussi, les mêmes privilèges et, en se donnant un prélat phanariote, d’arrêter ainsi le courant vers l’unité romaine. Un moine de l’Athos, nommé Sylvestre, originaire de Chypre, né d’un père grec et d’une mère maronite, fut donc élu en 1728 ; il mourut en 1766, après s’être employé toute sa vie à assurer le triomphe de la cause hellénique. Ses cinq successeurs immédiats, Philémon (1766-1767), Daniel (1767-1793), Anthémios (1793-1813), Séraphin (1813-1823), et Méthode (1823-1850), tous choisis au sein du clergé byzantin, le furent toujours parles prélats de la Syrie réunis en synode, sans aucune intervention du Phanar. Et pourtant la population indigène n’eut pas à se louer de ces choix. Ces patriarches byzantins se firent un malin plaisir de froisser les syriens et surtout les melkites ; ils accumulèrent les désordres et les ruines, laissant, à chaque vacance de siège, le trésor du patriarcat un peu plus vide et la caisse de leurs familles un peu mieux remplie.

A Méthode, mort en 1850, s’arrête la série des patriarches venus de Constantinople ; une nouvelle série est inaugurée par les religieux du Saint-Sépulcre. Certes ! les premiers avaient gouverné rudement les indigènes, mais les moines de Jérusalem allèrent si loin qu’ils firent regretter le joug de fer des prélats byzantins. Le premier élu, Hiérothée, vint à Damas, le 30 mars 1851, prendre possession de son siège ; il reçut et garda pour lui, après les massacres de 1860, une indemnité forte d’environ deux millions de francs, dont il employa la majeure partie à construire des églises et des écoles dans son pays d’origine. C’est, du moins, ce qu’affirment les syriens orthodoxes de son patriarcat, peu suspects, il est vrai, de ménagements envers tout ce qui touche de près ou de loin au clergé grec. Ces mêmes syriens lui reprochent de n’avoir nommé aux évêchés vacants que des moines du Saint-Sépulcre ou des syriens am bitieux dévoués à sa politique. Bref, Hiérothée mourut en 1885, et, durant son patriarcat, si l’on doit ajouter foi aux paroles d’un archimandrite orthodoxe, « l’ignorance envahit de plus en plus son clergé ; l’irréligion et l’immoralité se répandirent parmi les populations ; les églises, les écoles, les monastères tombèrent en ruines ; la corruption et la division pénétrèrent parmi les grands et les petits. » Abdalahad, Coup d’œil historique sur la confrérie hellénique du Saint-Sépulcre, p. 108, brochure arabe analysée dans La question gréco-arabe ou l’héllénisme en Palestine et en Syrie, Arras, 1895. En 1885, les syriens multiplièrent les précautions pour prévenir la nomination d’un sujet de langue grecque, mais tout échoua devant les manœuvres habiles de la confrérie du Saint-Sépulcre et des agents consulaires du gouvernement hellène. La Porte écarta les candidatures indigènes et reconnut comme patriarche Gérasime, métropolite de Philadelphie et membre de la confrérie. D’après les mêmes sources syriennes, celui-ci aurait mis au pillage le patriarcat d’Antioche, augmentant les redevances annuelles des évêchés et des monastères, quêtant partout sous prétexte de bâtir des séminaires, vendant les terrains qui appartenaient au célèbre sanctuaire de Sednaïa et remplaçant divers prélats par ses créatures. En 1890, le patriarche de Jérusalem Nieodème, agent de la Russie, se voyait contraint de démissionner et d’aller prendre dans les îles des Princes, près de Stamboul, une villégiature qui dure encore. Le patriarche d’Antioche, Gérasime, réussit à se faire élire à sa place, le 21 février 1891, et les grecs de Turquie et du royaume indépendant acclamèrent sa nomination pour le récompenser « du martyre enduré l’espace de six ans sur la terre déserte et inhospitalièrede Syrie ». Néologos, journal grec de Constantinople, 23 avril 1891. Le nouveau titulaire de l’église de Sion n’oublia pas l’église « devenue orpheline par son départ », et, avec l’aide des moines du Saint-Sépulcre, il lui procura un digne successeur dans la personne du Chypriote Spiridon, évêque du Thabor et membre de la confrérie, fin septembre 1891. Pour assurer l’avenir menaçant, Spiridon nomma des évêques hellènes aux sièges de Diarbékir, Alep, et confia plusieurs autres dignités à ses compatriotes ; il essaya également de subordonner le patriarcat d’Antioche à celui de Constant tinople. Mais ses agissements provoquèrent une telle explosion de colère que sept de ses métropolitains, réunis en synode, le déposèrent en janvier 1898. Deux autres métropolitains adhérèrent à cette décision et il ne resta du bord de Mu r Spiridon que quatre prélats d’origine phanariote. Vainement, le patriarche déposé recourut-il à l’intervention des patriarches dç Constantinople, d’Alexandrie et de Jérusalem ; les évêques syriens, certains de l’appui de Saint-Pétersbourg, ne tinrent aucun compte des blâmes à eux infligés par les divers saintssynodes, et Mo r Spiridon donna volontairement une démission qui lui avait déjà été arrachée par la force. On élut comme locum tenens Ms r Germain, métropolite de Tarse et Adana, qui, bien que grec, avait mené vivement la campagne contre l’infortuné patriarche. Ce n’était pas là le butque poursuivaient les syriens et la Russie. Quatre mois plus tard, le 12 mai 1898, Ma r Germain était exilédans un couvent et remplacé par M’J r Mélèce Doumani, métropolite de Laodicée et le chef incontesté du parti syrien-arabe. Au commencement de l’année 1899, M3 r Mélèce était élu patriarche d’Antioche par sept métropolites. Le Phanar fit annuler par la Porte l’élection comme anticanonique, parce que quatre ou cinq métropolites grecs n’avaient pas été convoqués au synode électoral. La partie n’était que remise et, quelques mois après, le nom de Ma r Mélèce était de nouveau proclamé. Cette fois encore, le Phanar réclama l’annulation de l’élection, parce que la moitié plus un des suffragants n’y avaient pas participé ; mais la Porte, pressée par la Russie, accorda à l’ex-métropolite de Laodicée le bérat d’investiture et le