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1Il ABRAHAM (PROM. DU MESSIE FAITE A) — ABRAHAM (SEIN D’) 112

altérant et ad Gal., Paris, 1892, p. 491-498. S’il en est ainsi, la promesse faite à Abraham que les nations seront bénies dans sa descendance ne vise pas directement un rejeton unique qui serait le Christ. Elle peut s’interpréter de toute la postérité d’Abraham, celle au moins qui descend d’Isaac et de Jacob, à qui du reste la promesse a été répétée, celle qui devait se multiplier à l’égal du nombre des étoiles.

A Isaac.

Contraint par la famine de se réfugier chez le roi de Gérare, Isaac reçoit de Dieu l’assurance que sa bénédiction l’y suivrait. Sa postérité devait égaler le nombre des étoiles et habiter la terre promise. Or, c’est en et par cette même race, issue d’Isaac, que toutes les nations de la terre seront bénies. Le motif de toutes ces promesses divines, c’est l’obéissance d’Abraham à la voix de Dieu, c’est son observation fidèle de tous les préceptes divins. Gen., xxvi, 1-5. Cf. Eccli., xliv, 24-25.

A Jacob.

Ce patriarche, allant en Mésopotamie, voit en songe à Béthel au sommet d’une échelle mystérieuse le Dieu d’Abraham et d’Isaac qui lui promet la possession du pays où il dormait, une postérité, nombreuse comme la poussière de la terre et répandue aux quatre coins du monde, et annonce qu’en lui, en sa personne, et en sa race, celle dont il vient d’être question évidemment, toutes les tribus de la terre seront bénies. Gen., xxviii, 12-14.

De tout ce qui précède il ressort clairement que la bénédiction divine, qui doit se répandre sur toutes les nations de la terre, est attachée à la personne même d’Abraham, Gen., xil, 3 ; xviii, 18, et à sa postérité, Gen., XXII, 8, et que cette postérité était celle qui descendrait de lui par Isaac, Gen., xxvi, 4, et par Jacob. Gen., xxviii, 14. La bénédiction était même attachée à la personne de Jacob, Gen., xxviii, 14, autant qu’à celle de son aïeul Abraham. Gen., XII, 3. Comment s’est-elle répandue sur le monde entier par l’intermédiaire des patriarches Abraham, Isaac et Jacob, et de leur postérité ? Sans doute, parce que la race d’Abraham, choisie par le Seigneur, a conservé sur terre la foi au vrai Dieu, qui a été préchée par des Juifs aux païens, lorsqu’ils se convertirent au christianisme ; mais surtout parce que la famille d’Abraham, dans la lignée d’Isaac et de Jacob, a été la souche de laquelle est sorti le Messie. La promesse faite par Dieu aux patriarches était messianique. On lui a toujours reconnu ce caractère et les preuves rapportées plus haut le démontrent. C’est par Jésus-Christ, issu d’Abraham, que les nations païennes ont reçu le salut et avec lui toutes les bénédictions messianiques, promises et offertes d’abord au peuple juif. Cf. Stanley Leathes, Old Testament Prophecy, Londres, 1880, p. 19 ; Trochon, Introduction générale aux prophètes, Paris, 1883, p. lxx-lxxi ; F. de Hummelauer, Comment, in Genesim, Paris, 1895, p. 331-355, 436.

Outre les commentaires de la Genèse : Héngstenberg, Christoloyic des Alleu Testament, in-8°, Berlin, 1829, t. i ; L. ReinUe, Beitràge zur Erklarung des Alten Testament, t. iv, p. 111 ; Himpel, Die Vch-issungen an die Patriarchen, dans la Quartalschrift de Tubingue, 1859, p. 235 ; X. Patrizi, Biblicarum quiestionum decas, in-8° Rome, 1877, p. 54-69 ; card. Meignan, L’Ancien Testament dans ses rapports avec le Nouveau et la critique moderne, De l’Éden à Moïse, in-8° Paris, 1895, p. 312326, 351-359 ; J. Corluy, Spicilegium dogmatico-biblicum, in-8 Gand, 1884, t. i, p. 373-384 ; Jaugey, Dictionnaire apologétique de la foi cath clique, in-4°, Paris (1889), p. 10-19 ; Maas, Christ in type and Prophety, New— York, 1893, c. iv.

E.Mangenot.


IV. ABRAHAM (Sein d’), expression qui a passé de l’Évangile et de la littérature rabbinique dans le langage ecclésiastique pour désigner soit les limbes des patriarches, soit le paradis. Nous l’étudierons dans l’une cl l’autre de ces significations.

I. Le sein d’Abraham désignant les limbes des patriarches.

Jésus-Christ en a parlé dans la belle parabole du mauvais riche et du pauvre Lazare. Il a dit que celui-ci étant mort, a été porté par les anges dans le sein d’Abraham, si ; tov x6).irov’Aëpaâjt, et que le riche qui avait été enseveli dans l’enfer, ayant levé les yeux, vit en haut Abraham et Lazare Èv toi ; xdXnotç aJToù. Luc, xvi, 22, 23. Il empruntait cette expression aux rabbins dans la langue de qui behêqô sêl’Abraham, « être dans le sein d’Abraham, » signifiait être dans le séjour des bienheureux. Lightfoot, Horee hebraicm et talmudicse, in Luc, xvi, 22. L’auteur du IVe livre (apocryphe ) des Machabées, nui, 16, joint au nom d’Abraham, ceux d’Isaac et de Jacob et place les morts dans le sein de ces trois patriarches. Partout ailleurs il n’est question que d’Abraham seul. Tertullien, De anima, 9, P. L., t. ii, col. 661, pensait que le sein d’Abraham était une réalité aussi bien que le doigt de Lazare et la langue du riche. Mais saint Ambroise, De excessu f’ratris sui Satyri, ii, 101, P. L., t. xvi, col. 1311, estimait avec raison que les justes n’étaient pas réconfortés sur le sein corporel d’Abraham, et saint Augustin, De anima et cjus origine, IV, 15, n. 21, P. L., t. xliv, col. 538, écrivait à Vincentius Victor qui prenait cette expression au sens propre et l’entendait du corps d’Abraham : « Je crains qu’on ne croie que dans une question de cette impor tance vous n’agissiez par plaisanterie ou dérision, et non sérieusement et gravement. Vous n’êtes pas assez insensé pour penser que le sein corporel d’un seul homme puisse recevoir tant d’âmes… Si vous ne plaisantez pas et ne voulez pas vous tromper puérilement, entendez par le sein d’Abraham le lieu de repos éloigné et caché où est Abraham. » C’était, en effet, une locution métaphorique par laquelle les contemporains de Notre-Seigneur désignaient le séjour où les âmes saintes jouissaient du repos et de la tranquillité, en attendant le parfait bonheur du ciel, les limbes des patriarches.

L’origine de cette gracieuse métaphore a été diversement expliquée. La plupart des commentateurs la font dériver de la coutume qu’ont les parents de porter leurs enfants dans leurs bras ou de les tenir sur leurs genoux, , pour qu’ils s’y reposent, y dorment et y reçoivent des caresses et des consolations. Num., xi, 12 ; Ruth., iv, 16 ; II Reg., xii, 3 ; III Reg., iii, 20 ; xvii, 19. Cf. Joa., I, 18. Cependant saint Ambroise, De excessu fratris sui, il, 101, P. L., t. xvt, col. 1341, saint Grégoire leGrand, In Ev., homil. xl, n. 2, P. L., t. lxxvi, col. 1303, et Ilaymon d’Halberstadt, Hom. de tempore, homil. ex, P. L., t. cxviii, col. 592, ont rapproché le repos dans le sein d’Abraham, du festin céleste dans lequel sont conviés les élus en compagnie d’Abraham, d’Isaac et de Jacob. Matlh., viii, 11. Or, les anciens mangeaient à demi couchés et inclinés les uns vers les autres, de sorte que les convives de l’éternel festin devaient, sinon reposer sur le sein d’Abraham, comme saint Jean à la dernière cène sur celui de Jésus, Joa., xiii, 23*, du moins être à ses côtés, assis à la même table et goûter le même bonheur. Maldonat, Comment, in quatuor Erangrlia, in-fol. Pont-à-Mousson, 1596, p. 529, a repris cette explication qui est acceptée par beaucoup d’exégètes modernes. Les Pères ont généralement distingué le banquet promis aux disciples de Jésus du repos goûté dans le sein d’Abraham. Ce banquet dont Abraham sera le président, n’est qu’un bonheur futur, qui sera accordé aux païens convertis, tandis que tous les justes jouissaient déjà avec Lazare dans le sein d’Abraham du repos mérité par leurs bonnes œuvres. Atzberger, Die christliche Eschatologie n, den Stadien ihrer Offenbarung in Allen und Neuen Testamente, in-8°, Fribourg-en-Brisgau, 1890, p. 216. Saint Grégoire de Nysse, De anima et resurreclione r P. G., t. xi.vi, col. 84, qui reconnaissait dans le sein d’Abraham l’état tranquille d’une âme détachée des biens terrestres, le comparait aux baies de la mer, où les eaux sont eh repos et servent de ports assurés aux vaisseaux. Théophylacte, Enarrat. in Ev. Lucæ, P. G. f t. cxxui, col. 977, mentionne cetle explication. La meta-