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ANTIOCHE, PATRIARCAT GREC


ses missionnaires avaient évangélisées, ils témoignent que l’évêque d’Antioche exerçait une sorte de primauté sur des chrétientés distinctes de son Église particulière. L’épiscopat de Sérapion vit aussi la victoire de Septime Sévère sur son rival Pescennius Niger, défaite qui fut suivie de terribles représailles pour la Syrie. Le fougueux Africain démembra de la Syrie une province de la Phénicie, priva Antioche de ses institutions municipales et fit de cette ville de 700 000 Ames, jusque-là la seconde de l’Empire, un simple village dépendant de Laodicée. Cependant, comme la frontière était menacée par les Sassanides et qu’Antioche était le centre naturel de la défense, la capitale de la Syrie recouvra ses anciens privilèges et continua d’être jusqu’à Théodose la véritable reine de l’Orient.

Après Sérapion, Antioche élut pour pasteur un confesseur de la foi nommé Asclépias ; vinrent ensuite Philétus, Zébinus et Babylas, une des plus illustres victimes de la persécution de Dèce. En 258, la ville fut livrée par trahison à Sapor, roi de Perse. Les évêques Fabius († 252), et Démétrianus(† 261), eurent pour successeur le confident et le ministre de la reine Zénobie, Paul de Samosate, qui mena la vie fastueuse d’un homme du siècle, introduisit des chœurs de femmes dans l’église pour chanter ses propres louanges et nia même la divinité de Jésus-Christ. De 264 à 268, son hérésie émut tout l’Orient et amena par trois fois dans les murs d’Antioche toutes les célébrités ecclésiastiques de l’Asie et des provinces syriennes. Le dernier concile, réuni en 268, se termina par la déposition du hardi novateur. Tout en acceptant la condamnation de son favori, Zénobie ne consentit ni à lui retirer sa protection, ni à mettre la force civile au service de l’évêque orthodoxe, Domnus, ni à éloigner Paul de la demeure épiscopale et des propriétés qu’il détenait toujours. En 272 seulement, l’empereur Aurélien ordonna de restituer l’église aux chrétiens qui étaient en communion avec les évêques d’Italie et de Rome. Domnus fut suivi de Timée et de Cyrille, envoyé en 303 aux mines de Pannonie. L’absence du pasteur fut fatale à cette heure de la persécution. Les chrétiens désertèrent en foule les autels du vrai Dieu pour offrir des sacrifices aux idoles. Jusqu’à l’avènement de Constantin, les disciples du Christ, les femmes surtout, se virent exposés aux pires outrages des officiers de la cour, parfois des empereurs en personne. Maximin, qui avait fait d’Antioche sa capitale, fut un monstre de luxure et de débauches. Que de femmes, vierges ou épouses, préférèrent se donner la mort plutôt que de tomber vivantes entre les mains de ses infâmes agents ! L’Église a reconnu le culte de ces martyres de la chasTeté, telles que Bérénice, Prosdocé, Domnina, Pélagie, et nombre d’autres dont les noms sont ignorés.

Enfin, la paix fut rendue à l’Église avec l’édit de Constantin, sous les évêques Tyran, Vital, Philogone et Paulin ; elle fut presque aussitôt troublée par les controverses de l’arianisme. Antioche en souffrit plus que toute autre cité. L’exil de saint Eustathe en 330 la livra à la discrétion des prélats ariens qui, durant le ive siècle, se succédèrent sans solution de continuité, soutenus et patronnés par leurs coreligionnaires couronnés, Constance et Valens. Le règne de Julien l’Apostat provoqua le dernier effort du paganisme expirant. L’empereur, avant son expédition de Perse, vint prendre ses quartiers d’hiver à Antioche. Vainement tenta-t-il d’infuser une vie nouvelle au culte des dieux de l’Olympe tombé en discrédit, les reliques de saint Babylas fermèrent la bouche à l’oracle d’Apollon, à Daphné. Au lieu des blanches théories d’enfants et des nuages de fumée montant des sacrifices qu’il attendait, Julien ne vit venir à sa rencontre qu’un vieux prêtre tenant une oie fort maigre à la main. Deux fois de suite, le temple d’Apollon devint la proie des llammes, et si l’Apostat s’en vengea sur les chrétiens, ceux-ci lui rendirent avec

usure ses moqueries déplacées sur le fils du charpentier qui lui préparait déjà un cercueil. Sous le règne de Théodose, en 387, la levée d’un impôt extraordinaire suscita une émeute, au cours de laquelle les statues de l’empereur et de sa famille furent renversées et traînées dans la boue. Le gouverneur exerça une justice sommaire sur quelques coupables, et sans la touchante démarche du saint vieillard Flavien, la ville entière, comme plus tard Thessalonique, aurait éprouvé les effets redoutables de la colère de l’empereur. Antioche, résidence du comte d’Orient, possédait des églises fort belles ou fort renommées, comme l’église d’or bâtie par Constantin et l’église ancienne qui conservait le souvenir des premiers apôtres. Pour les antiquités d’Antioche, voir Ottfried Mùller, Antiquitales antiochense, in-4°, Gœttingue, 1839.

III. Gnose.

L’origine du mal et l’origine du monde sont les causes fondamentales de la gnose dans la primitive Église. C’est à résoudre ces deux problèmes, l’un moral, l’autre physique, mais connexes entre eux, que se heurtèrent les esprits inquiets et chercheurs, plus confiants dans leurs propres lumières que dans celles de la tradition. La Syrie fut de bonne heure infectée de cette maladie. Ménandre, disciple de Simon, et, comme lui, originaire de la Samarie, soutint la théorie émanative de la création et, s’il ne crut pas, comme son maître, être Dieu lui-même, il s’estima du moins le Sauveur promis aux mortels. Saturnin, son émule, enseignait à Antioche, au début du ne siècle. Il partageait les hommes en deux classes, les bons et les méchants, ceux-ci protégés par les démons, ceux-là par le Sauveur accouru à leur secours sous l’apparence d’un corps humain. De plus, le mariage lui semblait une institution diabolique ; diabolique aussi l’usage de manger des choses animées. Un autre gnostique syrien, Cerdon, professait à Rome, vers l’an 130, le même enseignement, il compta Marcion parmi les héritiers de ses erreurs. Gardons-nous de passer sous silence Axionicos d’Antioche, le principal représentant de la doctrine de Valentin, et Bardesane d’Edesse († 225), qui, avec l’aide de son fils Harmonios, exposa ses idées dans des hymnes et propagea le mal dans toute la Syrie.

IV. Liturgie.

La liturgie syrienne est la source de toutes les autres et les types si connus depuis : alexandrin, byzantin, romain et gallican, peuvent tous aisément s’y rattacher. A cela rien d’étonnant ; la Syrie n’estelle pas le berceau du christianisme ? et la langue syriaque ne fut-elle pas la première usitée ? Je ne puis entrer ici dans les détails et je renvoie, pour ce qui concerne la liturgie primitive, aux textes publiés par M. E. Brightman, Liturgies easternand western, Oxford, 1896, t. I. Au ive siècle, les documents sont plus nombreux et plus précis. On n’en compte pas moins de quatre ou cinq d’un intérêt capital : 1° la catéchèse xxiii de saint Cyrille de Jérusalem prononcée en 347 ; 2° les Constitutions apostoliques, ii, 57 ; VIII, 5-15 ; 3° divers passages des homélies de saint Jean Chrysostome ; 4° la S. Silvise Aquitanse percgrinatio ad loca sancta, Rome, 1886, datant de la fin du ive siècle. On peut y ajouter encore le Testamentuni Domini Nostri Jesu Ckrisli, publié récemment par le patriarche syrien M9 r E. Rahmani et dont l’âge n’a pas encore été bien déterminé. Du ive siècle et d’Antioche également proviennent deux usages liturgiques, qui furent bientôt étendus à l’Église entière ; tout d’abord l’office quotidien des ascètes et des vierges fut introduit dans le service des églises vers l’an 350 par l’évêque arien, Léonce ; ensuite Yanliphona ou chant des psaumes en deux chœurs remplaça le récitatif du lecteur ou psalmus responsorius. P. Batiffol, Histoire du bréviaire romain, Paris, 1891, p. 18, 25. Sur la liturgie syrienne, voir Duchesne, Origines du culte chrétien, in-8°, Paris, 1898, p. 55-67 ; Dictionnaire d’archéologie chrétienne, 1. 1, col. 2427-2 139.