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ANTIOCHE, PATRIARCAT GREC


Nous avons de l’époque, où le patriarcat d’Antioche relevait à nouveau de l’empire byzantin (969-1081), une notice épiscopale, datant selon toute vraisemblance du xie siècle, et qui dresse le catalogue complet des provinces et de leurs sièges suffragants. Cette notice nous est parvenue d’abord dans une traduction arménienne, qui se trouve à la suite de la cbronique du connétable Sempad, antérieure à l’an 1053, Dulaurier, Recueil des historiens des croisades. Documents arméniens, t. I, p. 673, mais qui se contente de donner le nombre des évêchés suffragants sans indiquer les noms. Antiocbe avait alors sous sa juridiction 3 catholicosats, celui d’Ibérie, celui d’Irénopolis ou Bagdad et celui de Romagyris (ày-^p, le quartier, roum ou grec), quartier de la ville de Nisabur, capitale du Koraçan ; 12 métropoles ayant des suffragants, 9 métropoles autocépbales, 11 arcbevècbés et 131 évêchés ; en tout 166 sièges suffragants. Cette notice épiscopale s’est encore conservée dans une version grecque, remontant à la seconde moitié du xie siècle, et transcrite dans plusieurs manuscrits. M. Gelzer l’a éditée en 1892, dans la Byz. Zeitschrift, t. I, p. 247-251, 255256 ; M. Papadopoulos-Kerameus, en 1884, dans le’E)Jr r vtxbçipiXoXoYixôc Sj),).oyoç. Supplément aut. 18, p. 64-70. On y trouve les trois listes, 2 de Papadopoulos-Kerameus, 1 de Gelzer, qui sont presque identiques. La traduction latine de cette notice a été publiée par Tobler et Molinier sous le titre de Notitia Antiochix ac Jerosolymee patriarchatuum, dans les Itinera Hierosolymitana, t. i, p. 331-313. Les éditeurs la dataient du VIe siècle, elle est de la première moitié du xiie siècle. Voir l’article de Gelzer déjà cité, un autre du même auteur : Zur Zeilbeslimmuiig der griechischen Notitise episcopatuum, dans les Jahrbucher fur protest. Théologie, 1886, p. 337-372, 528575, et les articles de C. de Boor, Nachlrage zu den Notitise Episcopatuum, dans Zeitschrift fur Kirchengeschichte, 1890, p. 303-326, 519-531 ; 1893, p. 573-599. L’aflluence des marchands grecs dans la région du Koraçan avait permis d’y établir un catholicos dépendant du patriarche d’Antioche. Il en fut de même à Bagdad dès Tannée 910. Bar-Hebrœus raconte, Hist. eccl., n 236, que cette année-là le patriarche Elie rétablit le catholicosat orthodoxe à Bagdad, supprimé dans ces contrées depuis la défection de Séleucie-Ctésiphon et des nestoriens. Ceux-ci obtinrent ensuite du calife, qu’un évêque grec seulement et non un catholicos aurait la liberté de visiter ses fidèles. A l’époque qui nous occupe le catholicos était réinstallé. Celui d’Ibérie obtint en 1053 son autonomie complète. L’existence de ces deux catholicosats dépendants d’Antioche est rendue plus certaine encore par un passage de la lettre de Pierre d’Antioche au patriarche de Grado. Afin de combattre les prétentions de son correspondant à ce titre de patriarche, Pierre lui montre l’exemple des vastes pays soumis à la juridiction d’Antioche et dont les catholicoi, métropolitains, archevêques n’ont jamais porté un pareil titre. Or il lui cite Babylone la Grande, identifiée faussement par les Grecs avec Bagdad et Romagyris dans le Koraçan, ainsi que toutes les autres éparchies orientales dans lesquelles il envoie des archevêques. Cli. Will, Acta et scripta qusc de controversiis ecclesiæ græcæ et latinæ sœculi xi composila exslanl, Leipzig, 1861, p. 212. Ce texte de Pierre vient fort heureusement confirmer les détails des notices épiscopales.

Pour donner une idée d’ensemble de ces listes épiscopales et des nombreuses divergences qu’elles accusent entre elles, je vais reproduire le résultat des recherches de Le Quien, de la Notitia V de Parthey qui date du vue siècle, et de la Notitia de M. Gelzer qui remonte au xi e. D’après Le Quien, le patriarcat d’Antioche comprend 11 métropoles et 138 évêchés suffragants, soit un total de 149 sièges. La Notitia V de Partbey lui attribue 151 sièges suffragants, tout en ne citant que 11 métropoles, 103 évêchés, 5 aulocéphalies et 8 éparchies, soit

un total de 127 sièges. La métropole de Bostra et ses 19 évêchés suffragants ont été omis, ce qui donnerait presque le nombre demandé. Quant à la Notitia du XIe siècle, publiée par M. Gelzer, elle énumère 2 catholicosats, 13 métropoles, 130 évêchés suffragants, 9 autocéphalies et 12 archevêchés, soit un total de 166 sièges. Il convient toutefois d’ajouter que bon nombre de ces évêchés n’existaient que sur le papier, soit qu’ils eussent été détruits par les Arabes soit qu’ils fussent sans titulaires.

X. Des croisades a 1728. — Après l’établissement de la principauté franque d’Antioche en 1098 et la fuite du patriarche grec à Constantinople, les croisés créèrent le patriarcat latin dont l’existence se prolongea plus de cent cinquante ans (1098-1268). Durant cette période, les titulaires grecs résidèrent rarement dans la capitale de la Syrie. En butte aux tracasseries de leurs collègues occidentaux et soupçonnés de favoriser en cachette les vues de la cour byzantine sur les possessions des latins, ils préférèrent se retirer sur les terres de leurs compatriotes et suivre au xiiie siècle leurs confrères de Byzance dans les diverses migrations en Asie Mineure, que leur imposa le mauvais vouloir des croisés. Çà et là pourtant, l’épée victorieuse d’un Comnène ou la politique intéressée d’un prince franc leur ouvrit les portes de la cathédrale d’Antioche et les réinstalla sur la chaire de saint Pierre ; on trouvera plus loin les détails à l’article III Antioche, Patriarcal latin, col. 1421 sq.

D’ailleurs, la plupart de ces patriarches ne jouissaient d’aucune considération ; personnages sans prestige, ils tuaient leur ennui à Byzance en se rendant aux cérémonies officielles ou en minant l’autorité de leurs collègues de Constantinople qui leur offraient les résidences les plus éloignées. Un seul nom émerge de cette époque de décadence, celui de Théodore Balsamon, canoniste célèbre et non moins célèbre adversaire de l’union avec les latins. Balsamon vivait à la cour impépériale à la fin du xiie siècle ; y vivait également le titulaire d’Antioche qui mit tout en œuvre pour faire échouer la réconciliation du pape Grégoire IX et de l’empereur Jean Vatatzès au synode de Nymphaion, près de Smyrne, avril 1231 ; y vivait encore le patriarche Théodose, issu de la famille des Villehardouin, qui accepta l’union conclue avec Rome au concile de Lyon (1274), sous Michel Paléologue, etaima mieux sedémettre que de se soumettre aux caprices du tyran Andronic. On ne sait pas au juste en quelle année ni à quelle occasion les titulaires d’Antioche délaissèrent les rives du Bosphore pour se fixer à nouveau dans leur province de Syrie. Le siège de leur résidence varia presque avec chaque patriarche, et ce n’est qu’au xvie siècle, à la suite d’un violent tremblement de terre et des conquêtes du sultan Sélim, que le centre du patriarcat fut définitivement établi à Damas.

Sous le pape Eugène IV s’était rassemblé le concile de Ferrare etFlorence (1488-1439), Le patriarche d’Antioche, Dorothée, se fit représenter par Isidore, métropolitain de Kiev ; et par Marc Eugénicos, exarque d’Éphèse. Le premier apposa sa signature au bas du décret d’union, le second refusa la sienne obstinément. Sur les instigations de ce dernier, Dorothée désavoua Isidore, repoussa l’entente avec Borne et, avec son collègue de Jérusalem, tint en 1113, dans la ville sainte, un conciliabule qui déposa Métrophane de Constantinople et abolit tout ce qui avait été fait à Florence au nom des patriarches de Syrie et de Palestine. En 1150, nouveau synode antiunioniste tenu cette fois dans l’église Sainte-Sophie, à Constanlinople. Dorothée y assista, ainsi que Philothée d’Alexandrie et Joachim de Jérusalem ; il déposa Grégoire, patriarche catholique de Constantinople, activa la résistance contre Rome et contribua à la reconstitution de la nouvelle Eglise orthodoxe. Les successeurs de Dorothée ne sont guère connus que de nom. D’origine arabe pour