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ANTIMENSION — ANTJNOMISME

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non dans les oratoires, comme le remarque déjà Balsamon, P. G., t. cxxxvii, col. 912.

III. Pratique actuelle.

Malgré les défenses formelles signalées plus haut, on se sert couramment de Yantimension sur les autels consacrés : on le plie et on le déplie en même temps que l’eiV^TOv ou corporal. Celui-ci est même généralement placé sous Yantimension et ne lui sert plus pour ainsi dire que d’enveloppe : c’est donc sur Yantimension que sont placés directement les oblats.

Quant aux antimensia sans reliques qu’on peut rencontrer quelquefois dans les églises grecques et qui sont inconnus en Russie, Goar y voyait des t.r{iâ. Eucholog., Paris, p. 130. Une note du n^SàXiov, Athènes, 1886, p. 204, y reconnaît au contraire de véritables antimensia : nous devons supposer qu’ils ne servent que sur les autels consacrés.

L’Euchologe, Venise, 1851, p. 325-327, Goar, p. 618654, renferme un office pour la consécration de Yantimension en dehors des cérémonies de la dédicace d’une église : cet office ne sert plus aujourd’hui, les grecs réservant la préparation des antimensia pour les occasions où l’évêque accomplit les èyxat’via de quelque temple nouveau. Les russes s’en tiennent, au contraire, à la faculté reconnue par Syméon de Thessalonique ; on trouvera la description de l’office dont ils se servent dans A. von Maltzew, Begràbniss-Ritus, Berlin, 1898, IIe part., p. 114-142 ; cet office, très différent du précédent, est analogue à celui de la consécration de l’autel, et par conséquent tout à fait conforme à la description laissée par Syméon. Pour ce qui regarde la consécration ordinaire des antimensia, simultanément avec celle de l’autel, voir l’office de la dédicace des églises, Bucarest, 1793, réédité dans YEitcologe, Venise, 1851, p. 290-324.

IV. Grecs unis.

L’usage de Yantimension a été approuvé par Clément VIII et Benoit XIV, dans les conditions où s’en servent les Orientaux non catholiques. En Autriche, les prêtres latins peuvent consacrer sur Yantimension dans les Églises ruthènes. Cf. Benoit XIV, Bullarium, Prato, 1847, t. i, p. 204 ; t. iii, part. 1, p. 273, 274. Le concile de Zamosc pour les Ruthènes ordonne de placer trois nappes sur l’autel et Yantimension sous la nappe supérieure. SSynod. provinc. Rut/tenor., Rome, 1838, p. 89.

Dictionnaire d’archéologie chrétienne, t. I, col. 2319-2326.

S. PetridèS.

ANTJNOMISME. — I. Antinomisme au temps des apôtres. Courant judéo-hellénistique. II. Antinomisme des gnostiques. III. Comment les gnostiques établissaient leur antinomisme. IV. Antinomisme des marcionites. V. Antinomisme des manichéens. Pour la controverse antinomiste des protestants du XVIe siècle, voir l’article Agricola Jean, col. 632.

Antinomisme, de avec, vop.o ; , opposition à la loi. Ce terme, inconnu dans l’antiquité chrétienne pour désigner telle ou telle hérésie en particulier, sert à caractériser tout un mouvement d’opposition contre la loi morale, spécialement contre celle qui défend, sous le nom de iropveia et de jj.ot/e£a, les actes d’immoralité. Il ne saurait être question ici de l’opposition qu’implique toute désobéissance à la loi divine ; mais il s’agit d’une justification de la licence, d’une légitimation du libertinage, d’une consécration dogmatique du sensualisme, le tout fondé sur l’Écriture et revêtu d’un appareil scientifique aussi rigoureux que possible. L’antinomisme peut se formuler en ces termes : les opéra caynis sont une loi de l’instinct, une nécessité de la nature, un devoir de la conscience ; par suite, toute loi contraire doit être tenue pour non avenue, repoussée comme une tyrannie et impunément violée.

Ce n’est pas d’emblée qu’on est arrivé à une formule aussi précise et aussi brutale. Mais, déjà du temps des apôtres, l’antinomisme paraît en germe dans la plupart

des théories antichrétiennes, colportées par les faux chrétiens, sortis du judaïsme ou du paganisme ; il en constitue sinon le but ostensible et clairement avoué, du moins le fond irréductible, l’aboutissement naturel et la conséquence forcée, en attendant que, vers la fin du premier siècle et dans le courant du deuxième, il apparaisse chez les nicolaïtes d’abord, chez les carpocratiens ensuite, ainsi que dans presque toutes les sectes gnostiques.

I. L’antinomisme au temps des apôtres. Courant judéo-hellénistique. — Saint Paul a été, sans le vouloir, la cause occasionnelle des premières manifestations de l’antinomisme. Son enseignement sur le rôle désormais fini de la loi, sur l’inefficacité et l’inutilité des observances légales, sur la justification et le salut par la foi, sur la liberté des enfants de Dieu et sur le don par excellence de la grâce, faisait partie indissoluble d’un tout parfaitement lié. Mais, au lieu d’être compris au sens où il l’entendait lui-même, et qui était celui de l’Église, cet enseignement fut méconnu de parti pris et complètement dénaturé. Certains esprits mal faits eurent soin de lui faire subir d’habiles mutilations et de n’en retenir que certaines propositions qui, détachées de l’ensemble, prises au pied de la lettre et bien mises en relief, eurent sur leurs lèvres un sens diamétralement opposé. Ce travestissement de la pensée de l’apôtre et cette subtile exégèse, d’abord perdus au milieu de tant d’autres objets de spéculation, ne passèrent pas cependant inaperçus. Saint Paul en est averti, il les constate lui-même, et au fur et à mesure qu’il se rend compte du danger de cette propagande hypocrite et captieuse, il la dénonce et la condamne. C’est ainsi que, dans les épîlres à Timothée et à Tite, il les met en garde contre les fables judaïques, les mythes subtils, les interminables généalogies et tous les raisonnements d’esprits vaniteux et enténébrés. I Tim., i, 4 ; iv, 7 ; II Tim., ii, 23 ; Tit., iii, 9. Qu’y a-t-il au fond de tout cela ? L’Épitre aux Éphésiens le donne clairement à entendre, quand elle montre ces faux docteurs, tombés dans l’impudicité, plongés dans les œuvres de la chair, au point que ce serait une honte de répéter ce qu’ils font. Eph., iv, 19. Cf. Rom., i, 24 ; Gal., v, 19.

Ce ne sont là, si l’on veut, que des traits généraux ; mais combien révélateurs des tendances émancipatrices et immorales de l’antinomisme ! La Loi n’a été bonne qu’à multiplier les délits ; elle n’existe pas pour les justes ; elle est morte : à quoi bon s’en préoccuper ? La foi seule justifie et sauve : à quoi bon les œuvres ? Les actes du corps sont sans répercussion sur l’âme et ne peuvent la contaminer : à quoi bon y prendre garde ? L’Évangile ne nous a-t-il pas apporté la liberté ? Et la grâce n’est-elle pas souveraine ? Libre donc à l’homme, en possession de la grâce, de donner carrière à tous ses appétits sensuels. Avec l’apôtre il peut répéter : oninia mihi licent. Ainsi donc ces beaux noms de la liberté et de la grâce ne servaient qu’à légitimer la licence et le libertinage.. Sous le couvert de Paul et contrairement à son enseignement, la libre spéculation glissait dans l’action libre, et cette métaphysique intempérante sombrait dans la boue.

Jacques (Jacob., I, 21 sq. ; ii, 17) est obligé d’insister sur la nécessité des bonnes œuvres et de rappeler que la foi sans les œuvres est une foi morte ; et bien qu’il prévoie que sa lettre ne sera pour ces hommes charnels qu’un miroir fidèle où ils verront leur image, mais dont ils se détourneront, parce que cela les importunera, il n’en llétrit pas moins ces dérèglements de l’esprit et cette corruption du cœur. Pierre (II l’eli.) dénonce à son tour ces falsificateurs de l’enseignement de saint Paul, les traite de maîtres menteurs, de nouveaux Balaam, de sources taries, de nuées sans eaux flottant à tous les vents, de séducteurs qui n’estiment que la volupté. Jude, encore plus énergique, stigmatise ces contempteurs de la foi et