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ANTICONCORDATAIRES


tendaient demeurer catholiques, tout en étant hors de la communion du pape.

Cependant, le schisme voyait diminuer insensiblement le nombre de ses adhérents. Pour des causes et sous des influences diverses, des prêtres de la Petite-Eglise se réconciliaient avec la grande Église. D’autre part, la division régna bientôt parmi les anticoncordataires et, dans le schisme, il se produisit des sous-schismes. Tandis que les évoques non démissionnaires déclaraient ne pas vouloir rompre avec le souverain pontife, des prêtres, qui étaient demeurés à Londres, tenaient Pie VII pour hérétique, schismatique, apostat, sacrilège, etc., et les nouveaux évêques français pour hérétiques ou fauteurs d’hérésies et comme tels, excommuniés, irréguliers et sans juridiction. Les deux principaux étaient Blanchard et Gasquet, qui soutinrent une controverse violente avec les vicaires apostoliques de Londres. La discussion s’envenima après le retour des Bourbons en France. A cette époque, seize évêques non démissionnaires vivaient encore. Plusieurs rentrèrent à la suite du roi. Sept, qui se trouvaient à Paris, envoyèrent, le 15 novembre 1815, leur démission à Louis XVIII, à la condition expresse qu’il la tiendrait secrète jusqu’à la conclusion des négociations d’un nouveau Concordat. Ceux qui étaient à Londres, en agissant de même, déclaraient que leur démission n’aurait son effet « que quand ils verraient et jugeraient les principes en sûreté ». Les blanchardistes attaquèrent vivement les évêques démissionnaires qui protestèrent, le 22 août 1816, contre leurs adversaires, « hommes inquiets, sans mission et sans autorité. » VinsonetFleury furent poursuivis et condamnés à trois mois de prison pour des écrits attaquant le Concordat. En 1817 et 1818, tous les évêques, sauf M. de Thémines, se remirent en communion avec le pape. Quatre-vingt-seize ecclésiastiques français, séjournant en Angleterre, souscrivirent la formule que Pie VII leur imposa. Dès lors, les prêtres dissidents considérèrent l’ancien évêque de Blois comme leur chef ; ils étaient censés recevoir de lui tous les pouvoirs. Lui-même se regardait comme « le seul évêque catholique » ; il mourut à Bruxelles, dans les premiers jours de novembre 1829, parfaitement réconcilié avec l’Église. Dans l’intervalle de 1817 à 1829, la lutte entre les dissidents provoqua bien des conversions. Le 21 juillet 1820, l’évêque de Poitiers interdit les prêtres schismatiques de son diocèse et par un bref du 27 septembre suivant, Pie VII approuva sa conduite. Le 2 juillet 1826, Léon XII écrivit, à l’occasion du jubilé, une exhortation paternelle qui ne toucha pas les rebelles. H. Grégoire, Histoire des sectes religieuses, 2’édit., Paris, 1828, t. ii p. 448-509.

II. Prêtres sans évêques (1829-1847). — Durant cette période, le schisme vit constamment décroître le chiffre de ses adhérents. Les prêtres âgés mouraient sans réconciliation et n’étaient pas remplacés, ou, s’ils l’étaient, c’était par des prêtres interdits qui ne gagnaient pas la confiance des fidèles. Les missions, le jubilé, le zèle des curés légitimes ramenaient chaque année bon nombre de dissidents à l’Église catholique. De 1830 à 1847, les conversions se multiplièrent dans le bocage vendéen. Des paroisses entières revinrent à l’unité. En 1840 et en 1844, Mo r Villecourt, évoque de La Bochelle, adressa de pressantes exhortations aux schismatiques de son diocèse ; il leur communiqua l’encyclique que Léon XII avait écrite à leurs pères en 1826. Le 10 février 1842, un habitant de Courlay, François Marilleaud, écrivit à Grégoire XVI, qui lui fit répondre par le cardinal Castracane. Il se convertit et avec lui soixante habitants de cette paroisse. Vende, Une lettre du pape, et une conversion en pays dissident, 1891.

III. Fidèles sans PRÊTRES (1847-1900). — Dès le commencement du schisme, dans quelques villes, Nancy et Vannes, par exemple, un petit nombre de chrétiens j

restèrent fidèles à leurs évêques non démissionnaires. Comme ils n’avaient pas de prêtres de leur parti, ils recouraient au ministère des curés légitimes qu’ils savaient suffisamment délégués par leurs anciens prélats. Ils ne firent pas de nouveaux adhérents et disparurent peu à peu, enlevés par la mort. Dans les contrées où le culte schismatique avait été organisé, les dissidents se virent tour à tour privés de prêtres, de sacrifice, de sacrements, le baptême excepté, et de culte public. Ils durent se contenter de réunions, dans lesquelles ils récitaient des psaumes, des prières, le chapelet, sous la présidence de chefs laïques ou même de femmes, nommées les Sœurs. Dans le diocèse de Luçon, les schismatiques n’eurent plus de prêtres dès 1832. En 1835, mourut le dernier prêtre dissident du Bouergue. Il laissait des hosties consacrées dans le tabernacle de son église ; ses partisans les portèrent plus tard à Toulouse et les remirent à un prêtre de leur secte. D’autres venaient en Vendée faire consommer les hosties et en rapporter de nouvelles. Quelques-uns entreprenaient de longs voyages pour se confesser. En 1850, les dissidents de Sénepjac, Aveyron, écrivirent à Pie IX, qui leur répondit, le 10 mars. A la Pentecôte suivante, 280 dissidents environ, sur 300 qui étaient encore dans le pays, se convertirent. A la mort du dernier prêtre dissident du bocage vendéen, en 1847, on y comptait encore huit mille anticoncordataires, disséminés dans quatre cantons. Bientôt, Ma 1’Pie, évêque de Poitiers, tenta de gagner ceux de son diocèse. Au printemps de 1851, il visita leurs paroisses, mais ils se tinrent à l’écart. Le 15 octobre de la même année, il écrivit une Première lettre pastorale aux dissidents de la Petite-Eglise. Cf. Discours et instructions pastorales de Mo r l’évêque de Poitiers, 1858, t. i, p. 409=441. Le docte prélat décrit la triste situation religieuse des dissidents et les exhorte vivement au retour vers la véritable Église. Sa parole ne fut pas sans écho. Plusieurs profitèrent du jubilé pour se réconcilier ; on vit même des familles entières rentrer ensemble au bercail. Les chefs du parti, humiliés d’entendre répéter qu’ils n’avaient plus de sacerdoce, appelèrent un prêtre interdit, qui fut bientôt arrêté par la police à cause de ses crimes. A ce sujet, M9 r Pie écrivit, le 21 novembre 1853, sa Seconde lettre pastorale et avertissement aux dissidents de la Petite-Eglise. Cf. Discours, etc., t. ii p. 115-140. Il ordonnait pour le 8 décembre une cérémonie solennelle d’expiation et de réparation pour les profanations et les sacrilèges de ce mauvais prêtre. Le prélat prononça lui-même l’amende honorable et promit d’ériger un autel votif à la sainte Vierge, quand la majeure partie des habitants de Courlay serait revenue à l’unité de l’Église. Le 23 septembre 1868, il exécutait son vœu, le nombre des catholiques l’emportant dès lors dans cette paroisse sur celui des dissidents.

Quand Pie IX convoqua le concile du Vatican, le schisme de la Petite-Église était presque partout éteint. Les dissidents du Poitou, inspirés par quelques-uns de leurs partisans de Lyon, résolurent de recourir au corps des évêques.’Il était conforme à leurs principes gallicans d’en appeler des décisions du pape à un concile œcuménique. Ils firent imprimer un mémoire intitulé : Reverentissima commentatio ad SS. œcumenicum Condition Romanum de variis actis ad Ecclesiam gallicanam spectantibus, Genève, 1869. Deux exemplaires, destinés au pape et au secrétaire général du concile, furent signés par cinq cents membres environ de la Petite-Église. D’autres, sans signatures, furent distribués avec les Réclamations canoniques de 1803, réimprimées à cette occasion, à chacun des Pères de l’assemblée conciliaire. Marius Duc et Jacques Berliet, de Lyon, furent officiellement chargés d’aller à Borne remettre au pape et aux évêques les deux écrits réunis. Les délégués remplirent leur mission et s’ils n’eurent pas d’audience du Pie IX, ils rirent Ma r Fessier, secrétaire du concile,