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ANTIOCHE, PATRIARCAT GREC


vit-13’2 ; M. l’abbé Nau, Les plêrophories de Jean, évéque de Mayouma, dans la Revue de l’Orient chrétien, 1898, p. 232-259, 337-392, et MM. Alnens et Kriiger, Die soyenannte Kirchengeschichtedes ZachariasRhetor, in-8’, Leipzig, 1899, p. xi.v, 42, 417.

VIII. La domination musulmane (038-969), et l’occupation byzantine (969-1081). — Les Arabes, fanatisés par Mahomet, se ruèrent à l’assaut de la Syrie. Le 13 juillet C33, ils battirent les troupes d’Héraclius et s’emparèrent de Damas ; Tibériade et Palmyre tombèrent ensuite. En 637, Jérusalem leur ouvrait ses portes ; en août 638, ils reprenaient Antioche qu’ils avaient déjà conquise et perdue, et de là envahissaient l’Orient jusqu’au Taurus, tondis que l’empereur byzantin regagnait sa capitale en adressant, les larmes aux yeux, l’adieu suprême à sa chère province. Comme les grecs catholiques s’étaient prononcés contre les Arabes et les indigènes jacobites en leur faveur, toute la protection des conquérants passa à ces derniers. Durant le viie siècle, la vacance du siège fut presque continuelle ; aux heures d’accalmie il y eut des prélats hérétiques comme Athanase, Macédonius et Georges. Pendant que le monothélite Macédonius oubliait à Constantinople l’invasion musulmane et trempait dans tous les méfaits des prélats de la capitale, son patriarcat était géré, sur l’ordre du pape, par un triumvirat composé des évêques de Philadelphie, d’Hésebon et de Bacatha. Macaire d’Antioche, écrivain fécond, éloquent et audacieux, fut le porte-voix des monothélites au sixième concile œcuménique, réuni à Constantinople en 681 ; il se prononça avec énergie en faveur d’une opération théandrique, dont il se garda bien de déterminer le sens. Il produisit devant le concile deux volumes de citations, empruntées aux Pères, qui appuyaient sa doctrine ; elles étaient toutes tronquées, interpolées ou dénuées de force probante. Enfin, le 8 mars 681, il fut déposé comme falsificateur de la foi et hérétique, et n’en adressa pas moins pour sa défense à l’empereur Constantin Pogonat une longue liste de documents que celui-ci refusa même de parcourir. L’obstiné prélat fut ensuite envoyé à Rome avec tous ses adhérents ; il persista dans son hérésie et mourut dans un monastère. Théophane, catholique, fut désigné par le concile pour le remplacer. Georges, higoumène du Saint-Sépulcre, et représentant du vicaire patriarcal de Jérusalem, fut élu à la mort de Théophane et prit part, comme patriarche d’Antioche, au concile in Trullo, en 692. Après lui, le siège demeura vacant durant 40 ans, jusqu’à ce que le calife Yézid III eût rendu la liberté des élections au clergé antiochien.

En 757, le patriarche Théodore, soupçonné d’entretenir des relations dangereuses avec la cour de Byzance, fut exilé par le calife, il remonta plus tard sur son siège et condamna Cosmas, évéque d’Epiphanie ou Hamah, qui était passé dans le camp iconoclaste (761). Jean, prêtre et syncelle d’Antioche, signa pour le patriarche Théodoret au second concile de Nicée (786), qui rétablit le culte des saintes images. Au huitième concile œcuménique (869), qui déposa Photius, Thomas, archevêque de Tyr, représentant du patriarcat d’Antioche, se déclara pour le rétablissement de saint Ignace et rappela que le patriarche Nicolas avait, avant de mourir, repoussé la communion de l’intrus. Néanmoins, an conciliabule de 879 qui réinstalla Photius sur le trône œcuménique, Basile de Martyropolis remit les lettres du patriarche Théodose qui reconnaissait Photius pour l’évêque légitime de Constantinople. Aucun fuit saillant n’est enregistre dans l’histoire jusqu’au jour où les lieutenants de Nicéphore Phocas enlevèrent dans un assaut meurtrier les remparts d’Antioche,’29 octobre 969.

La conquête d’Antioche et de toute la Syrie permit à l’empire byzantin d’organiser ses nouvelles provinces et de faire reculer, pour un momenl, les armées musulmanes. Sur l’expédition de Syrie, voir G. Schlumberger, Un empereur byzantin au X’siècle, Nicéphore l’hocas,

Paris, 1890, p. 695-735. Le patriarche d’Antioche, Christophore, avait été tué, en 969, d’un coup de lance par un émir sarrasin ; un des premiers soins du basileus Jean Tzimiscès fut de pourvoir à cette vacance très importante. Son choix s’arrêta sur un simple ermite, Théodore de Colonée, auquel une austérité inouïe avait valu une juste célébrité. Le 8 janvier 970, le solitaire devenait patriarche d’Antioche, la première dignité de l’Eglise orientale après celle de Constantinople. G. Schlumberger, L’épopée byzantine à la fin du Xe siècle, Paris, 1896, p. 28 sq. Il mourut le 28 mai 976 et fut remplacé par Agapios, évéque catholique d’Alep, le 23 décembre 977. Schlumberger, L’épopée byzantine, p. 410 sq. Celui-ci se fit expulser, une douzaine d’années après, pour avoir comploté contre Basile IL Ses successeurs, Jean, Nicolas, Théodore et Basile, sont de pâles figures, que l’histoire n’a pas encore tirées de leur obscurité. Il n’en va pas de même de Pierre III, le correspondant de Michel Cérulaire, du pape Léon IX et du patriarche de Grado. Nommé en 1052, il écrivit au pape pour lui annoncer son élection et lui envoyer sa profession de foi. Dans sa réponse datée d’avril 1053, Léon IX le félicitait d’avoir rendu un véritable hommage à la primauté de Rome et rompu avec les traditions de ses devanciers ; il lui promettait aussi l’appui de Rome dans le cas où les intérêts de son Eglise seraient menacés. Pierre ayant, peu de temps après, écrit à Dominique, patriarche de Grado, celui-ci lui adressa une réponse des plus flatteuses où, après lui avoir témoigné son respect pour l’Église antiochienne, il lui racontait l’attaque de Léon d’Achrida contre le saint-siège au sujet des azymes. La réponse de Pierre ne fut pas celle qu’attendait Dominique. Il essayait d’y justifier les pratiques orientales et de convaincre son correspondant de la supériorité du pain fermenté sur le pain azyme ; néanmoins il ne cachait pas son horreur pour le schisme et demandait à l’évêque de Grado d’intervenir auprès du pape pour amener une réconciliation. Pierre usait des mêmes ménagements dans ses lettres à Michel Cérulaire ; il lui reprochait ironiquement d’avoir rayé des diptyques le nom de Léon IX, alors que les noms des papes étaient mentionnés à Byzance avec ceux des patriarches, durant un voyage que fit Pierre à la capitale, en 1009.

Il ne pouvait aussi voir des causes de séparation dans le port de la barbe, le mariage des prêtres, le pain fermenté et autres divergences rituelles ou disciplinaires d’avec l’Église latine. D’ailleurs, les latins étaient des barbares, incapables de comprendre les subtilités des usages orientaux. Puisqu’ils acceptaient les principaux dogmes de l’Église, il ne fallait pas leur en demander davantage. « Ce sont nos frères, ajoute-t-il, bien que leur rusticité et leur ignorance les entraînent souvent loin des convenances, lorsqu’ils suivent leur propre volonté. Nous ne pouvons pas demander à des barbares le zèle que, grâce à notre culture, on est en droit d’attendre de nous… Je t’en prie, je t’en supplie, je t’en conjure, et, par la pensée, je me jette à tes genoux sacrés, que ta divine béatitude cède à ce coup et se plie aux circonstances. Je tremble que, en voulant recoudre cette blessure, elle n’aboutisse à quelque chose de plus, au schisme. » Ces accents émus, ces cris déchirants qu’arrachaient à Pierre les tentatives de Cérulaire, témoignent de sa bonne foi et de ses sentiments catholiques, bien que, sans y prendre garde, il fût plus près de Constantinople que de Borne. En effet, sa conception de la hiérarchie de l’Eglise est diamétralement opposée à celle de l’Occident. Pour lui, le seul chef de l’Église c’est le Christ. Les cinq patriarches de Rome, Constantinople, Alexandrie, Antioche et Jérusalem sont les cinq sens du corps de l’Église. Et comme au-dessus des cinq sens il n’y a pas de supérieur, ainsi au-dessus des cinq patriarches on ne peut pas concevoir un autre patriarche. Il y a donc égalité parfaite entre les cinq directeurs de